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Ontario
London InterCommunity Health Centre
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Le programme d’approvisionnement plus sécuritaire en opioïdes (APSO) a été mis en place au London InterCommunity Health Centre (LIHC) en 2016. Il offre aux personnes qui répondent à certains critères des prescriptions d’opioïdes pharmaceutiques comme solution de rechange aux drogues non réglementées, de même que des soins de santé primaires et des services sociaux. Le programme a permis une importante diminution des visites aux urgences des hôpitaux, des hospitalisations, des admissions à l’hôpital pour des infections possiblement liées à l’injection de drogues et des coûts de santé (non liés aux soins primaires ou aux médicaments). Les résultats montrent qu’il a réduit les méfaits liés à l’utilisation de drogues et qu’il peut occuper une place centrale dans les services de réduction des méfaits proposés aux personnes risquant l’intoxication.

Description du programme

Le programme APSO est guidé par une philosophie de réduction des méfaits et par les personnes qui utilisent des drogues. Les personnes admissibles reçoivent une prescription d’opioïdes pharmaceutiques comme solution de rechange aux drogues non réglementées, et bénéficient par le fait même de soins primaires complets. Les personnes dont la vie est menacée par des problèmes de santé associés à l’injection de drogues (endocardite récurrente, VIH non traité, surdose, par exemple) sont prioritaires, tout comme les personnes dont les besoins ne sont peut-être pas satisfaits par les soins de santé réguliers (les personnes en situation d’itinérance ou qui vivent ou travaillent dans la rue, par exemple). Le programme tente d’inciter les personnes à s’impliquer dans leurs soins de santé ou à s’y impliquer à nouveau.

Critères d’admissibilité :

  • Habitudes d’utilisation d’opioïdes correspondant à un trouble d’utilisation
  • Injection de drogues de longue date (plus de deux ans)
  • Déclaration d’utilisation régulière de drogues de la rue
  • Complications dues à l’injection (endocardite, abcès, VIH, par exemple)
  • Risque élevé de décès si aucune intervention
  • Résultat positif à un test de dépistage d’opioïdes dans l’urine (pour confirmer une utilisation récente)
  • Capacité à donner son consentement éclairé (pour comprendre les risques et les bienfaits du traitement)
  • Difficultés liées au fonctionnement psychosocial et à l’accès aux soins de santé réguliers (en raison entre autres de l’itinérance, de la participation à des activités criminelles pour payer son utilisation de drogues, du travail du sexe)

Si le programme APSO a de la place et que la personne répond à ces critères, elle peut s’y inscrire. Elle rencontrera quelqu’un qui évaluera ses besoins. En plus d’avoir accès à des médicaments opioïdes, elle obtiendra des services sociaux ou de santé en fonction de ses besoins ou se verra dirigée vers les services appropriés.

Services sociaux et de santé offerts :

  • Soins primaires complets (traitement du VIH, de l’hépatite C, de l’asthme ou du diabète, par exemple)
  • Soins de santé sexuelle et dépistage
  • Soins préventifs plus larges comme le dépistage de cancers et la vaccination
  • Accès à du matériel de réduction des méfaits et sensibilisation à ces pratiques
  • Aide pour accéder à des programmes alimentaires ou à des services répondant à d’autres besoins de base (produits d’hygiène, par exemple)
  • Aide pour trouver et conserver un logement
  • Aide au transport et accompagnement aux rendez-vous
  • Services d’aide (revenu, logement, système judiciaire, etc.) ou conseils
  • Orientation vers des services plus spécialisés, au besoin

Les comprimés d’hydromorphone à libération immédiate sont le principal médicament prescrit dans le cadre du programme (généralement de marque Dilaudid, car ils se dissolvent facilement dans une solution pouvant être injectée si la personne le souhaite). L’hydromorphone peut être utilisé pour son effet euphorisant, et certain·e·s s’en servent également pour gérer des symptômes de sevrage au besoin. La prescription peut être honorée à n’importe quelle pharmacie, et la clientèle peut s’administrer les doses à emporter au moment, à l’endroit et de la manière de son choix (par voie orale ou injection).

De la morphine orale à libération lente est souvent prescrite avec l’hydromorphone à libération immédiate pour aider à soulager les symptômes de sevrage (et servir de « base » au traitement). Cette substance doit généralement être prise chaque jour sous supervision à la pharmacie.

Les médicaments utilisés sont couverts par le régime public de l’Ontario. La diacétylmorphine (héroïne), les formulations de fentanyl (en comprimés ou injectable) et les formulations à forte dose d’hydromorphone injectables ne font pas partie de la liste des médicaments couverts et ne sont pas prescrites dans le cadre du programme – la clientèle a toutefois indiqué souhaiter plus d’options de médicaments.

Résultats

Entre janvier 2016 et mars 2019, 94 personnes ont intégré le programme APSO. Une étude visant à évaluer l’efficacité et la sécurité du programme a pris en compte les éléments suivants :

  • Visites à l’urgence
  • Admissions à l’hôpital
  • Admissions à l’hôpital pour de nouvelles infections pouvant être liées à l’injection de drogues (endocardite, arthrite septique, infections de la colonne vertébrale, infections de la peau et des tissus mous, par exemple)
  • Coûts des soins de santé (autres que les coûts des soins primaires et des médicaments)

L’étude a comparé 82 participant·e·s au programme APSO pour lesquel·le·s des données étaient disponibles avant et après leur entrée, et 303 personnes de London en Ontario qui présentaient un trouble lié à l’utilisation d’opioïdes, mais qui ne faisaient pas partie du programme au moment de l’étude. Le profil de ce deuxième groupe correspondait à celui des participant·e·s du point de vue démographique (l’âge, par exemple) et des caractéristiques cliniques (le recours antérieur à des soins de santé et la délivrance de médicaments, par exemple).

Les personnes inscrites au programme et celles qui n’y participaient pas partageaient beaucoup de caractéristiques (âge moyen de 41 ans, 40 % d’hommes, par exemple). En revanche, celles qui y participaient étaient plus susceptibles d’avoir connu des problèmes de santé avant de le commencer (diagnostic de VIH ou d’hépatite C, séjour à l’hôpital au cours de l’année précédente en raison d’un trouble lié à l’utilisation de substances ou d’une infection des tissus mous) que les personnes du groupe de comparaison. Cette constatation concorde avec les critères d’admissibilité du programme, qui servent à cibler les personnes vivant avec des complications médicales graves liées à leur utilisation de substances. Des précisions sur l’analyse sont disponibles dans l’article « Un programme ontarien d’approvisionnement plus sécuritaire en opioïdes réduit les visites à l’hôpital et les coûts de soins de santé » .

L’équipe de recherche a effectué deux analyses. Dans la première, elle a mesuré les résultats à intervalles de 30 jours dans les cinq années précédant l’inscription et un an après l’inscription au programme. Cette analyse a révélé une diminution rapide et importante du nombre de visites aux urgences, d’admissions à l’hôpital et des coûts de soins de santé pour les personnes inscrites (82 participant·e·s). Aucun changement significatif n’a été constaté dans le taux d’admission à l’hôpital pour de nouvelles infections chez ces personnes. Dans le groupe comparatif de personnes non inscrites (303 participant·e·s), aucun changement notable n’a été constaté pour chacun de ces résultats.

À la deuxième analyse, qui comparait les participant·e·s (82 personnes) un an avant et après leur entrée au programme, l’équipe a constaté ces importantes diminutions :

  • 31 % moins de visites à l’urgence
  • 54 % moins d’admissions à l’hôpital
  • 49 % moins d’admissions à l’hôpital pour de nouvelles infections
  • Diminution des coûts de soins de santé de 15 635 $ à 7 310 $ par personne-année

Dans le groupe comparatif de personnes non inscrites (303 participant·e·s), aucun changement significatif n’a été constaté dans les résultats.

Il n’y a eu aucun décès lié aux opioïdes parmi les personnes inscrites au programme dans l’année qui a suivi leur entrée, de même qu’une faible mortalité toutes causes confondues. Dans le groupe comparatif de personnes non inscrites, il y a eu moins de cinq décès liés aux opioïdes et une faible mortalité toutes causes confondues.

Coûts associés au programme APSO

Le coût des médicaments couverts par le régime public a augmenté de façon significative, passant de 12 840 $ à 21 119 $ par personne-année pour celles et ceux inscrit·e·s au programme. Environ 15 % de cette hausse est attribuable aux opioïdes prescrits. La majorité des coûts restants est probablement due à un meilleur accès aux traitements pour des maladies comme le VIH et l’hépatite C. Ces dépenses peuvent permettre de réaliser des économies à long terme et apporter des bienfaits généraux pour la santé des personnes inscrites.

Qu’est-ce que cela signifie pour les prestataires de services?

Le programme APSO s’adresse aux personnes qui présentent de multiples problèmes de santé liés à l’injection de drogues et dont les besoins ne sont pas satisfaits par les services de santé réguliers. Les résultats indiquent qu’il a réussi à rejoindre les personnes vivant avec des problèmes de santé importants qui sont probablement liés à leur utilisation de drogues (VIH et hépatite C, infections, par exemple), comme le montrent les caractéristiques initiales des participant·e·s par rapport à celles du groupe comparatif.

Les résultats montrent également que le programme est parvenu à réduire les méfaits pour les personnes qui utilisent des drogues : réduction des visites aux urgences, réduction des admissions à l’hôpital et réduction des admissions pour de nouvelles infections. Chez les participant·e·s, une réduction des coûts de soins de santé associés aux visites aux urgences ou pour d’autres soins de santé (n’incluant pas le coût des soins primaires et des médicaments) a été constatée, ce qui suggère des économies potentielles en frais de santé pour des programmes similaires. L’augmentation des frais de médicaments couverts par le régime public est probablement attribuable à un meilleur accès aux médicaments pour des maladies comme le VIH et l’hépatite C, ce qui témoigne de la capacité du programme à bien répondre aux besoins globaux de la clientèle et à éventuellement améliorer leur santé.

Bien que d’autres travaux de recherche soient nécessaires, cette étude nous donne des indications préliminaires sur l’efficacité et la sécurité des programmes d’approvisionnement plus sécuritaire pour les personnes qui utilisent des drogues. Elle n’est pas venue confirmer les préoccupations quant à une possible augmentation des taux de décès par surdose et d’infections chez les personnes recourant à un approvisionnement sécuritaire, car il n’y a eu aucun décès par surdose d’opioïdes parallèlement à une diminution des admissions à l’hôpital pour des infections chez les participant·e·s au programme dans l’année qui a suivi leur inscription.

Référence

Gomes T, Kolla G, McCormack D et al. Clinical outcomes and health care costs among people entering a safer opioid supply program in Ontario. Canadian Medical Association Journal. 2022;194:E1233-42.