Les AAD s’avèrent très tolérables (et efficaces) chez des personnes souffrant de problèmes de santé mentale

Des chercheurs à l’Université du Maryland et aux National Institutes of Health (NIH) des États-Unis ont constaté une prévalence relativement élevée de problèmes de santé mentale parmi certaines personnes qui cherchaient un traitement contre l’infection chronique au virus de l’hépatite C (VHC). Rappelons que les médicaments utilisés historiquement pour traiter le VHC, soit l’interféron et la ribavirine, peuvent exercer des effets considérables sur la santé mentale de certaines personnes. À mesure que de nouveaux médicaments anti-VHC puissants (appelés antiviraux à action directe) verront le jour au Canada et dans d’autres pays à revenu élevé, il sera important d’en évaluer formellement l’impact sur la santé mentale. Lors de l’étude en question ici, on n’a pas découvert de lien causal entre les AAD évalués et la dépression, l’anxiété ou tout autre problème de santé mentale, contrairement au médicament anti-VHC plus ancien l’interféron. De plus, les taux de dépression ont chuté après la guérison des participants.

Détails de l’étude

Lors d’une sous-étude menée dans le cadre de trois essais cliniques importants, des chercheurs ont revu les données recueillies auprès d’un petit sous-groupe de 45 participants (qui appartenaient à un groupe plus nombreux inscrit aux trois essais cliniques). Voici la répartition des participants dans les différents volets de la sous-étude sur la santé mentale :

  • Spare : sofosbuvir + ribavirine; 23 participants
  • Synergy-A : sofosbuvir + lédipasvir; 7 participants
  • Eradicate : sofosbuvir + lédipasvir; 15 participants

Les participants étaient en moyenne dans la mi-cinquantaine; 60 % étaient des hommes et 40 % des femmes.

On a évalué les participants pour détecter la présence de problèmes de santé mentale avant, pendant et après l’étude.

On trouve ci-dessous la distribution globale des problèmes de santé mentale au début de l’étude (avant la prise d’AAD). Comme la proportion de personnes vivant avec un diagnostic particulier variait lors de chaque essai clinique, nous présentons ici la fourchette des pourcentages pour les trois études :

  • dépression : entre 53 % et 61 % des participants
  • anxiété : entre 7 % et 43 % des participants
  • trouble bipolaire : entre 17 % et 43 % des participants
  • trouble de stress post-traumatique : entre 7 % et 20 % des participants

Un participant souffrait de schizophrénie.

Efficacité des AAD

Selon l’équipe de recherche, lors des trois essais cliniques, les taux de guérison n’ont pas différé de façon importante entre les personnes souffrant de problèmes de santé mentale et les personnes n’ayant pas ce genre de problèmes. Lors de l’étude Synergy-A, pendant laquelle un seul AAD était utilisé (sofosbuvir), les taux de guérison allaient de 61 % à 68 %. Toutefois, lors des deux autres essais, qui incluaient l’usage de deux AAD (sofosbuvir + lédipasvir), les taux de guérison allaient de 97 % à 100 %.

Évaluation de la dépression

En moyenne, les chercheurs ont trouvé que l’intensité de la dépression baissait pendant que les participants faisaient partie de l’étude et qu’ils prenaient des AAD. Lorsque le traitement par AAD a pris fin, les participants étaient moins déprimés que lors du début de ce traitement. Il ne faut pas cependant interpréter cette observation comme la preuve d’un effet antidépresseur des AAD. Il est plutôt probable que la santé mentale (et physique) des participants s’est améliorée parce qu’on les traitait avec des médicaments anti-VHC puissants qui les ont guéris dans la majorité des cas. L’infection chronique au VHC cause de l’inflammation. Dans certains cas, il est théoriquement possible que l’augmentation des taux de protéines associées à l’inflammation accroisse le risque de dépression chez les personnes qui sont sujettes à cette maladie et/ou à l’anxiété. Lors d’une autre étude dont nous rendons compte plus loin dans ce numéro de TraitementActualités, on a constaté une amélioration de la santé physique et mentale des personnes guéries par des AAD.

À titre de comparaison, les chercheurs ont examiné des données recueillies antérieurement auprès de participants traités par interféron. Ils ont trouvé que les taux de dépression étaient plus élevés lorsque les participants recevaient l’interféron et ce, même après l’arrêt du traitement par ce dernier, comparativement aux participants traités par AAD.

Autres évaluations

Les chercheurs ont également vérifié certaines mesures qui auraient pu être influencées par l’état de santé mentale des participants, y compris les suivantes :

  • capacité des participants de se présenter à la clinique de l’étude selon les besoins
  • concentration d’AAD dans les échantillons de sang des participants

Les chercheurs ont trouvé que l’état de santé mentale des patients n’a pas eu d’impact sur ces facteurs.

Point à retenir

Il importe de se rappeler que cette analyse faite par les chercheurs portait sur une sous-étude menée dans le cadre de trois essais cliniques d’envergure. De plus, l’objectif principal des trois grands essais cliniques consistait à évaluer la capacité des AAD à guérir les gens de l’hépatite C. Ces deux limitations font en sorte que l’analyse de la sous-étude sur les AAD et la dépression n’est pas définitive. Il n’empêche que les résultats de la sous-étude sur la santé mentale sont importants et laissent croire que les AAD ne causent pas la dépression; au contraire, il se pourrait même que les AAD réduisent les sentiments de dépression parce qu’ils guérissent le VHC, qui est une infection virale chronique.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Tang L, Masur J, Sims Z, et al. High tolerability and sustained virologic response with sofosbuvir-based therapy among patients with mental health disease. The International Liver Congress, 13-17 April 2017, Barcelona, Spain. Abstract SAT-203.
  2. Curry MP, Moczynski NP, Liu L, et al. The effect of sustained virologic response on cerebral metabolism and neurocognition in patients with chronic genotype 1 HCV infection. The International Liver Congress, 13-17 April 2017, Barcelona, Spain. Abstract SAT-215.
  3. Golabi P, Elshekh E, Karrar A, et al. The levels of monoamine neurotransmitters in HCV patients treated with ledipasvir/sofosbuvir. The International Liver Congress, 13-17 April 2017, Barcelona, Spain. Abstract SAT-201.