Une équipe de chercheurs de plusieurs universités et cliniques de Montréal a mené une étude pour explorer les enjeux liés à l'accès aux soins de santé et à la santé mentale des mères vivant avec le VIH. Lors d'entrevues détaillées menées auprès de 100 mères, les chercheurs ont découvert plusieurs enjeux qui avaient un impact sur la santé des participantes. L'équipe a formulé des recommandations à l'intention des médecins, des infirmiers et d'autres professionnels de la santé qui, si elles étaient mises en œuvre, pourraient améliorer considérablement la santé et le bien-être mentaux des femmes séropositives qui ont des enfants.
Détails de l'étude
Des chercheurs travaillant dans les universités suivantes, et parfois dans les centres hospitaliers et cliniques affiliés, ont collaboré à l'étude :
- Université du Québec à Montréal
- Université McGill
- Université de Montréal
Des cliniques hospitalières et des organismes communautaires ont aidé à faire la promotion de l'étude.
En moyenne, les participantes avaient 41 ans, vivaient avec un diagnostic de VIH depuis 12 ans et avaient deux enfants. Près de la moitié des participantes avaient un revenu annuel moyen de moins de 20 000 $.
Résultats
Les femmes affirmaient consulter en moyenne quatre professionnels de la santé. (Cela est fréquemment le cas dans certaines régions, notamment dans les grandes villes, parce que les femmes ont accès à de nombreux médecins et peuvent faire appel aux services d'un médecin de famille, d'un spécialiste des maladies infectieuses, d'un gynécologue et d'autres spécialistes au besoin.)
Selon les chercheurs, les femmes étaient dans l'ensemble « plutôt satisfaites de la qualité de la communication avec leurs professionnels de la santé et des services fournis ».
Barrières aux soins
Les femmes ont avisé les chercheurs que les barrières les plus courantes à l'accès aux soins étaient les suivantes :
- préoccupations concernant la stigmatisation, c'est-à-dire la présence d'attitudes et de comportements négatifs à l'égard des personnes séropositives dans la communauté
- incapacité d'avoir accès aux ressources
Selon les femmes, les principales sources de stigmatisation étaient les suivantes :
- conséquences du dévoilement de son statut VIH
- attitudes du public à l'égard des personnes vivant le VIH
Détresse
Les chercheurs ont constaté que près de 45 % des femmes éprouvaient des symptômes de détresse psychologique. Ce chiffre est presque le double du taux moyen affiché par les femmes séronégatives du Québec. De plus, les femmes séropositives qui éprouvaient une telle détresse faisaient état de davantage de barrières à l'accès aux soins et aux ressources liées aux soins, ainsi que de préoccupations plus nombreuses concernant le dévoilement. Enfin, selon les chercheurs, ces femmes avaient tendance à avoir une « une image de soi négative ».
Les chercheurs ont affirmé que la prévalence de la détresse psychologique ne pouvait être expliquée par aucun des facteurs suivants :
- situation sociale et économique
- statut par rapport à l'immigration
- durée de l'infection au VIH
Préoccupations et inquiétude
Selon les chercheurs, les participantes avaient les préoccupations suivantes concernant le dévoilement de leur statut VIH (à cause de la discrimination et d'autres problèmes connexes) : « maintenir le contrôle de l'information, garder le secret quant à son statut VIH, s'inquiéter à l'idée que les personnes au courant révèlent son statut à d'autres personnes. Plus les participantes avaient peur de se faire découvrir [leur statut VIH] et plus elles étaient hypervigilantes à l'égard des menaces possibles [de dévoilement] de leur statut VIH, plus elles étaient susceptibles d'éprouver de la détresse clinique… ».
Autres barrières à l'accès aux soins
Les chercheurs ont trouvé que les facteurs suivants constituaient des barrières aux soins :
- logement inadéquat
- chômage
- milieu de travail insensible à l'égard des personnes vivant avec le VIH
- stress financier
Recommandations des chercheurs
À la lumière de leurs résultats, les chercheurs ont formulé les recommandations suivantes :
- Idéalement, les mères séropositives recevraient des soins d'une équipe multidisciplinaire incluant médecins de famille, infirmiers, psychologues ou psychiatres et travailleurs sociaux.
- Les professionnels de la santé devraient identifier « les patientes à risque d'éprouver de la détresse psychologique et les diriger vers des professionnels de la santé ».
- Les psychologues, les psychiatres, les travailleurs sociaux et les autres professionnels de la santé mentale devraient « viser à [aider les mères séropositives à élaborer] des stratégies d'adaptation et de résilience afin de faire face aux défis quotidiens liés à la prise en charge du VIH et à la stigmatisation ».
- Pour améliorer la qualité de la communication avec les patientes, les médecins devraient « prendre le temps d'expliquer... les résultats des tests (par exemple, le compte de CD4+, la charge virale en VIH, les rapports de biopsies) et les décisions se rapportant au choix de traitement dans un langage qui est accessible aux patientes, en s'assurant qu'elles comprennent parfaitement les explications ».
De plus, les chercheurs ont encouragé les travailleurs sociaux à aider les mères séropositives à acquérir les connaissances et les compétences nécessaires pour obtenir les ressources qui répondraient à leurs besoins de base, y compris les suivantes :
- nourriture
- logement stable
- aide à la garde d'enfants
- vêtements
Si elles étaient mises en œuvre, ces recommandations pourraient améliorer considérablement la qualité de vie des mères vivant avec le VIH au Québec et ailleurs.
Nous rendons compte ici d'une étude transversale, ce qui veut dire que les participantes ont été interrogées à un seul moment particulier. Il n'empêche que cette étude devrait être considérée comme un premier pas important. Une éventuelle deuxième étude conçue pour évaluer et interroger les participantes au cours de plusieurs années pourrait fournir des données précieuses qui serviraient à mieux éclairer les besoins des mères séropositives en matière de soins.
Ressources
Le VIH et le bien-être émotionnel – CATIE
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCE :
Blais M, Fernet M, Proulx-Boucher K, et al. Barriers to health care and psychological distress among mothers living with HIV in Quebec (Canada). AIDS Care. 2015 Jun;27(6):731-8.