Danemark — tendances inattendues de l’usage de médecines psychotropes

Les médecines psychotropes sont des médicaments qui agissent sur les signaux chimiques que les cellules cérébrales utilisent pour communiquer les unes avec les autres. Ces médicaments peuvent exercer des effets sur le comportement et l’humeur des patients. Les classes de psychotropes couramment prescrites incluent les suivantes :

  • anxiolytiques
  • antidépresseurs
  • antipsychotiques
  • hypnotiques
  • régulateurs de l’humeur
  • sédatifs

Dans le cadre d’une étude, des chercheurs œuvrant dans des cliniques importantes du Danemark ont passé en revue les données de santé recueillies auprès de plus de 3 000 personnes séropositives et stockées dans plusieurs bases de données. Les chercheurs avaient accès à des données se rapportant à l’exécution d’ordonnances de médicaments psychotropes destinés à des patients danois séronégatifs et séropositifs.

L’analyse des chercheurs a révélé que 55 % des personnes séropositives faisaient exécuter des ordonnances pour une large gamme de médicaments psychotropes. Parmi les personnes séronégatives du même âge ou du même sexe, 30 % seulement des patients faisaient exécuter des ordonnances pour des médicaments psychotropes. Les tendances de prescription variaient selon les populations étudiées en fonction de facteurs comme l’âge et la présence d’affections médicales coexistantes. Les données se rapportant à l’exécution des ordonnances révèlent que certaines personnes séropositives font face à des problèmes de santé mentale et émotionnelle qu’il faut régler.

Détails de l’étude

Les chercheurs ont revu et analysé les informations sauvegardées dans plusieurs bases de données se rapportant aux personnes séropositives et leur utilisation de médicaments sur ordonnance.

Les chercheurs ont analysé des données portant sur 3 615 personnes séropositives qui n’avaient pas la co-infection au virus de l’hépatite C. Ils ont comparé les données portant sur chaque personne à celles se rapportant à neuf personnes danoises séronégatives du même âge et du même sexe.

Au moment de leur admission à l’étude, entre 1995 et 2009, les participants avaient en moyenne 38 ans et étaient majoritairement des hommes (83 % d’hommes, 17 % de femmes). La majorité des hommes étaient gais ou bisexuels. Aucun participant à cette étude ne s’injectait de drogues.

Les participants sont restés dans l’étude pendant une période allant de deux à quatre ans.

Résultats

Des médicaments psychotropes ont été utilisés au moins une fois par les populations suivantes :

  • personnes séropositives – 55 %
  • personnes séronégatives – 30 %

Les classes de psychotropes les plus couramment utilisées étaient soit les hypnotiques soit les sédatifs. Ces médicaments sont généralement utilisés pour aider les patients à s’endormir ou à rester endormis. Les sédatifs sont également utilisés pour soulager la détresse temporaire liée à l’anxiété.

Les chercheurs ont constaté les particularités suivantes quant à l’utilisation des catégories de médicaments mentionnées :

  • les antipsychotiques étaient plus susceptibles d’être prescrits aux femmes et aux personnes de couleur
  • les antidépresseurs étaient plus susceptibles d’être prescrits aux hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH)

Changements au fil du temps

Au cours de l’étude, l’utilisation de psychotropes a augmenté parmi les personnes séropositives et les personnes séronégatives.

Les tendances dans le temps quant à l’usage d’antidépresseurs étaient différentes, comme suit :

  • personnes séropositives – augmentation rapide de l’usage d’antidépresseurs
  • personnes séronégatives – augmentation lente de l’usage d’antidépresseurs

L’utilisation de médicaments anxiolytiques a baissé puis s’est stabilisée parmi les personnes séropositives. Les taux d’utilisation demeuraient toutefois plus élevés que chez les personnes séronégatives. L’usage de cette catégorie de médicaments est resté stable parmi celles-ci.

L’usage d’hypnotiques et de sédatifs a baissé puis s’est stabilisé parmi les personnes séropositives mais demeurait plus élevé que chez les personnes séronégatives. Parmi celles-ci, les taux d’utilisation d’hypnotiques et de sédatifs sont restés stables pendant toute la durée de l’étude.

Vue d’ensemble

Dans l’ensemble, l’équipe danoise a constaté que les personnes séropositives utilisaient davantage de médicaments psychotropes que les personnes séronégatives du même âge et du même sexe.

Puisque les bases de données nationales danoises sont exhaustives, les chercheurs ont été en mesure de suivre les tendances de prescription avant et après le moment où certains participants ont contracté le VIH. Chez le sous-groupe en question, l’équipe a découvert une utilisation plus fréquente d’hypnotiques et de sédatifs autant avant qu’après le moment de l’infection par le VIH, comparativement aux personnes n’ayant pas contracté le VIH.

En général, les chercheurs ont constaté que la probabilité de se faire prescrire des psychotropes augmentait en fonction de la durée de la séropositivité. Autrement dit, les personnes séropositives étaient plus susceptibles que les personnes séronégatives d’utiliser des psychotropes en vieillissant.

Plus d’une utilisation

Il est improbable que l’augmentation de la prescription et de l’utilisation d’antipsychotiques soit attribuable à une forte augmentation du taux de psychose. Les chercheurs soulignent plutôt que cette classe de médicaments s’est montrée utile aux médecins et aux patients pour traiter une large gamme de problèmes de santé mentale incluant la dépression, l’anxiété, les troubles bipolaires, etc. Ainsi, l’augmentation de la prescription de cette classe de médicaments est sans doute attribuable au fait que les médecins s’en servent pour traiter diverses affections.

Accent sur les hypnotiques et les sédatifs

Comme nous l’avons mentionné plus tôt, les hypnotiques et les sédatifs sont utilisés pour traiter les problèmes de sommeil et l’anxiété. Bien que l’usage de ces médicaments ait baissé au fil du temps parmi les personnes séropositives, elles s’en servaient entre deux et quatre fois plus fréquemment que les personnes séronégatives. De plus, l’utilisation de ces médicaments augmentait à mesure que les personnes séropositives vieillissaient.

Dans un monde idéal, ces médicaments ne seraient utilisés que pour une courte période parce que certains sédatifs apparentés au Valium (il s’agit de la famille des benzodiazépines) et d’autres encore peuvent créer une dépendance. Par conséquent, dans de nombreux pays à revenu élevé, les autorités de la santé déconseillent la prescription routinière de cette classe de médicaments pour un usage prolongé. Notons que les taux relativement élevés d’utilisation d’hypnotiques et de sédatifs par les personnes séropositives ont suscité l’inquiétude des chercheurs durant cette étude.

À la lumière de l’ensemble de leurs résultats, les chercheurs danois encouragent tous les médecins qui soignent des personnes séropositives à « se concentrer sur le diagnostic et le traitement [des problèmes de santé mentale et émotionnelle] chez leurs patients séropositifs, y compris les HARSAH ».

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCE :

Rasmussen L, Obel D, Kronborg G, et al. Utilization of psychotropic drugs prescribed to persons with and without HIV infection: a Danish nationwide population-based cohort study. HIV Medicine. 2014 Sep;15(8):458-69.