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  • Les traitements contre le VIH sont généralement sûrs, très efficaces et permettent à de nombreuses personnes de connaître une espérance de vie quasi normale
  • Une étude néerlandaise a exploré des changements de poids survenus après un changement de traitement contre le VIH
  • Une personne sur 10 a connu une hausse de poids de 10 % ou plus après avoir changé de médicaments

L’infection au VIH est associée depuis longtemps à des changements de poids, et plus particulièrement à des pertes de poids. À l’époque précédant l’arrivée des traitements efficaces contre le VIH (TAR), de nombreuses personnes séropositives succombaient à des pertes pondérales impitoyables. De nos jours, le TAR est très efficace et, lorsqu’il est utilisé comme il faut, il contribue à réduire énormément la quantité de VIH dans le corps et à la maintenir ainsi. Cette action réduit grandement l’inflammation et permet au système immunitaire de se réparer partiellement. Les réparations accomplies sont tellement transformatives que les scientifiques prévoient de plus en plus une espérance de vie quasi normale pour de nombreuses personnes suivant un TAR.

Des gens comme tout le monde

À mesure qu’elles vieillissent, les personnes sous TAR courent le risque de connaître les mêmes problèmes de santé que les personnes séronégatives âgées, y compris les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2 et d’autres.

Retour à la santé

Lorsque le TAR commence, il se met à normaliser de nombreux processus cachés dans le corps. Le résultat global de cette action est décrit comme « un retour à la santé » par nombre de médecins. Ce retour à la santé peut inclure une prise de poids. Pour de nombreuses personnes sous TAR, l’augmentation en question est modeste. Depuis quelques années, cependant, des rapports font état d’une prise de poids considérable dans certains cas.

Récemment, une équipe de recherche affiliée à la base de données néerlandaise Athena a investigué des changements de poids survenus chez des personnes suivant un TAR. Précisément, l’équipe a examiné des données se rapportant à des personnes sous TAR qui n’avaient jamais utilisé auparavant les médicaments anti-VIH ou les classes de médicaments anti-VIH suivants :

  • TAF (ténofovir alafénamide) : ingrédient des comprimés Biktarvy, Descovy et Genvoya
  • inhibiteurs de l’intégrase : classe de médicaments dont les agents couramment utilisés incluent le bictégravir (ingrédient de Biktarvy) et le dolutégravir (ingrédient des comprimés vendus sous les marques Dovato, Juluca, Tivicay et Triumeq)

L’équipe de recherche s’est concentrée sur ces médicaments et classes de médicaments parce qu’ils sont couramment utilisés et ont déjà été associés à une prise de poids lors d’études précédentes.

S’intéressant aux cas de plus de 5 000 participant­·e·s vivant avec le VIH, l’équipe de recherche a analysé des données portant sur des personnes qui avaient modifié leur schéma thérapeutique de sorte à inclure un des médicaments mentionnés ci-dessus, après quoi elles ont connu une prise pondérale significative, soit 10 % ou plus de leur poids corporel.

Changement de traitement et prise de poids

Selon l’équipe de recherche, entre 9 et 14 % des participant·e·s ont connu une hausse significative de leur poids après avoir changé de traitement. La prise pondérale était plus susceptible de se produire chez les groupes de personnes suivantes :

  • femmes (sans égard aux origines ethnoraciales)
  • personnes ayant perdu au moins un kilogramme dans l’année précédant le changement de traitement
  • personnes âgées de moins de 40 ans
  • personnes ayant remplacé l’éfavirenz (ingrédient d’Atripla) ou le lopinavir-ritonavir (Kaletra) par des médicaments mentionnés ci-dessus

Autres changements

L’équipe de recherche a constaté d’autres changements aussi, comme suit :

  • les personnes qui sont passées à un traitement associant le TAF et un inhibiteur de l’intégrase avaient tendance à prendre le plus de poids
  • certaines personnes sont devenues obèses après avoir changé de traitement
  • les personnes qui sont passées au TAF ou à un inhibiteur de l’intégrase ont connu des augmentations modestes de la glycémie, de la tension artérielle et du cholestérol

Détails de l’étude

L’équipe de recherche néerlandaise a exclu de son étude toute personne utilisant un des groupes de médicaments suivants, car ceux-ci peuvent causer une prise de poids et auraient faussé l’analyse :

  • antipsychotiques
  • antidépresseurs
  • corticostéroïdes

Les personnes atteintes des maladies suivantes ont été exclues de l’étude parce que ces dernières peuvent causer une prise de poids. Si l’une de ces maladies se déclarait après le changement de traitement, les participant·e·s en question étaient retiré·e·s de l’analyse, car il aurait été difficile d’isoler la cause de la prise pondérale :

  • insuffisance cardiaque congestive
  • syndrome de Cushing
  • insuffisance rénale (ou hémodialyse en cours)
  • taux d’hormone thyroïdienne inférieur à la normale (hypothyroïdie)

Aucune personne enceinte n’a été incluse dans les données de cette étude.

Voici un bref profil des participant·e·s au moment de leur admission à l’étude :

  • 84 % d’hommes, 16 % de femmes
  • âge moyen : 49 ans
  • indice de masse corporelle (IMC) moyen : 24 kg/m2

La plupart des personnes vivaient avec le VIH depuis 11 ans et suivaient un TAR depuis neuf ans.

L’équipe de recherche s’est concentrée sur des personnes qui avaient changé de traitement entre mai 2007 et novembre 2019 et dont la charge virale était supprimée.

En moyenne, l’équipe de recherche disposait de données recueillies entre le 30e mois précédant le changement de traitement et le 24e mois suivant ce changement.

Résultats : prise de poids

Selon l’équipe de recherche, une prise pondérale de 10 % ou plus du poids corporel s’est produite après le changement de traitement dans les proportions suivantes :

  • passage à un schéma thérapeutique à base de TAF : 9 % ont connu une prise de poids significative (+9 kg, en moyenne)
  • passage à un schéma thérapeutique à base d’inhibiteur de l’intégrase : 11 % ont connu une prise de poids significative (+10 kg, en moyenne)
  • passage à un traitement associant le TAF et un inhibiteur de l’intégrase : 14 % ont connu une prise de poids significative (+10 kg, en moyenne)

Obésité

Chez les personnes ayant pris au moins 10 % de leur poids corporel à la suite du changement de traitement, un peu plus de la moitié maintenait encore un poids santé. Cependant, selon l’équipe de recherche, le poids des autres participant·e·s est passé de la catégorie « normale » à celle du surpoids ou de l’obésité dans les proportions suivantes :

  • passage à un schéma thérapeutique à base de TAF : 13 % étaient en surpoids ou obèses
  • passage à un schéma thérapeutique à base d’inhibiteur de l’intégrase : 12 % étaient en surpoids ou obèses
  • passage à un traitement associant le TAF et un inhibiteur de l’intégrase : 15 % étaient en surpoids ou obèses

À retenir

Comme cette étude néerlandaise n’est pas un essai clinique randomisé, elle ne peut pas prouver que les changements de schéma thérapeutique ont causé les prises de poids constatées. Notons cependant que ses résultats correspondent largement à ceux d’essais randomisés et contrôlés antérieurs. L’une des forces de cette étude réside dans la durée de la période d’observation des participant·e·s, tant avant qu’après le changement de médicaments. Une autre force importante tient à l’exclusion de personnes éprouvant des problèmes susceptibles de les prédisposer à une prise pondérale (chose que de nombreuses études antérieures n’avaient pas été en mesure de faire).

Le problème de la prise de poids soulève des préoccupations depuis plusieurs années, et les mécanismes en jeu chez des personnes utilisant différents schémas thérapeutiques demeurent inconnus. L’origine de la prise de poids réside partiellement dans le fait que certains médicaments, tels l’éfavirenz et le ténofovir DF (ancienne formulation du ténofovir), sont susceptibles d’induire une perte de poids. Alors, quand on cesse l’usage de ces médicaments, une prise pondérale peut se produire.

Il semble que les femmes soient plus susceptibles de prendre du poids, mais l’équipe de recherche n’est pas certaine des raisons. Selon celle-ci, il est plausible que les concentrations sanguines des médicaments anti-VIH soient plus élevées chez certaines femmes que chez les hommes. Cette hypothèse reste toutefois à confirmer pour tous les médicaments anti-VIH associés à une prise de poids. Il se pourrait aussi que les inhibiteurs de l’intégrase influent sur la santé et l’activité des cellules adipeuses dans le corps, ainsi que sur certaines hormones produites par ces cellules. Or, cet effet éventuel des inhibiteurs de l’intégrase commence à peine à faire l’objet d’études de laboratoire.

Il reste beaucoup de travail à faire pour éclairer le problème de la prise de poids chez les personnes suivant un TAR. Il importe aussi de noter que, parallèlement à la prise de poids signalée par cette équipe néerlandaise, le poids de la population séronégative générale tend aussi à augmenter depuis plusieurs décennies. Alors, il est possible que de nombreux facteurs contribuent à la prise de poids, autant chez les personnes séronégatives que chez les personnes séropositives.

—Sean R. Hosein

Ressources

De l’émaciation à l’obésité : L’évolution de la question du poids dans le contexte du VIHTraitementActualités 235

Pourquoi certaines personnes séropositives prennent-elles du poids?TraitementActualités 235

La prise de poids associée à des médicaments non liés au VIHTraitementActualités 235

Une étude découvre que la graisse s’accumule et que le muscle diminue avec le tempsTraitementActualités 235

RÉFÉRENCES :

  1. Vergurgh ML, Wit FWNM, Boyd A et al. One in ten virally suppressed persons with HIV in the Netherlands experiences 10% weight gain after switching to TAF and/or integrase strand transfer inhibitors. Clinical Infectious Diseases. 2022; sous presse.
  2. Ngono Ayissi K, Gorwood J, Le Pelletier L et al. Inhibition of adipose tissue beiging by HIV integrase inhibitors, dolutegravir and bictegravir, is associated with adipocyte hypertrophy, hypoxia, elevated fibrosis, and insulin resistance in simian adipose tissue and human adipocytes. Cells. 2022 Jun 4;11(11):1841.
  3. Patterson S, Cescon A, Samji H et al. Life expectancy of HIV-positive individuals on combination antiretroviral therapy in Canada. BMC Infectious Diseases. 2015 Jul 17; 15:274.