Dépistage du VIH dans les saunas et les unités mobiles
2013
Sortir du cadre de la clinique pour atteindre la communauté
On le comprend aisément, tout le monde ne se sent pas à l’aise d’entrer dans une clinique de santé sexuelle ou encore de demander à son médecin d’être aiguillé vers des services de santé sexuelle. Les préoccupations relatives à la vie privée, la stigmatisation liée aux infections transmissibles sexuellement (ITS) et au VIH, ainsi que l’accès aux soins comptent parmi les nombreuses raisons pour lesquelles certains hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HARSAH) n’ont pas recours aux services et à l’éducation sur la santé sexuelle dans les cliniques. Un rapport de consultation communautaire publié en 2011 par Health Initiative for Men1 (HIM) indique que c’est peut-être le cas pour les HARSAH à Vancouver : sur presque 100 hommes interrogés dans des lieux extérieurs d’activité sexuelle, deux tiers ont signalé un manque d’information sur la santé sexuelle, moins de la moitié ont signalé à leurs médecins qu’ils avaient des partenaires sexuels masculins, et trois quarts d’entre eux étaient favorables à l’offre de tests de dépistage du VIH et des ITS dans des lieux extérieurs.
Compte tenu du fait qu’en 2011, les hommes gais, bisexuels et autres HARSAH à Vancouver représentaient plus de 60 p. cent des nouveaux cas d’infection au VIH dans la ville, le projet STOP de Vancouver a adopté une stratégie utilisée dans plusieurs villes d’Amérique du Nord pour fournir des services de santé sexuelle aux HARSAH qui autrement n’y auraient peut-être pas accès : des tests de dépistage du VIH dans les saunas et les unités mobiles.
Amener les services dans la communauté
Les deux initiatives de dépistage dans les saunas et les unités mobiles ont été mises en œuvre sous la direction de l’équipe d’intervention de proximité de STOP, une équipe clinique interdisciplinaire qui œuvre partout à Vancouver en vue d’offrir des tests de dépistage du VIH à plus grande échelle et d’accroître l’implication dans les soins. Le projet de dépistage mobile a été élaboré en partenariat avec YouthCO, un organisme communautaire de Vancouver. Ces initiatives comprenaient la création de mini-cliniques satellites de santé sexuelle offrant aux clients un éventail complet de services de dépistage, de traitement et de counseling liés au VIH et aux ITS et dispensés par des infirmières autorisées. Ces services sont semblables à ceux que les clients peuvent s’attendre à trouver dans un centre de santé sexuelle, mais en dehors du cadre clinique traditionnel. Ces deux projets fournissent essentiellement les mêmes services, tous dispensés par les infirmières de l’équipe d’intervention de proximité de STOP. La principale différence entre les deux a trait aux endroits où les services sont offerts : un des projets se déroule dans les saunas de Vancouver, et l’autre dans des endroits multiples et changeants, au moyen d’un fourgon d’intervention de proximité.
Projet de dépistage du VIH dans les saunas : Dans le cadre de cette initiative, une infirmière de l’équipe d’intervention de proximité de STOP a collaboré avec les propriétaires/gérants de saunas pour mettre en place et fournir des services dans un local aménagé en petite clinique dans chaque sauna. Trois saunas de Vancouver y ont participé.
Projet pilote de dépistage mobile du VIH : Dans le cadre de cette initiative surnommée « Know on the Go » (KOTG), l’équipe d’intervention de proximité de STOP s’est alliée à YouthCO pour fournir les services. YouthCO a aménagé un fourgon en clinique sur roues, assuré la promotion du projet, établi les heures et les lieux de l’emplacement du fourgon, et fourni des travailleurs d’intervention de proximité pour informer et sensibiliser les gens lorsque le fourgon était sur place.
L’élément de programme suivant souligne la façon dont l’équipe d’intervention de proximité de STOP a abordé la prestation de services de santé sexuelle dans des lieux peu conventionnels.
Travailler avec la communauté et au sein de celle-ci
Il faut répondre à un grand nombre de questions avant de déplacer des services de santé sexuelle d’une clinique vers des sites communautaires : comment le service sera-t-il perçu par la communauté? Les gens auront-ils recours au service? Comment peut-on fournir ces services sans qu’ils soient perçus comme étant coercitifs ou insistants? Il était difficile de prédire les réponses à ces questions; de nombreuses stratégies ont donc été utilisées pour faire en sorte que ces services soient accueillis le mieux possible par la communauté.
Consultations communautaires
Afin de déterminer les meilleurs moyens de répondre aux besoins en dépistage du VIH chez les hommes gais et autres HARSAH, le projet STOP de Vancouver s’est associé avec plusieurs importants organismes de santé des hommes gais et des représentants communautaires pour former un Groupe de référence des hommes gais, chargé d’explorer de nouvelles stratégies d’intervention de proximité et de prestation de services.
Le groupe a souligné un certain nombre de priorités à considérer dans la prestation de services sur place, comme le respect de la vie privée des clients, la prestation de services culturellement sûrs et le maintien des mêmes normes de soins que dans une clinique. Ces priorités ont été énoncées dans un document intitulé « Principles for Provider-Initiated Testing External to Healthcare Venues » (principes pour la prestation de services de dépistage proposés par les fournisseurs à l’extérieur des centres de santé), dont le projet STOP de Vancouver s’est servi pour structurer ces services. Pour plus de renseignements sur ces priorités, voir ci-dessous.
Mise en œuvre
L’équipe du projet STOP et YouthCO veulent offrir dans les sites communautaires la même qualité, le même niveau et le même éventail de services que ceux offerts dans une clinique, y compris la capacité de dépister et de traiter une variété d’ITS et d’offrir des tests de dépistage du VIH grâce à une technologie rapide au point de service (PDS), ainsi que des prises de sang normales. Il fallait résoudre deux problèmes clés pour atteindre cet objectif : premièrement, comment créer des mini-cliniques satellites dans des lieux peu conventionnels; et deuxièmement, comment établir des relations de confiance avec les propriétaires/gérants des établissements et autres intervenants, comme le personnel des parcs aux emplacements d’intervention de proximité.
Créer des cliniques satellites
La prestation de services de santé sexuelle complets dans des cliniques satellites supposait de surmonter un certain nombre de défis logistiques, dont l’accès sur place à des fournitures médicales adéquates et l’établissement d’un processus pour envoyer les échantillons à un laboratoire. Le projet STOP de Vancouver a résolu ce problème en travaillant à partir d’un centre de santé sexuelle existant et traditionnel, géré par Vancouver Coastal Health. Les mini-cliniques satellites mobiles et celles installées dans les saunas se fient à cette infrastructure existante pour obtenir les fournitures nécessaires, comme des tests sanguins aux points de service et des traitements tels que les antibiotiques. Une fois les quarts de travail terminés dans les cliniques satellites, les échantillons sont acheminés soit directement vers un laboratoire aux fins d’analyse, soit vers le centre de santé sexuelle où ils sont regroupés avec tous les autres échantillons prélevés cette journée-là à la clinique.
Au-delà de quelques problèmes logistiques comme la question de savoir quoi faire avec les échantillons prélevés après la fermeture du laboratoire, les infirmières du projet STOP ont trouvé qu’elles avaient le temps et l’espace nécessaires pour fournir aux clients des services plus complets et plus étendus que ceux qu’ils auraient pu obtenir dans une clinique. Dans les cliniques traditionnelles, où le volume de patients est souvent plus élevé et le temps limité, les infirmières doivent se concentrer sur un ensemble distinct de services. La prestation de services en dehors d’un centre de santé leur permet par contre de passer plus de temps avec leurs clients, de discuter de nombreux problèmes de santé et autres qui ont des répercussions sur leur vie comme l’utilisation de drogues ou d’alcool, la santé mentale ou d’autres préoccupations sans rapport avec la santé sexuelle et qui sont plus urgentes pour eux.
Forger des relations
L’établissement de relations de confiance avec les sites d’intervention de proximité était essentiel à la réussite des deux projets – saunas et unités mobiles. Beaucoup de temps et d’efforts ont été consacrés à forger ces relations au cours de plusieurs réunions, afin de s’assurer que ces services seraient accueillis aussi favorablement que possible par la communauté.
Après avoir sélectionné un site d’intervention de proximité pour le fourgon de dépistage, YouthCO communiquait avec la personne responsable des lieux (ou du parc public le cas échéant) pour la mettre au courant de l’initiative et s’assurer que celle-ci serait bien accueillie. Les infirmières de l’équipe d’intervention de proximité de STOP ont également forgé de solides relations avec les propriétaires/gérants de saunas.
Une des principales préoccupations soulevées lors de ce processus d’établissement de relations était que l’initiative risquait de susciter des réactions négatives au sein de la communauté, à savoir que le fait de fournir des services sur place pourrait « gâcher le plaisir » des clients. L’assurance d’une approche passive à la prestation de services était importante pour palier les inquiétudes liées à l’invasion de l’espace personnel. Donc, plutôt que d’aborder directement les gens et de les inciter à passer un test de dépistage, le personnel infirmier se contente de faire sentir sa présence, que ce soit par des écriteaux, des annonces sur le système de sonorisation du sauna ou tout simplement en étant présent sur les lieux dans le fourgon de KOTG.
Les relations avec les propriétaires/gérants de saunas continuent de s’améliorer à mesure qu’ils se rendent compte que la présence des infirmières est un « service ajouté » qui démontre leur engagement et l’intérêt qu’elles portent à la santé de leur communauté. Certains clients de saunas ont été tellement emballés par cette initiative que les saunas ont commencé à annoncer les dates des cliniques de dépistage dans leurs calendriers d’activités. Les propriétaires/gérants ont découvert que certains clients venaient au sauna spécialement pour avoir accès aux services de santé sexuelle.
Un virage culturel
La prestation de services dans des lieux inhabituels exige des stratégies dynamiques, souples et ouvertes de la part du personnel infirmier qui fournit les tests de dépistage. Par exemple, certains clients peuvent avoir consommé de l’alcool ou des drogues avant de demander un test de dépistage. D’autres ne se sentent pas prêts à recevoir certains services ou – dans le cas du dépistage PDS – ou un résultat de test de dépistage du VIH. De plus, les infirmières de STOP sont conscientes qu’elles s’introduisent et fournissent des services dans un milieu qui peut être hautement sexualisé. Le personnel infirmier utilise un éventail de stratégies pour évoluer de manière appropriée, efficace et prudente dans ces environnements uniques. Il se montre ouvert et chaleureux quand des clients potentiels semblent s’intéresser aux services offerts. Le maintien d’une attitude joviale tout en établissant des limites cohérentes en communiquant clairement leur rôle permet aux infirmières d’évoluer et d’agir avec professionnalisme dans un contexte favorable à l’expression de la sexualité.
Les interactions avec les clients peuvent aller de répondre à quelques questions de façon informelle à décrire les services offerts avant de demander au client si ces derniers l’intéressent. Deux clients ne reçoivent pas nécessairement le même service : les infirmières discutent avec les clients afin d’évaluer leur état d’esprit et proposent des choix de tests de dépistage adaptés pour déterminer quel service leur convient le mieux. Par exemple, si après discussion, l’infirmière et le client conviennent que le moment est mal indiqué pour subir un test, le client est aiguillé vers d’autres services et/ou lieux de dépistage. Si, par contre, le client accepte de se faire tester mais ne veut pas avoir les résultats le jour même ou dans le sauna ou fourgon mobile, l’infirmière lui proposera de faire une prise de sang standard pour le dépistage du VIH et le client pourra obtenir les résultats ultérieurement et à un autre endroit où il se sentira plus à l’aise. Beaucoup de clients optent pour ce second choix, surtout lorsqu’ils apprennent que la prise de sang standard comprend aussi un test d'amplification des acides nucléiques (TAAN). La principale raison est que la période fenêtre du TAAN est de 10 à 12 jours, alors que celle du test de détection des anticorps au point de service est de 12 semaines, ce qui signifie que le TAAN peut refléter des activités à risque élevé plus récentes.
Mesurer le succès
Les coordonnateurs du projet étaient conscients que certains membres de la communauté pourraient désapprouver leur présence, que ce soit dans les saunas ou dans le fourgon mobile. En effet, certains habitués des endroits où STOP fournissait des services communautaires ont déclaré qu’ils n’aimeraient pas recourir aux services dans un tel contexte et préfèreraient se rendre dans un centre de santé. Grâce à des sondages sur la satisfaction de la clientèle et des conversations informelles avec ceux qui ont utilisé les services, le personnel infirmier de l’équipe d’intervention de proximité de STOP a trouvé que, dans l’ensemble, les réactions étaient très favorables. De nombreux membres de la communauté étaient contents de voir les services qu’on offrait et les ont trouvés commodes. Les services de santé sexuelle sur place ne sont pas pour tout le monde, mais ceux qui les ont utilisés ont apprécié leur disponibilité et étaient satisfaits de la qualité des services.
Les résultats obtenus pour les deux projets ― fourgon mobile KOTG et saunas ― indiquent qu’ils offrent chacun la possibilité de passer des tests de dépistage du VIH et des ITS dans des communautés de personnes qui autrement n’auraient peut-être pas recours à ces tests.
Le projet de dépistage dans les saunas a relevé un taux de séropositivité de 3 p. cent, ce qui est largement supérieur au seuil de rentabilité généralement accepté de 0,01 p. cent. Plus de 64 p. cent des clients qui ont obtenu un résultat positif étaient âgés de 35 ans ou moins, 27 p. cent étaient déjà admissibles à un traitement (avec un compte de CD4 inférieur à 500), et 18 p. cent n’avaient jamais subi de test de dépistage du VIH auparavant.
Le projet KOTG atteint également un important segment de population : les évaluations ont révélé que 10 p. cent des personnes utilisant le service n’avaient jamais subi de test de dépistage du VIH, 18 p. cent n’avaient jamais passé de test de dépistage des ITS, et 45 p. cent n’avaient pas subi de test de dépistage du VIH depuis plus d’un an.
Néanmoins, les infirmières ont remarqué qu’au-delà des données statistiques, une grande partie de leur succès tient aux interactions au jour le jour avec les clients des lieux où elles fournissent les services. Le fait d’être présent, à l’écoute et d’abord facile leur permet de tisser de bonnes relations avec les membres de la communauté où elles évoluent et aide à normaliser le concept de santé sexuelle et de dépistage du VIH et des ITS. Les infirmières ont constaté que même si les gens se présentent initialement à la clinique pour le VIH et des ITS, de nombreux autres problèmes de santé et psychosociaux transparaissent, ce qui donne aux infirmières l’occasion de les aborder ou d’aiguiller les clients vers d’autres services. Les infirmières peuvent ainsi fournir des services de santé sexuelle tout en abordant la santé des hommes gais de façon globale. Si les clients ont besoin d’un suivi ou d’un soutien quelconque après le test de dépistage, les infirmières s’assurent d’obtenir leurs coordonnées et d’être disponibles à leur clinique principale pour des consultations futures.
Les projets pilotes dans les saunas et KOTG prouvent qu’il est possible de fournir des services complets de santé sexuelle dans des cadres non traditionnels. En tissant des relations solides, en adoptant une approche passive et en offrant des services souples et personnalisés, on donne à des clients qui autrement n’auraient pas recours à des services l’occasion d’entrer en contact avec des professionnels de la santé. Qui plus est, ce premier contact peut aller bien au-delà de la simple prestation de services de dépistage des ITS et du VIH et inclure et améliorer l’accès à des services et à des soins continus. Les clients ont ainsi la possibilité d’examiner d’autres aspects de leur santé et bien-être susceptibles d’augmenter leur risque d’infection au VIH ou, s’ils sont déjà séropositifs, d’aborder d’autres problèmes de santé afin de gérer efficacement l’infection.
Pour plus de renseignements sur le programme, veuillez communiquer avec :
Geoffrey Ford, RN BScN
Nurse Educator, STOP HIV Outreach Team
Vancouver Coastal Health
604-218-4706
Jesse Brown
jesseb@youthco.org
YouthCO AIDS Society
Vancouver BC
Phone: 1-604-688-1441
Toll Free (in Canada): 1-855-YOUTHCO (968 8426)
Références
- Anderson I. « Community Consultation Final Report [Internet] ». Vancouver, C.-B. : Health Initiative for Men; 2011. Accessible à l’adresse : http://checkhimout.ca/assets/uploads/files/HIM_Community_Consultation_Report_Final.pdf