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CATIE

Les chercheurs qui étudient la violence envers les femmes emploient plusieurs termes pour qualifier les actes de violence commis par les conjoints masculins. En voici quelques exemples :

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  • violence conjugale ou familiale
  • violence fondée sur le sexe
  • violence à l'égard du/de la partenaire intime (VPI)

L'Institute of Medicine (IOM) des États-Unis recommande maintenant que les professionnels de la santé effectuent un dépistage et un counseling en matière de violence conjugale auprès de toutes les femmes.

Des recherches précédentes menées en Afrique subsaharienne, en Inde et aux États-Unis ont permis de constater que la violence conjugale était un facteur de risque pour les femmes quant à l'infection par le VIH. Or peu de recherches ont examiné l'impact de la violence conjugale sur la santé des femmes séropositives.

Des chercheurs de Calgary, en Alberta, ont mené une étude pour évaluer la présence de la violence conjugale dans la vie des femmes séropositives, ainsi que son impact sur leur santé. Les résultats sont très troublants­— la violence conjugale serait courante, comme l'atteste le taux de 40 % signalé par les clientes séropositives de la plus importante clinique de la région. De plus, les femmes séropositives qui avouaient subir des violences conjugales avaient une santé plus précaire et une pire qualité de vie que les femmes qui ne signalaient pas de violence conjugale. En effet, les femmes séropositives subissant des violences conjugales étaient plus susceptibles d'avoir été hospitalisées, et ce, même après avoir commencé à se faire soigner pour le VIH.

La présente étude a permis de découvrir un taux élevé de violence conjugale parmi les femmes séropositives, en plus de documenter un lien avec un plus grand nombre d'hospitalisations chez les femmes touchées. Rappelons que tout séjour à l'hôpital, quelle qu'en soit la cause, y compris la violence conjugale, coûte cher au système de santé. Ces facteurs devraient encourager les planificateurs de politiques et les départements de santé régionaux à intensifier leurs programmes afin de prévenir la violence conjugale et traiter les personnes subissant des abus, particulièrement les femmes séropositives. En établissant une relation de confiance avec les femmes séropositives, les professionnels de la santé pourront les faire participer aux soins et améliorer leur état de santé et de bien-être global.

Détails de l 'étude

L'équipe de recherche de l’Alberta a observé que les abus à l'endroit des personnes pouvaient prendre plusieurs formes, dont les suivantes :

  • violence physique
  • violence sexuelle
  • abus émotionnel
  • abus financier
  • isolement
  • négligence
  • intimidation

Dans le cadre de son étude, l'équipe de recherche a effectué un dépistage auprès des femmes séropositives afin de détecter ces différentes sortes d'abus lors de leurs visites routinières à la clinique entre mai 2009 et janvier 2012. Toute femme qui dévoilait avoir subi des abus se voyait offrir des soins additionnels auprès d'une travailleuse sociale spécialisée dans la prise en charge des personnes séropositives souffrant de violence conjugale.

Résultats

Près de 80 % (339 femmes) des femmes soignées pour le VIH dans le sud de l'Alberta ont fait l'objet d'un dépistage de violence au cours de l'étude. Voici un résumé des résultats principaux :

  • 40 % (137) des femmes disaient avoir subi de la violence conjugale
  • sur les 137 femmes ayant dévoilé des antécédents d'abus, 20 % disaient en subir dans le cadre de leur relation actuelle
  • 8 % (11) des personnes subissant des abus affirmaient en avoir connu dans leurs relations passées et actuelles
  • 22 % des 137 femmes ayant des antécédents de violence conjugale avaient également souffert d'abus dans leur enfance

Les formes les plus courantes d'abus étaient les suivantes :

  • émotionnel
  • physique
  • sexuel

Les chercheurs ont toutefois souligné que la majorité des femmes (72 %) dévoilaient avoir « connu plusieurs sortes d'abus  ».

Race et ethnie

L'équipe de chercheurs a constaté que les femmes autochtones et les femmes blanches faisaient état d'un taux élevé de violence conjugale, comme suit :

  • Autochtones – 65 %
  • femmes blanches – 61 %

Par contraste, les femmes noires, dont la majorité se composait d'immigrées d'Afrique subsaharienne, faisaient état d'un taux de violence conjugale moins élevé, soit 22 %.

Violence conjugale, consommation de drogues/alcool et incarcération

Les chercheurs ont constaté que les femmes ayant des antécédents de violence conjugale étaient susceptibles dans une forte mesure de faire ce qui suit :

  • consommer des drogues
  • fumer ou avoir fumé la cigarette

L'équipe de recherche a observé que la violence conjugale ne permettait pas de prévoir une consommation « excessive » d'alcool.

L'étude en question était principalement de nature transversale; cela équivaut plus ou moins à prendre une photo de groupe à un moment précis dans le temps et à étudier les données captées, plutôt que de mener une étude plus longue et plus coûteuse qui suit les participants pendant de nombreuses années. Vu la nature de cette étude, le lien temporel entre la consommation de drogues/alcool et les épisodes d'abus n'est pas clair. Il est cependant probable que la consommation avait lieu après la violence conjugale alors que les femmes cherchaient un refuge temporaire face au fardeau psychologique des abus.

Les chercheurs ont trouvé digne de mention que 19 femmes sur 25 qui subissaient une violence conjugale avaient aussi été incarcérées dans le passé.

Santé mentale

En passant en revue les dossiers médicaux des femmes figurant dans cette étude, les chercheurs ont constaté que celles subissant de la violence conjugale affichaient un taux élevé de dépression avant leur diagnostic de VIH. En général, l'intensité de la dépression était sévère, et de nombreuses femmes touchées avaient besoin de médicaments sur ordonnance pour y faire face.

Les femmes qui avaient subi de la violence conjugale étaient aussi plus susceptibles d'avoir fait l'objet d'un diagnostic antérieur de trouble anxieux. De plus, ces femmes étaient plus nombreuses à avoir fait une tentative de suicide avant leur diagnostic de VIH.

Qualité de vie

Les femmes qui rapportaient des épisodes de violence conjugale avaient une qualité de vie considérablement réduite.

État de santé général

De façon générale, les femmes subissant des violences conjugales avaient été diagnostiquées séropositives à un stade relativement précoce de l'infection, et leur compte de CD4+ était supérieur à 500 cellules. De plus, ces femmes étaient moins susceptibles de suivre une thérapie antirétrovirale (couramment appelée multithérapie ou TAR); si elles en suivaient une, elles le faisaient de façon irrégulière. En outre, les femmes qui subissaient de la violence conjugale avaient plus de difficulté à fréquenter régulièrement les cliniques et à recevoir d'autres soins. À long terme, ce genre d'interruption des soins pourrait compromettre la survie des femmes concernées.

Les taux d'hospitalisation étaient supérieurs parmi les femmes subissant des violences conjugales que chez les autres femmes.

Résultats clés

Cette étude albertaine a permis de constater un taux global élevé de violence conjugale parmi les femmes séropositives, soit 40 %. Selon les chercheurs, il est possible que le taux de violence conjugale réel soit plus élevé encore : « De nombreuses femmes subissant des violences conjugales n'interprètent pas leurs expériences comme de la violence et minimisent souvent la situation ».

Les chercheurs ont également découvert que la consommation de drogues/alcool et les antécédents de tabagisme étaient relativement courants parmi les femmes qui disaient subir des violences conjugales. « Aider les patientes à affronter la violence conjugale de manière constructive pourrait aussi [réduire le nombre de maladies et de décès susceptibles d'être causés par] la consommation de drogues/alcool et la cigarette », a affirmé l'équipe.

Les chercheurs ont également souligné que les femmes faisant face à la violence conjugale « se heurtaient à de nombreux obstacles aux soins, telles que les menaces immédiates à leur sécurité et à celle des personnes à leur charge, ce qui fait que les dangers moins imminents, comme l'infection au VIH, perdent nécessairement la priorité ».

Les chercheurs ont affirmé que de nombreuses femmes « risquent de vivre la violence conjugale comme une conséquence de l'infection au VIH et de son dévoilement [à leur conjoint]. Ces femmes risquent alors des répercussions violentes en voulant se faire soigner.  Notre étude soutient [cette idée], car les femmes subissant des violences conjugales trouvaient qu'il était plus difficile de continuer à recevoir des soins pour le VIH ».

Dans ce contexte, il n'est pas surprenant que de nombreuses femmes subissant des violences conjugales aient un mauvais état de santé et une faible qualité de vie, partiellement à cause du stress intense et de l'absence de multithérapie ou de l'usage intermittent de celle-ci. L'équipe albertaine avance alors que « le fait de contrer directement la violence conjugale pourrait favoriser l'adhérence aux soins et améliorer ainsi [leur santé et bien-être] ».

Conseils à l 'intention des équipes de soins

Les femmes qui disaient souffrir de violence conjugale étaient moins susceptibles de suivre une multithérapie, ce qui pourrait expliquer, du moins partiellement, leur risque accru d'hospitalisation. Les chercheurs encouragent alors les équipes médicales et de services sociaux qui suivent les femmes séropositives de faciliter le développement de relations sécuritaires et de confiance afin que les équipes de soins puissent contrer la violence conjugale et ses retombées psychologiques. Parmi les conséquences, les femmes touchées pourraient connaître une amélioration sur le plan psychologique et seraient plus à même de suivre fidèlement leur multithérapie, de sorte que leur santé et leur bien-être s'en porteraient mieux. Les médecins, les infirmiers, les infirmières, les pharmaciens et les autres professionnels de la santé peuvent commencer à aider les femmes souffrant de violence conjugale en « les dirigeant vers des organismes spécialisés et d'autres professionnels de la santé » qui ont la formation et l'expérience nécessaires en matière de violence conjugale.

L'étude albertaine constitue une bonne première étape pour s'attaquer à l'horreur de la violence conjugale que vivent de nombreuses femmes séropositives. D'autres études seront nécessaires pour étudier les résultats à long terme sur la santé des femmes séropositives qui réussissent à dévoiler la violence et à y échapper. De plus, les autorités régionales de la santé de partout devront faire de plus grands efforts pour éduquer les femmes et dépister la violence conjugale.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Siemieniuk RA, Krentz HB, Miller P, et al. The clinical implications of high rates of intimate partner violence against HIV-positive women. Journal of Acquired Immune Deficiency Syndromes. 2013 Sep 1;64(1):32-8.
  2. Siemieniuk RA, Krentz HB, Gill MJ. Intimate partner violence and HIV: a review. Current HIV/AIDS Reports. 2013; in press.