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CATIE

La grande accessibilité des combinaisons de médicaments anti-VIH puissants (couramment appelées thérapies antirétrovirales ou TAR) au Canada et dans les autres pays à revenu élevé a permis de réduire considérablement la mortalité due aux infections liées au sida. La TAR est tellement bénéfique que les chercheurs s’attendent de plus en plus à ce que certains jeunes adultes qui commencent la thérapie peu de temps après avoir contracté le VIH vivent jusqu’à l’âge de 80 ans ou plus, pourvu qu’ils s’impliquent dans leurs soins et leur traitement et qu’ils n’aient pas de problème de santé grave préexistant.

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Vieillissement

À mesure que la population séropositive vieillit, les problèmes biomédicaux non liés au VIH deviennent une plus grande préoccupation. Les problèmes en question s’appellent des comorbidités et sont associés au déclin de la santé des systèmes organiques majeurs, dont les suivants :

  • cerveau
  • os
  • cœur et vaisseaux sanguins
  • reins
  • foie
  • poumons

À mesure que l’épidémie du VIH se poursuit dans les pays à revenu élevé, il est important que les scientifiques mènent des études auprès des personnes séropositives plus âgées afin de pouvoir explorer, comprendre et satisfaire leurs besoins en matière de santé et de recherche.

Choisir les bonnes personnes

La majorité des études menées dans le but de comprendre le VIH et le vieillissement n’a pas inclus de groupe témoin comparable constitué de personnes séronégatives; ou plutôt, les études en question ont comparé les personnes séropositives à la personne séronégative moyenne. Or, les personnes séropositives (et celles courant un risque élevé de contracter le VIH) ont tendance à avoir des comportements et des caractéristiques qui augmentent leurs risques de comorbidités. Entre autres, des sondages révèlent que les taux de tabagisme sont généralement plus élevés parmi les personnes séropositives que parmi les personnes séronégatives.

Des chercheurs d’Amsterdam ont tenté de corriger ce défaut de recrutement des essais cliniques en menant une étude sur le vieillissement et le VIH appelée AGEhIV. L’équipe néerlandaise a recruté non seulement des personnes séropositives, mais aussi des personnes séronégatives d’âge et d’orientation sexuelle comparables qui avaient « un mode de vie et des comportements sexuels à risque semblables à ceux des participants [séropositifs] », selon les chercheurs.

Lors des analyses de données effectuées à ce jour, les chercheurs d’Amsterdam ont constaté que certaines personnes séropositives étaient plus susceptibles de présenter les comorbidités suivantes :

  • tension artérielle supérieure à la normale
  • crise cardiaque
  • maladie artérielle périphérique
  • dysfonction rénale

Le nombre excessif de comorbidités chez les personnes séropositives s’explique en partie par la présence de davantage de facteurs de risque chez ce groupe, notamment le surpoids et le tabagisme. Cependant, l’infection au VIH elle-même a également joué un rôle dans l’apparition des comorbidités.

Nous signalons à nos lecteurs que, malgré les effets exercés par le VIH, il est possible de prendre des mesures pour réduire le risque et l’impact des comorbidités.

Dans ce bulletin de Nouvelles CATIE, nous explorons quelques résultats de l’étude néerlandaise.

Détails de l’étude

En plus de mener des consultations exhaustives auprès des participants, les chercheurs ont revu leurs dossiers médicaux et effectué des examens physiques et d’autres évaluations, y compris des prélèvements de sang à des fins d’analyses complexes.

Les chercheurs ont comparé les données de santé recueillies auprès des deux groupes suivants :

  • 540 personnes séropositives
  • 524 personnes séronégatives

En général, les participants étaient dans la jeune cinquantaine et se composaient majoritairement d’hommes (87 %), et surtout d’hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (71 %). La plupart des participants du groupe séropositif vivaient avec le virus depuis 12 ans, et la vaste majorité suivait une TAR depuis « de nombreuses années ». Le compte de CD4+ moyen se situait à 565 cellules/mm3 environ, et la charge virale moyenne était inférieure à 50 copies/ml.

La co-infection au virus de l’hépatite B ou C était peu courante; moins de 4 % des participants avaient ces virus.

Les données ont été recueillies entre 2010 et 2012.

Résultats — vue d’ensemble

Les chercheurs ont constaté les taux de tabagisme actuel suivants :

  • personnes séropositives – 32 %
  • personnes séronégatives – 25 %

Une évaluation qui est de plus en plus utilisée dans les essais cliniques est le rapport taille/hanches. Il s’agit d’une mesure comparative de la circonférence du corps à la taille et à la hauteur des hanches. Un rapport taille/hanches élevé suggère un gros abdomen et un excès de graisse abdominale. Dans cette étude, les personnes séropositives (84 %) étaient plus susceptibles d’avoir un rapport taille/hanches supérieur à la normale que les personnes séronégatives (62 %).

Les participants disaient faire de l’activité physique dans les proportions suivantes :

  • personnes séropositives – 44 %
  • personnes séronégatives – 53 %

Toutes les différences mentionnées ci-dessus sont significatives du point de vue statistique, c’est-à-dire non attribuables au seul hasard.

Comorbidités

Dans l’ensemble, les chercheurs ont constaté que les personnes séropositives étaient susceptibles d’avoir un plus grand nombre de comorbidités liées à l’âge, comme l’indiquent les pourcentages suivants :

  • personnes séropositives – 70 %
  • personnes séronégatives – 62 %

En général, les comorbidités apparaissaient environ cinq ans plus tôt chez les personnes séropositives que chez les personnes séronégatives. De plus, chacune des comorbidités liées à l’âge était plus courante chez les personnes séropositives que parmi les personnes séronégatives. Voici quelques précisions :

Tension artérielle supérieure à la normale

  • personnes séropositives – 45 %
  • personnes séronégatives – 31 %

Crise cardiaque

  • personnes séropositives – 4 %
  • personnes séronégatives – 2 %

Maladie artérielle périphérique

  • personnes séropositives – 3 %
  • personnes séronégatives – 1 %

Dysfonction rénale

  • personnes séropositives – 4 %
  • personnes séronégatives – 2 %

Ces différences sont significatives du point de vue statistique.

Facteurs de risque

Les chercheurs ont trouvé que les facteurs suivants étaient liés à un risque accru de comorbidités liées à l’âge :

  • âge avancé
  • antécédents familiaux de comorbidités spécifiques
  • tabagisme
  • compte de CD4+ inférieur à 200 cellules/mm3 pendant une période prolongée dans le passé

Nous explorons ces facteurs de risque plus loin dans ce bulletin.

Inflammation

L’infection au VIH est associée à une augmentation de l’inflammation. Les chercheurs néerlandais ont trouvé que les personnes séropositives avaient des taux de protéines significativement plus élevés dans le sang, ce qui suggère la présence d’inflammation accrue. Voici les protéines en question :

  • protéine C-réactive de haute sensibilité (hsCRP)
  • CD14 soluble (sCD14)
  • CD163 soluble (sCD163)

La présence d’un taux élevé de sCD14 ou de hsCRP (mais non de sCD163) était liée à un risque accru de comorbidités liées à l’âge.

TAR

L’utilisation actuelle ou antérieure des médicaments anti-VIH suivants n’a pas été associée à un risque significativement accru de comorbidités liées à l’âge :

  • abacavir (Ziagen et dans le Kivexa, l’Epzicom, le Trizivir et le Triumeq)
  • d4T (stavudine, Zerit)
  • ddI (didanosine, Videx)

Mise en contexte

Comme nous l’avons déjà mentionné, les chercheurs néerlandais ont trouvé un lien entre les facteurs suivants et un risque accru de comorbidités liées à l’âge :

  • âge avancé
  • antécédents familiaux de comorbidités spécifiques
  • tabagisme
  • compte de CD4+ inférieur à 200 cellules/mm3 pendant une période prolongée dans le passé

Personne ne peut changer son âge ou ses antécédents médicaux familiaux, mais les fumeurs peuvent obtenir conseils et soutien auprès de leur médecin, leur infirmier ou leur pharmacien pour essayer d’arrêter de fumer. La fumée de tabac nuit aux poumons, au cœur et aux vaisseaux sanguins et augmente le risque de diabète et de nombreuses autres complications, y compris le cancer.

Une autre trouvaille de cette étude néerlandaise, soit celle se rapportant aux dommages causés par la déficience immunitaire (faible compte de CD4+), laisse supposer qu’il est possible d’améliorer la santé et d’obtenir de meilleurs résultats à long terme en commençant la TAR le plut tôt possible dans le cours de l’infection au VIH. La TAR aide à préserver le système immunitaire ainsi que la santé des autres systèmes organiques.

Les résultats de l’étude néerlandaise sont particulièrement intéressants en raison des similarités entre les personnes séropositives et séronégatives. Elle révèle que certaines différences entre ces deux populations ne sont pas nécessairement aussi vastes que l’on pourrait imaginer.

Les analyses de l’étude AGEhIV dont nous venons de rendre compte sont de nature transversale. En tant que telles, elles ne peuvent prouver de lien de cause à effet. Cette étude constitue néanmoins une étape importante du processus permettant d’éclaircir l’impact du VIH sur le vieillissement et vice versa. Les chercheurs néerlandais se sont donné beaucoup de mal pour recruter des participants aux caractéristiques semblables, qu’ils aient le VIH ou pas. Cela constitue une force importante qui manque à de nombreuses études et qui souligne la validité des résultats. Il est crucial que cette étude continue d’être financée pendant de nombreuses années. Le fait d’évaluer les participants sur une longue période à mesure qu’ils vieillissent – étude longitudinale – a le potentiel d’accroître largement la base de connaissances vers laquelle les médecins, infirmiers et pharmaciens peuvent se tourner pour aider les personnes séropositives à connaître les bienfaits à long terme de la TAR et de saines habitudes de vie. Un suivi à long terme est également pertinent parce que certaines comorbidités liées à l’âge et au VIH risquent de ne pas apparaître avant la fin de la soixantaine ou le début de la soixante-dizaine.

Enfin, mentionnons que les résultats généraux de cette étude néerlandaise ont été confirmés par quelques autres études.

Renverser le cours

Comme nous l’avons déjà mentionné, bien que certains facteurs de risque de comorbidités soient inchangeables, tels que l’âge et les antécédents familiaux, il est possible de modifier de nombreux autres facteurs susceptibles de nuire à la santé en cherchant de l’aide auprès des médecins, infirmiers et pharmaciens. Pour en savoir plus sur les mesures à prendre pour améliorer la santé cardiaque, consultez le feuillet d'information de CATIE intitulé Le VIH et la maladie cardiaque.

—Sean R. Hosein

Ressources :

Rapport aux NIH sur le vieillissement et le VIH

Programme de recherche des IRSC sur la comorbidité liée au VIH

Programme de recherche des IRSC sur la comorbidité liée au VIH : Secteurs de recherche pertinents

Le VIH et le vieillissement -  Conseils pour une bonne santé à l’intention des personnes vivant avec le VIH de 50 ans et plus

Le VIH et le vieillissement – Série de webinaires de CATIE : Éléments constitutifs

Feuillets d’information sur le VIH et le vieillissement au Canada – Société canadienne du sida

Evidence-informed recommendations for rehabilitation with older adults living with HIV: a knowledge synthesis (en anglais seulement)

RÉFÉRENCES :                                                                                

  1. Lohse N, Hansen AB, Pedersen G, et al. Survival of persons with and without HIV infection in Denmark, 1995-2005. Annals of Internal Medicine. 2007 Jan 16;146(2):87-95.
  2. Samji H, Cescon A, Hogg RS, et al. Closing the gap: increases in life expectancy among treated HIV-positive individuals in the United States and Canada. PLoS One. 2013 Dec 18;8(12):e81355.
  3. May MT, Gompels M, Delpech V, et al. Impact on life expectancy of HIV-1 positive individuals of CD4+ cell count and viral load response to antiretroviral therapy. AIDS. 2014 May 15;28(8):1193-202.
  4. Lohse N, Gerstoft J, Kronborg G, et al. Comorbidity acquired before HIV diagnosis and mortality in persons infected and uninfected with HIV: a Danish population-based cohort study. Journal of Acquired Immune Deficiency Syndromes. 2011 Aug 1;57(4):334-9.
  5. Hansen AB, Lohse N, Gerstoft J, et al. Cause-specific excess mortality in siblings of patients co-infected with HIV and hepatitis C virus. PLoS One. 2007 Aug 15;2(8):e738.
  6. Schouten J, Wit FW, Stolte IG, et al. Cross-sectional comparison of the prevalence of age-associated comorbidities and their risk factors between HIV-infected and uninfected individuals: the AGEhIV Cohort Study. Clinical Infectious Diseases. 2014; in press.