L’exercice et son impact potentiel sur l’inflammation et l’humeur

Comme nous l’avons déjà mentionné dans ce numéro de TraitementSida, l’infection au VIH est associée à l’activation du système immunitaire et à l’inflammation. La TAR ne réussit que partiellement à supprimer cette inflammation. Les chercheurs ne savent pas avec certitude pourquoi l’inflammation chronique se produit chez les personnes séropositives suivant une TAR, mais ils soupçonnent que le problème est attribuable à au moins l’un des facteurs suivants :

  • production continue de faibles quantités de VIH dans les profondeurs du corps, notamment dans des endroits comme les ganglions et tissus lymphatiques
  • changements dans le système immunitaire causés par le VIH
  • présence d’autres microbes ou d’autres facteurs inconnus

Des chercheurs de l’Université de Rome (Italie) et d’Atlanta (États-Unis) ont proposé l’exercice physique comme méthode pour réduire potentiellement l’inflammation et l’activation immunitaire chez les personnes vivant avec le VIH.

Problèmes d’adiposité

L’incitation à explorer les effets de l’exercice vient de scientifiques de l’Université Harvard qui ont souligné les tendances suivantes parmi les personnes séronégatives :

  • le nombre de personnes obèses ne cesse de croître
  • l’obésité nuit au système immunitaire et contribue probablement à l’inflammation
  • l’obésité et l’inflammation semblent accroître le risque de résultats défavorables pour la santé, tels que le diabète de type 2, la crise cardiaque, les taux problématiques de lipides dans le sang (cholestérol et triglycérides), la dépression, la démence et le cancer du sein ou du côlon

Même si une personne n’est pas obèse, la recherche sur l’inflammation liée à l’obésité souligne l’existence d’un lien antérieurement sous-estimé entre le système immunitaire et le métabolisme.

L’exercice et l’absence d’exercice

De nombreuses études sur l’exercice ont été menées auprès de personnes séronégatives, et les chercheurs ont découvert que l’activité physique procurait de nombreux bienfaits, y compris la réduction du risque de diabète de type 2 et de maladies cardiovasculaires.

Les études menées auprès de personnes séronégatives qui ne faisaient pas d’exercice ont révélé que celles-ci étaient plus à risque de présenter une inflammation chronique de faible grade. Le problème de l’inflammation se produit parce que de nombreuses personnes sédentaires ont tendance à accumuler de la graisse dans les régions profondes de l’abdomen. Cette graisse viscérale enveloppe les organes vitaux et produit des hormones et des signaux chimiques qui favorisent l’apparition de l’inflammation. Les hormones et les signaux chimiques produits par la graisse viscérale nuisent également au système immunitaire.

L’exercice chez les personnes séropositives

Des chercheurs œuvrant dans plusieurs centres autour du monde ont récemment étudié l’impact de l’exercice sur des personnes vivant avec le VIH. Nous en résumons les résultats ci-dessous.

Brésil

Des chercheurs de l’Université de Bahia ont mené une étude randomisée et contrôlée de six mois auprès de 63 participants séropositifs. L’équipe a prescrit l’une des interventions suivantes aux participants :

  • une heure d’activité supervisée dans un centre de conditionnement physique (étirements, musculation et activités aérobiques) trois fois par semaine, ainsi que du counseling nutritionnel une fois par mois
  • un atelier mensuel pour discuter de l’importance de l’activité physique et recevoir du counseling nutritionnel

À la fin de l’étude, les évaluations révélaient une baisse des mesures suivantes chez les participants qui faisaient régulièrement de l’exercice :

  • graisse corporelle
  • tour de taille
  • glycémie

Ces mêmes participants ont connu des gains par rapport aux mesures suivantes :

  • masse musculaire
  • compte de CD4+ (augmentation très modeste)
  • amélioration de l’humeur

Australie

Des chercheurs de l’Alfred Hospital de Melbourne ont mené une étude randomisée et contrôlée de six mois auprès de 35 hommes séropositifs qui ont reçu l’une des interventions suivantes :

  • deux cours de conditionnement physique supervisés d’une heure par semaine (incluant entraînement aérobique et musculation)
  • marche non supervisée deux fois par semaine et participation à une réunion de groupe mensuelle

Comme cela s’était produit lors d’autres études, les participants qui recevaient des séances d’entraînement supervisées ont connu des améliorations sur le plan de la santé cardiovasculaire, de la qualité de vie et de la fonction cognitive.

Italie : même la marche rapide fait du bien

Certaines personnes séropositives connaissent des pannes d’énergie ou se fatiguent très facilement. Pour ces personnes, il est possible qu’un programme de marche rapide convienne mieux. Des chercheurs de Milan ont recruté 59 personnes séropositives et leur ont assigné l’une des interventions suivantes pour une période de 12 semaines :

  • trois séances d’une heure par semaine de marche rapide à l’extérieur
  • trois séances d’une heure par semaine de marche rapide et trois séances de musculation de 30 minutes par semaine

À la fin de l’étude, tous les participants présentaient une réduction statistiquement significative de leur cholestérol total, de leur mauvais cholestérol (LDL-C) et de leur tour de taille.

Les taux de protéines sanguines associées à l’activation immunitaire ont également diminué de façon significative, y compris les suivantes :

  • interleukine-6 (IL-6)
  • D-dimère
  • protéine C-réactive de haute sensibilité (hsCRP)
  • cellules CD8+ activées

Ces résultats révèlent que même une quantité modeste d’activité physique a un effet bénéfique sur l’inflammation.

Plaisir

Les personnes qui font régulièrement de l’exercice affirment qu’elles éprouvent un sentiment de bien-être voire d’euphorie après l’activité. Selon les chercheurs, il est probable que ce résultat est attribuable aux propriétés suivantes, entre autres :

  • L’exercice peut inciter les cellules à produire des signaux chimiques appelés endorphines. Ces dernières exercent un effet semblable à celui de l’analgésique morphine. De plus, les personnes qui font régulièrement de l’exercice ont souvent une meilleure tolérance à la douleur en raison de la libération d’endorphines. Ces signaux chimiques sont également utilisés par les cellules immunitaires pour communiquer entre elles.
  • L’exercice incite le cerveau et d’autres parties du corps à produire et à libérer un autre groupe de signaux chimiques appelés neurotransmetteurs. Autrefois, les chercheurs pensaient que ces signaux chimiques n’étaient utilisés que pour faciliter la communication entre les cellules cérébrales, mais on a découvert que d’autres cellules étaient également sensibles aux neurotransmetteurs. Par exemple, lorsqu’on commence à faire de l’exercice, l’organisme produit des neurotransmetteurs pour aider le cœur à tolérer l’effort de l’activité. De plus, tout comme les endorphines, les neurotransmetteurs peuvent aider les gens à mieux gérer l’anxiété et le stress. L’exercice a aussi un autre bienfait : il aide le cerveau à faire la transition vers un état de détente qui facilite l’endormissement.
  • Les résultats d’expériences menées auprès de personnes séronégatives portent à croire que l’exercice régulier peut améliorer la fonction cognitive. Le mécanisme précis en question n’est pas clair, mais certains chercheurs croient que l’exercice fait augmenter le volume de certaines parties du cerveau. D’autres scientifiques ont trouvé que l’exercice pouvait accroître la production de signaux chimiques tels que le BDNF (facteur neurotrophique dérivé du cerveau). Les signaux en question sont associés au développement de nouvelles cellules cérébrales et de la mémoire.

À la lumière de ces études et d’autres, de plus en plus de chercheurs se prononcent en faveur de la prescription de programmes d’exercices aux personnes séropositives afin qu’elles puissent bénéficier d’un meilleur conditionnement physique, d’une bonne qualité de vie, d’un sentiment de bien-être global et d’une réduction de l’inflammation.

Des essais cliniques à long terme sont nécessaires pour évaluer les effets de l’exercice et d’autres interventions sur la santé générale des personnes séropositives, ainsi que sur les mesures de l’inflammation.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. d’Ettorre G, Ceccarelli G, Giustini N, et al. Taming HIV-related inflammation with physical activity: a matter of timing. AIDS Research and Human Retroviruses. 2014 Oct;30(10):936-44.
  2. Jaggers JR, Hand GA, Dudgeon WD, et al. Aerobic and resistance training improves mood state among adults living with HIV. International Journal of Sports Medicine. 2014; in press.
  3. Trøseid M, Ditlevsen S, Hvid T, et al. Reduced trunk fat and triglycerides after strength training are associated with reduced LPS levels in HIV-infected individuals. Journal of Acquired Immune Deficiency Syndrome. 2014 Jun 1;66(2):e52-4.
  4. Garcia A, Fraga GA, Vieira RC Jr, et al. Effects of combined exercise training on immunological, physical and biochemical parameters in individuals with HIV/AIDS. Journal of Sport Science. 2014;32(8):785-92.
  5. Longo V, Bonato M, Bossolasco S, et al. Brisk walking improves inflammatory markers in cART-treated patients. In: Program and abstracts of the 21st Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections, 3-6 March 2014. Abstract 763.