Le cerveau, les nerfs et la COVID-19

Les chercheurs estiment depuis longtemps que les coronavirus provoquent généralement une infection du tractus respiratoire chez les humains (tissus humides du nez, de la bouche, de la gorge, des voies respiratoires et des poumons) et du tractus intestinal chez les animaux.

Lors de l’éclosion de la maladie à coronavirus qui est survenue en 2002-2003 sous la forme du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), nombre de chercheurs ont pratiqué des autopsies sur le cadavre de personnes décédées du SRAS. Ils ont trouvé que le virus qui causait le SRAS, soit le SRAS-CoV, était en fait présent dans de nombreux tissus, y compris les cellules du cerveau. Comme ce virus est étroitement apparenté au SRAS-CoV-2, cause de la COVID-19, il est possible que ce dernier infecte un éventail de tissus aussi, y compris les cellules cérébrales.

Il n’est pas clair de quelle façon le SRAS-CoV-2 parvient à entrer dans le cerveau. Il est possible que le virus y soit transporté par des cellules du système immunitaire puisqu’il s’en trouve partout dans le corps. Il se peut que les cellules immunitaires soient infectées par le SRAS-CoV-2 dans une partie du corps, tel le tractus respiratoire, et qu’elles transportent ensuite le virus jusqu’au cerveau.

Il est également possible que le virus parvienne à entrer dans le cerveau en infectant des nerfs qui relient différentes parties du corps à cet organe.

Quelle que soit la route utilisée par le virus, il est plausible que l’infection au SRAS-CoV-2 nuise au fonctionnement de certaines parties du cerveau chez un sous-groupe de personnes.

Inflammation cérébrale

Les virus qui infectent le cerveau peuvent provoquer de l’inflammation dans cet organe. Les médecins d’un hôpital situé dans la ville chinoise de Qingdao ont documenté un cas d’inflammation cérébrale chez un homme de 56 ans atteint du SRAS-CoV-2. Les médecins n’ont pas fourni de détails cliniques, mais ils ont mentionné que le liquide céphalorachidien du patient contenait du SRAS-CoV-2.

Lors d’expériences sur des souris et un autre coronavirus (HCoV-OC43) qui pouvait infecter les humains, des chercheurs ont trouvé que les souris qui survivaient avaient des traces de virus dans leur cerveau pendant plusieurs mois.

D’autres chercheurs ont observé que l’infection au SRAS-CoV-2 causait des maux de tête, des nausées et des vomissements. Dans certains cas, ces symptômes pourraient être attribuables à l’infection du cerveau ou des nerfs présents dans les intestins.

Le virus qui cause le SRAS peut infecter le tronc cérébral. Cette partie du cerveau assure la régulation de fonctions automatiques comme la respiration, les battements du cœur et la vigilance/conscience. Comme les difficultés respiratoires caractérisent souvent les cas graves de COVID-19, certains chercheurs ont avancé que le SRAS-CoV-2 serait capable d’endommager des nerfs dans les poumons ou le tronc cérébral qui jouent un rôle dans la santé des poumons.

Perte de connaissance

La fonction principale des poumons consiste à absorber de l’oxygène de l’air et à évacuer du dioxyde de carbone, un produit de déchet. Comme la COVID-19 est associée à des problèmes respiratoires dans les cas graves, il est possible qu’une quantité insuffisante d’oxygène entre dans les tissus pulmonaires et, subséquemment, dans les vaisseaux sanguins qui relient les poumons au reste du système circulatoire. Par conséquent, il se peut que les organes vitaux, dont le cerveau, ne reçoivent pas assez d’oxygène et se mettent par conséquent à mal fonctionner. Un tel manque d’oxygène dans le cerveau pourrait expliquer pourquoi certaines personnes atteintes de COVID-19 ont perdu connaissance.

Symptômes neurologiques

Les neurologues de trois hôpitaux chinois ont récemment analysé les données se rapportant à 214 personnes dont le cas de COVID-19 avait été confirmé par un test de laboratoire. Ces patients ont été évalués afin de détecter d’autres problèmes neurologiques éventuels. Les médecins ont trouvé que 36 % de ces personnes éprouvaient des symptômes qui incluaient au moins un des suivants :

  • étourdissements
  • maux de tête
  • diminution du sens du goût
  • diminution du sens de l’odorat
  • douleurs nerveuses
  • faiblesse musculaire (explication ci-dessous)

Les symptômes de ce genre étaient plus probables chez les personnes souffrant d’un cas grave de COVID-19.

Selon les médecins, « La plupart des manifestations neurologiques se sont produites tôt dans le cours de la maladie ».

Certains de ces patients ont cherché du secours médical à cause d’un AVC ou d’une crise de nature épileptique; dans un premier temps, ils n’avaient pas ce que les médecins auraient décrit comme des symptômes typiques de la COVID-19 (fièvre, toux, perte de l’appétit, diarrhée).

L’analyse des échantillons de sang de ces patients a révélé que plusieurs d’entre eux chez qui la COVID-19 était grave avaient des taux élevés de protéines associées à l’inflammation, y compris la protéine C-réactive, le D-dimère, les enzymes hépatiques, etc.

Pour aider à contrôler l’activité des muscles, ceux-ci sont reliés au cerveau par de nombreux nerfs. Les personnes présentant des lésions musculaires associées à la COVID-19 avaient des taux élevés de l’enzyme créatine kinase dans leur sang. Il n’est pas clair si le virus infecte directement les cellules musculaires ou s’il leur nuit d’une autre manière.

Troubles du goût et de l’odorat

Des médecins de Milan, en Italie, ont interrogé 59 personnes atteintes de COVID-19 au sujet de leurs symptômes. Trente-quatre pour cent d’entre elles ont signalé « au moins un » trouble du goût ou de l’odorat. Chez 19 % des personnes, les deux troubles ont été rapportés. Les troubles du goût étaient plus courants avant l’hospitalisation, mais les deux sortes de troubles pouvaient survenir à une fréquence égale après l’hospitalisation.

Il est à noter que les troubles de l’odorat peuvent avoir d’autres causes, notamment les infections des sinus, et ne peuvent prouver à eux seuls qu’une personne a la COVID-19.

Comme ils étaient submergés par des cas de COVID-19, ces médecins italiens n’ont pas été en mesure de poursuivre leur évaluation des troubles du goût et de l’odorat. Leurs résultats mettent toutefois en évidence une conséquence intrigante de la COVID-19 qui se produit dans certains cas.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

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