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CATIE
  • Certains hommes séropositifs sont plus à risque de connaître des difficultés érectiles.
  • Les chercheurs ont exclu d'autres facteurs pour conclure que le lien avec l'infection au VIH existait.
  • Le médicament anti-VIH lopinavir-ritonavir est associé à des problèmes érectiles chez certains hommes.

Des études portent à croire que l’infection au VIH ferait augmenter le risque de problèmes sexuels chez les hommes, y compris la difficulté à obtenir et à maintenir une érection et la baisse de la libido dans certains cas. Pour mieux comprendre les causes possibles de ces problèmes, des chercheurs aux Pays-Bas ont comparé des données de santé recueillies auprès d’hommes séropositifs et séronégatifs d’âge moyen. Ils ont interrogé spécifiquement les hommes au sujet de la fonction érectile, de la satisfaction sexuelle et de la libido.

Comme les résultats initiaux des chercheurs ont laissé croire que ces trois éléments étaient problématiques chez certains hommes, ils ont décidé d’analyser les antécédents médicaux des participants. Ce point est important parce que plusieurs autres facteurs peuvent contribuer à la dysfonction sexuelle masculine, notamment les maladies cardiovasculaires, le diabète, la dépression, certaines drogues et la prise de médicaments non liés au VIH (comme les médicaments pour réduire la tension artérielle ou traiter la dépression). Après avoir tenu compte de ces facteurs et d’autres, les chercheurs ont conclu que l’infection au VIH elle-même était associée à un risque considérablement accru de problèmes érectiles (difficulté à obtenir et à maintenir une érection).

Les chercheurs ont constaté une autre chose intrigante : les hommes qui avaient utilisé le médicament anti-VIH lopinavir-ritonavir étaient plus à risque de connaître des problèmes érectiles. Vendue sous le nom de marque Kaletra, cette formulation à doses fixes de deux médicaments a été couramment utilisée la décennie dernière. Ce résultat à propos de l’exposition au lopinavir-ritonavir et des problèmes érectiles est au mieux une suggestion et n’est pas définitif, et nous encourageons nos lecteurs à la considérer avec prudence pour les raisons expliquées plus loin dans ce bulletin.

Détails de l’étude

Les chercheurs ont analysé les données de 399 hommes séronégatifs et de 366 hommes séropositifs d’âge et de profil semblables qui ont été recueillies lors d’une étude de cohorte par observation appelée AGEhIV. Lors de celle-ci, les participants visitaient des cliniques tous les deux ans pour subir des examens physiques, remplir des sondages et se faire prélever des échantillons de sang et d’urine. Tous les participants avaient au moins 45 ans. Les données servant à l’analyse de la fonction sexuelle masculine ont été recueillies entre 2010 et 2012, au moment où les participants s’inscrivaient à l’étude. Les chercheurs ont exclu de l’analyse les données recueillies auprès de personnes utilisant des hormones comme la DHEA ou la testostérone ou encore celles qui prenaient des médicaments pour le traitement de la dysfonction sexuelle masculine.

Résultats

L’affection médicale la plus couramment associée aux problèmes érectiles était la dépression. Après avoir tenu compte de ce facteur et de plusieurs autres qui peuvent influencer la santé sexuelle masculine, les chercheurs ont trouvé que l’infection au VIH était associée à des difficultés à obtenir et à maintenir une érection. Ils ont également constaté que l’infection au VIH n’était pas liée à une réduction de la satisfaction sexuelle ou de la libido.

Inhibiteurs de la protéase et autres médicaments

Comme nous l’avons déjà mentionné, les données servant à cette analyse ont été recueillies entre 2010 et 2012, une période durant laquelle les inhibiteurs de la protéase étaient encore très utilisés. De nos jours en Amérique du Nord et dans certaines parties de l’Europe occidentale, les médecins prescrivent de plus en plus souvent une autre classe de médicaments anti-VIH appelés inhibiteurs de l’intégrase comme ingrédient principal des combinaisons de médicaments anti-VIH (TAR). Au moment de la collecte de données initiale sur la santé sexuelle masculine, le seul inhibiteur de l’intégrase couramment utilisé aux Pays-Bas était le raltégravir (Isentress), et aucun signe de problèmes érectiles n’avait été associé à ce dernier.

Les chercheurs ont toutefois découvert des indices d’un lien entre l’usage de lopinavir-ritonavir et des problèmes érectiles. En outre, plus l’utilisation de ce médicament durait, plus le risque de problèmes érectiles augmentait.

Aucun lien n’a été découvert entre la difficulté à obtenir et/ou à maintenir une érection et l’exposition aux médicaments anti-VIH plus anciens suivants (couramment appelés les médicaments « d ») :

  • ddC : HIVID (zalcitabine)
  • ddI : Videx (didanosine)
  • d4T : Zerit (stavudine)

À retenir

Cette étude a confirmé que certains hommes séropositifs sont plus à risque d’éprouver de la difficulté à obtenir et à maintenir une érection, et même de connaître une baisse de leur satisfaction sexuelle et de leur libido. La dépression était la cause la plus fréquente de problèmes sexuels parmi les hommes séropositifs figurant dans cette étude. Cependant, après avoir tenu compte de la dépression (et de nombreux autres facteurs), les chercheurs ont également trouvé que le VIH était associé à un risque accru de problèmes à obtenir et à maintenir une érection.

Les chercheurs ont constaté aussi que l’exposition au lopinavir-ritonavir était associée à un risque accru de difficultés érectiles. Notons qu’il s’agit ici d’une étude par observation transversale. Les études conçues de cette manière sont utiles pour découvrir des associations entre une chose et une autre. Toutefois, les études par observation (et transversales) ne peuvent jamais prouver de lien de « cause à effet ». Autrement dit, une étude comme celle-ci ne pourrait jamais prouver que l’exposition au lopinavir-ritonavir a donné lieu aux difficultés érectiles. Les études par observation et transversales sont utiles pour essayer de découvrir les causes des problèmes de santé. On peut ensuite étudier leurs résultats plus en profondeur dans le cadre d’essais conçus de façon plus rigoureuse sur le plan statistique. Les résultats obtenus aux Pays-Bas fournissent des données de base sur ce qui se passe dans l’étude AGEhIV par rapport à la santé sexuelle masculine.

Cette étude n’a porté que sur 43 hommes qui ont dévoilé leurs problèmes érectiles. Un groupe de participants plus nombreux sera nécessaire à l’avenir.

Testostérone

Les chercheurs n’ont pas mesuré les taux de « testostérone libre », c’est-à-dire le genre de testostérone qui peut être utilisé par les tissus. De telles mesures sont nécessaires à toute étude exhaustive sur la santé sexuelle masculine, et plus particulièrement aux études sur les problèmes érectiles. Depuis la fin des années 1980, nombre de chercheurs ont rapporté que les hommes séropositifs avaient des taux de testostérone inférieurs à la normale dans le sang. Ce problème ne se normalise pas dans tous les cas après l’amorce du traitement anti-VIH. La raison de la baisse des taux de testostérone chez des hommes séropositifs autrement en bonne santé n’est pas claire. Espérons que les chercheurs néerlandais pourront faire état des tendances à long terme de la santé sexuelle masculine, surtout en ce qui concerne les difficultés à obtenir et à maintenir une érection. Une mauvaise santé sexuelle peut compromettre la qualité de vie et, comme les chercheurs prévoient une espérance de vie quasi-normale pour de nombreuses personnes séropositives recevant un traitement efficace contre le VIH, les études sur les problèmes pouvant réduire la qualité de vie prendront de l’importance.

Ressources

Espérance de vie

Des chercheurs de la Colombie-Britannique explorent l'espérance de vie des personnes séropositivesNouvelles CATIE

Qu'est-ce qui réduit la survie 10 ans après l'amorce du TAR en Amérique du Nord et en Europe?TraitementActualités 217

Espérance de vie prolongée pour les personnes séropositives en Amérique du NordTraitementActualités 200

Exploration des facteurs contribuant à la survie prolongée des personnes sous TARTraitementActualités 200

L'infection au VIH à long terme et la qualité de vie liée à la santéNouvelles CATIE

                                                                                      —Sean R. Hosein

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