Évaluation du risque de fractures chez les femmes séropositives et séronégatives

Pour mieux comprendre les enjeux de santé touchant les femmes séropositives et celles courant un risque élevé de contracter le VIH, des chercheurs œuvrant dans des cliniques importantes aux États-Unis ont collaboré à une étude appelée WIHS (Women’s Interagency HIV Study; le nom court de l’étude est prononcé comme le mot anglais wise). Cette étude est importante parce que les chercheurs ont recruté des femmes appartenant généralement à la même communauté et ayant un profil socio-économique semblable. Les résultats sont très pertinents en ce qui concerne l’épidémie du VIH parmi les femmes aux États-Unis et peut-être dans d’autres pays à revenu élevé aussi. Lors d’une analyse récente des données de l’étude WIHS, les chercheurs ont tenté de comprendre des informations relatives à la santé, notamment en ce qui avait trait aux fractures. Sur une période de suivi moyenne de 10 ans, les chercheurs ont constaté que les femmes séropositives étaient plus susceptibles de subir des fractures que les femmes séronégatives. L’équipe a également analysé les facteurs éventuels associés à l’augmentation du risque de fractures.

Détails de l’étude

Les chercheurs ont analysé des données recueillies entre 2002 et 2013. L’équipe a obtenu les informations par le biais d’interrogatoires, d’examens médicaux, de tests sanguins et d’autres évaluations qu’elle effectuait deux fois par an. Au total, les chercheurs ont analysé des données portant sur 1 713 femmes séropositives et 662 femmes séronégatives. Notre rapport se concentre sur les femmes séropositives.

Le recrutement pour cette étude s’est déroulé dans des cliniques situées dans les villes suivantes :

  • Bronx/Manhattan
  • Brooklyn
  • Chicago
  • Los Angeles
  • San Francisco
  • Washington, D.C.

Lors de leur admission à l’étude, les participantes séropositives avaient le profil moyen suivant :

  • âge : 40 ans
  • indice de masse corporelle (IMC) : 29
  • tabagisme actuel : 45 %
  • ménopause en cours ou terminée : 19 %
  • antécédents d’injection de drogues : 28 %
  • antécédents de fracture(s) : 4 %
  • insuffisance rénale modérée ou pire : 8 %
  • compte de CD4+ : 480 cellules/mm3
  • antécédent de maladie liée au sida : 40 %
  • prise d’une combinaison de médicaments anti-VIH puissants (TAR) : 63 %
  • infection active à l’hépatite C : 24 %

Résultats : nouvelles fractures

Au cours de l’étude, 360 femmes (16 %) ont subi des fractures, dans les proportions suivantes :

  • femmes séropositives : 18 %
  • femmes séronégatives : 14 %

Cette différence est significative du point de vue statistique, c’est-à-dire non attribuable au seul hasard.

Des fractures de fragilisation sont des fractures qui se produisent lors d’une chute d’une hauteur égale ou inférieure à la taille redressée (par opposition à des traumas majeurs survenant lors d’un accident de la route, par exemple). Des fractures de ce genre se sont produites chez 4 % de toutes les femmes, dans les proportions suivantes :

  • femmes séropositives : 5 %
  • femmes séronégatives : 4 %

Cette différence n’est pas significative sur le plan statistique.

Voici quelques données additionnelles se rapportant aux femmes au moment où les nouvelles fractures se produisaient :

Moyenne d’âge

  • femmes séropositives : 42 ans
  • femmes séronégatives : 40 ans

Proportion des femmes dont la ménopause était terminée

  • femmes séropositives : 57 %
  • femmes séronégatives : 47 %

Aucune de ces différences n’est significative du point de vue statistique.

Comparativement aux femmes séronégatives, les femmes séropositives étaient plus susceptibles de subir une fracture de la hanche.

De plus, les femmes séropositives étaient plus susceptibles de subir des fractures de fragilisation dans des parties du corps qui ne sont pas couramment associées à ce genre de fracture, telles que les suivantes :

  • pied
  • orteil
  • main
  • doigt
  • cheville
  • genou

Facteurs liés aux fractures

Après avoir tenu compte de l’ensemble des données, les chercheurs ont constaté que la présence de l’infection au VIH augmentait le risque de fractures de 45 %.

Les autres facteurs liés à un risque accru de fractures étaient les suivants :

  • âge avancé
  • race blanche
  • antécédents de fracture(s) avant de s’inscrire à l’étude
  • antécédents de consommation de drogues/d’alcool
  • antécédents de consommation de cocaïne

Forces et faiblesses

Cette analyse de données captées au cours d’une décennie est particulièrement utile car, contrairement à certaines autres études, la WIHS a recruté des femmes séropositives et séronégatives au sein des mêmes communautés. Ce point est important parce que de nombreuses études ont tendance à comparer les personnes séropositives à une personne séronégative moyenne idéalisée qui n’appartient pas nécessairement au même groupe géographique et socio-économique.

De plus, bien que l’on ait réalisé de nombreuses études sur la densité osseuse chez les personnes séropositives, les recherches en question ont majoritairement porté sur des hommes. Malgré cela, l’étude WIHS a révélé que les taux de fractures parmi les femmes séropositives étaient semblables aux taux observés lors d’une étude danoise menée auprès d’hommes séropositifs.

L’étude WIHS a des limitations. L’une des principales réside dans le fait que les chercheurs n’ont pas été en mesure de distinguer l’impact de la co-infection à l’hépatite C sur la santé osseuse de celui de la consommation de drogues/d’alcool. Une autre limitation réside dans l’absence de confirmation, par radiographies additionnelles ou vérification des dossiers médicaux, des fractures signalées par les participantes.

Ce à quoi il faut s’attendre

À la lumière de leurs résultats, les médecins associés à l’étude WIHS ont affirmé qu’ils s’attendaient à voir les taux de fractures « augmenter chez les femmes [séropositives] à mesure qu’elles vieillissent. En particulier, les taux pourraient augmenter parmi les femmes [qui ne sont pas noires] et celles ayant des antécédents de consommation de drogues/d’alcool ».

Les résultats de l’étude WIHS confirment ceux d’autres études ayant révélé l’existence d’un risque accru de fractures parmi les femmes vivant avec le VIH, même parmi celles d’âge moyen.

Les résultats de l’étude WIHS soulignent l’importance des efforts déployés par les médecins et les infirmiers pour dépister et traiter la faible densité osseuse chez les femmes séropositives.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCE :

Sharma A, Shi Q, Hoover DR, et al. Increased fracture incidence in middle-aged HIV-infected and uninfected women: updated results from the Women’s Interagency HIV Study. Journal of Acquired Immune Deficiency Syndromes. 2015; in press.