Une étude découvre que la suppression virologique est moins courante à l’ère de la COVID-19

Les combinaisons de traitements puissants contre le VIH (TAR) procurent deux bienfaits principaux, soit l’amélioration de la santé des personnes atteintes et la prévention de la propagation du virus. Lorsqu’une personne séropositive commence un TAR et qu’elle continue de le prendre comme il est prescrit, la quantité de VIH dans son sang finit par chuter jusqu’à un niveau très faible. Cette faible quantité de virus (habituellement moins de 40 ou 50 copies/ml de sang) est couramment décrite comme « indétectable ». Nombre d’études ont révélé que l’utilisation continue du TAR de manière à avoir une suppression virologique donnait généralement lieu à des mesures cliniques et de laboratoire plus favorables pour la santé. Ces effets du TAR sont tellement significatifs que les chercheurs s’attendent de plus en plus à ce que de nombreux utilisateurs du TAR aient une espérance de vie quasi normale. De plus, des études ont permis de constater que les personnes séropositives qui maintiennent une charge virale indétectable (grâce au TAR) ne transmettent pas le VIH à leurs partenaires sexuels.

Pour toutes ces raisons, il est clair que le dépistage du VIH, l’amorce du TAR, la suppression de la charge virale et le suivi constituent des paramètres importants à surveiller pour juger les efforts des individus et de la santé publique pour juguler l’épidémie du VIH.

Une nouvelle pandémie

À la fin de 2019, un nouveau virus appelé SRAS-CoV-2 a émergé dans l’Asie de l’Est puis s’est propagé rapidement dans le reste du monde. Ce virus appartient à la famille des coronavirus. L’infection par le SRAS-CoV-2 cause des symptômes et des complications que l’on regroupe sous le nom de COVID-19.

La pandémie du coronavirus a provoqué d’énormes perturbations sociales et économiques parce que la lutte pour freiner la propagation du virus a nécessité la prise de mesures comme la distanciation physique et l’isolement. L’accès aux services de soins réguliers et la prestation de ces services ont également subi l’impact de la pandémie.

À San Francisco

Une équipe de chercheurs de San Francisco a analysé des données de santé recueillies dans une clinique VIH appelée Ward 86. Cette clinique offre des services à des personnes touchées par ce que les chercheurs décrivent comme « une prévalence élevée de maladies mentales, de consommation de substances et d’instabilité en matière de logement ».

Lorsque la première vague de la pandémie a frappé l’état de la Californie au printemps 2020, le personnel de la clinique Ward 86 a remplacé, dans la mesure du possible, les consultations en personne par des rendez-vous téléphoniques. La clinique a également « facilité les tests de la charge virale en prônant des visites rapides au laboratoire, avec des contrôles trimestriels au minimum ».

Les chercheurs ont comparé les données recueillies dans la clinique au cours de deux périodes :

  • 1er décembre 2019 au 29 février 2020
  • 1er avril 2020 au 30 avril 2020

Résultats

En 2019, la clinique a effectué près de 1 836 consultations en personne chaque mois. En moyenne, les chercheurs ont constaté que 19 % des personnes avaient une charge virale non supprimée lors d’au moins une consultation. Notons qu’environ 16 % des patients étaient des personnes sans-abri.

En avril 2020, 54 % des consultations ont eu lieu par téléphone. Selon les chercheurs, « les sans-abri se faisaient offrir un service de télésanté lors de 32 % des consultations seulement ». Ils ont également affirmé que les sans-abri étaient plus susceptibles de respecter leurs rendez-vous téléphoniques pendant la pandémie qu’avant celle-ci.

Changements dans la charge virale

En avril 2020, les chercheurs ont constaté qu’environ 31 % des patients avaient une charge virale détectable.

Les facteurs suivants ont été associés à un risque accru d’avoir une charge virale détectable :

  • âge inférieur à 35 ans
  • itinérance
  • être Noir

Selon les chercheurs, la hausse du nombre de charges virales détectables pourrait être attribuable au fait que « les consultations par télésanté, quoique plus pratiques pour les patients, pourraient réduire l’accès aux services de soutien social cliniques essentiels à l’atteinte de la suppression virale dans les groupes vulnérables ». L’équipe a également souligné que « les personnes sans-abri [qui fréquentent notre clinique] étaient plus à risque d’avoir une charge virale non supprimée [pendant la pandémie], malgré un nombre plus élevé de visites ».

À retenir

La présente étude est un bon point de départ en ce qui a trait à la documentation des changements se produisant chez les personnes séropositives pendant la pandémie du coronavirus. La perte de suppression virale aura vraisemblablement une incidence sur la santé des individus à court et à moyen terme, ainsi que sur la propagation du VIH. De fait, le département de santé publique de San Francisco a signalé une augmentation des nouvelles infections. Cette équipe de recherche a lancé un appel à l’action, affirmant que « des mesures pour contrer l’effet de la COVID-19 sur les soins du VIH sont nécessaires d’urgence! ».

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCE :

Spinelli MA, Hickey MD, Glidden DV, et al. Viral suppression rates in a safety-net HIV clinic in San Francisco destabilized during COVID-19. AIDS. 2020; sous presse.