Liens entre la consommation intensive de marijuana et les problèmes cardiaques chez les personnes séropositives

Les personnes séropositives sont généralement à plus haut risque de maladies cardiovasculaires, à cause d’un certain nombre de facteurs de risque contributeurs, dont :

  • la consommation élevée de tabac ou d’autres drogues
  • des taux anormaux de cholestérol et de triglycérides dans le sang
  • des taux élevés d’inflammation
  • une activité physique insuffisante

Par ailleurs, certaines études suggèrent que la consommation de marijuana est relativement commune chez les personnes séropositives. De plus, certaines études laissent entendre que la consommation de cette herbe pourrait contribuer aux maladies cardiovasculaires chez les personnes séronégatives. Il est possible que la même chose soit vraie au sujet de la consommation de marijuana par les personnes séropositives.

Des chercheurs de l’université Harvard ont mené une étude observationnelle auprès de 558 hommes séropositifs entre 1990 et 2010. Ils ont découvert que la consommation « intensive » de marijuana augmentait le risque de complications des maladies cardiovasculaires (y compris les crises cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux), peu importe si l’homme fumait aussi du tabac, et peu importe la présence d’autres facteurs de risques traditionnels.

Détails de l’étude

Les chercheurs ont utilisé la base de données d’une étude appelée MACS (Multicenter AIDS Cohort Study), qui est en cours depuis plusieurs années.

Les participants ont visité des cliniques d’études tous les six mois pour y passer des entrevues et des examens physiques, en plus de participer à des prises de sang et d’autres liquides corporels à des fins d’analyse.

Il y a des milliers de participants dans MACS et les chercheurs ont exclu de leur analyse les personnes atteintes d’une co-infection par le virus de l’hépatite C (VHC), de même que les personnes qui consommaient d’autres substances comme la cocaïne et l’héroïne parce qu’ils voulaient essayer de se concentrer sur les effets de la marijuana.

Selon les divulgations des participants, les chercheurs les ont mis dans les catégories suivantes :

  • Utilisateurs intensifs — consommation quotidienne ou hebdomadaire à 50 % ou plus des visites d’étude
  • Utilisateurs occasionnels — consommation de marijuana moins fréquemment qu’une fois par mois
  • Non-utilisateurs

Les participants qui ont déclaré fumer au moins le quart d’un paquet de cigarettes quotidiennement étaient classés par les chercheurs comme consommateurs de tabac « intensifs ».

Au début de l’étude, les participants avaient en moyenne 41 ans et environ 20 % étaient classés comme étant des consommateurs de marijuana intensifs.

Les chercheurs se sont penchés sur ce qu’ils appellent des « événements cardiovasculaires », ce qui comprend les crises cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux, les douleurs cardiaques, l’insuffisance cardiaque et les événements associés.

Résultats

Après avoir pris en considération plusieurs facteurs, les chercheurs ont découvert les associations suivantes :

  • La consommation active de marijuana était reliée à une augmentation de 2,5 fois du risque d’événement cardiovasculaire
  • Les participants qui consommaient de la marijuana et qui fumaient du tabac étaient pratiquement 5 fois plus à risque d’un événement cardiovasculaire

Ces associations étaient statistiquement significatives.

Cellules sanguines

D’autres études, avec des personnes séronégatives, ont montré une association entre avoir un taux de globules blancs élevé et de graves maladies cardiovasculaires. Dans l’étude actuelle, les participants qui consommaient de la marijuana ou du tabac avaient généralement un taux plus élevé de globules blancs. De plus, les participants (peu importe les substances consommées) qui avaient un taux de globules blancs de 6 500 cellules/mm3 ou plus étaient quatre fois plus à risque d’un risque d’événement cardiovasculaire.

Autres enjeux

Il n’y a pas d’association significative entre la consommation intensive de marijuana à long terme et les changements dans la charge virale, le compte de cellules CD4+, le risque de développement du sida, du cancer, ou du décès. Au contraire, les fumeurs de cigarettes avaient un risque accru à la fois pour les crises cardiaques et les cancers sans lien avec le sida.

À garder en tête

La présente étude a découvert des associations entre la consommation intensive de marijuana et un risque accru d’événements cardiovasculaires chez les hommes âgés de 40 et à 60 ans. Cette augmentation était indépendante de la consommation de tabac.

Des études supplémentaires seront nécessaires pour découvrir les raisons de cette association entre la consommation intensive de marijuana et les événements cardiovasculaires.

La présente étude est de conception observationnelle. De telles études ne peuvent pas prouver que la marijuana (ou quoi que ce soit d’autre) cause des événements cardiovasculaires. Cependant, la présente étude fournit des bases solides pour de futures enquêtes portant sur tout lien entre la santé cardiovasculaire, la consommation de marijuana et le VIH. De telles études futures doivent comprendre des femmes et poser minimalement les questions suivantes :

  • Quelles souches de marijuana ont été utilisées?
  • Quel était le mélange relatif de cannabinoïdes dans ces souches?
  • Comment la marijuana était-elle consommée — fumée, ingérée (produits comestibles) ou vaporisée?
  • Quelles étaient la quantité de marijuana consommée et la fréquence de la consommation?
  • La marijuana a-t-elle interagi avec le TAR ou les autres médicaments couramment utilisés par les personnes co-infectées?
  • Y a-t-il des différences dans les effets de la marijuana selon les genres?

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Pacher P, Steffens S, Haskó G, et al. Cardiovascular effects of marijuana and synthetic cannabinoids: the good, the bad, and the ugly. Nature Reviews. Cardiology. 2018 Mar;15(3):151-166.
  2. Lorenz DR, Dutta A, Mukerji SS, et al. Marijuana use impacts midlife cardiovascular events in HIV-infected men. Clinical Infectious Diseases. 2017 Aug 15;65(4):626-635.