- Des chercheurs de la Colombie-Britannique affirment que de nombreux cas de VIH sont diagnostiqués tardivement.
- Une étude récente a examiné les données sur la santé de 2 119 personnes ayant reçu un diagnostic de VIH.
- 14 % des personnes avaient signalé des symptômes liés au VIH jusqu’à cinq ans avant leur diagnostic.
Nombre d’essais cliniques bien conçus ont révélé que l’amorce précoce du traitement du VIH (TAR) est associée à une réduction significative du risque de complications graves pour la santé dont certaines sont liées au sida et d’autres pas. De plus, le TAR peut réduire la quantité de VIH dans le sang (charge virale) jusqu’à un très faible niveau qu’on qualifie couramment d’ « indétectable ». Lorsqu’on continue d’utiliser le TAR en suivant les posologies et les directives à la lettre, cette très faible quantité de VIH se maintient dans le sang, ce qui procure un autre bienfait : les essais cliniques nous révèlent que les utilisateurs du TAR qui maintiennent une charge virale indétectable dans leur sang ne transmettent pas le VIH à leurs partenaires sexuels.
Ces deux bienfaits du TAR, soit la protection de la santé et la prévention de la transmission sexuelle, sont tellement transformatifs que le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) a fixé des cibles qu’il encourage les villes, les régions et les pays du monde à atteindre d’ici 2020; ces cibles sont couramment regroupées sous l’abréviation 90-90-90 :
- 90 % des personnes vivant avec le VIH seront diagnostiquées
- 90 % des personnes diagnostiquées suivront un TAR en continu
- 90 % des personnes sous TAR auront une charge virale indétectable
Pour atteindre la première de ces cibles, il est nécessaire que l’accès au dépistage du VIH et au counseling soit offert de manière étendue et pratique. Cependant, certaines personnes ne se rendent pas compte qu’elles courent le risque de contracter l’infection au VIH et pourraient donc refuser de se faire tester. De plus, il est possible que des professionnels de la santé ne sachent pas que certains de leurs patients qui consultent pour des soins médicaux aient besoin de passer un test de dépistage du VIH. Ces occasions de dépistage ratées dans une ville, une région ou un pays pourraient miner les efforts pour diagnostiquer le VIH tôt dans le cours de l’infection et pour atteindre les cibles 90-90-90 de l’ONUSIDA.
En 2017, des chercheurs de la Colombie-Britannique ont trouvé que « près du quart » des personnes atteintes du VIH avaient été diagnostiquées relativement tardivement dans le cours de l’infection, alors que leur système immunitaire était déjà très faible.
Occasions ratées
Pour mieux comprendre les lacunes du dépistage du VIH parmi des personnes atteintes d’affections médicales qui n’avaient pas reçu de diagnostic de VIH dans les 30 jours suivant la recherche de soins médicaux, des chercheurs en Colombie-Britannique ont analysé plusieurs bases de données qui contenaient des informations relatives à la santé. L’équipe se composait de membres du Centre d’excellence sur le VIH/sida de la Colombie-Britannique, de l’Université de la Colombie-Britannique, du ministère provincial de la Santé et du Vancouver Coastal Health. L’équipe s’est concentrée sur la période entre 2001 et 2014 durant laquelle on avait recueilli des données auprès de 2 119 personnes. Les chercheurs ont trouvé que 298 (14 %) de ces personnes qui ont subséquemment fait l’objet d’un diagnostic de VIH (dans certains cas, entre un et cinq ans après la recherche initiale de soins) avaient initialement un des problèmes suivants ou davantage :
- pneumonie récurrente
- anémie
- zona (herpès zoster) chez de jeunes adultes
- infections buccales à levures
De plus, on a constaté que ces affections médicales étaient relativement courantes au sein de certains sous-groupes de personnes (détails à suivre dans ce bulletin). Cette étude britanno-colombienne est importante et souligne le fait qu’il reste beaucoup de travail à faire pour multiplier les occasions de dépistage du VIH afin qu’on puisse diriger rapidement les patients vers des soins et un traitement lorsque les résultats des tests s’avèrent positifs.
Détails de l’étude
Les chercheurs ont analysé les informations extraites de plusieurs bases de données portant sur la santé de 2 119 personnes séropositives dont le profil moyen était le suivant au moment de leur inclusion dans les bases de données en question :
- 82 % d’hommes, 18 % de femmes
- la majorité (53 %) avait 40 ans ou plus
- 75 % étaient des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH), des personnes qui s’injectaient des drogues ou encore des personnes appartenant à ces deux catégories
- 75 % vivaient dans une région urbaine
Résultats
L’analyse effectuée par les chercheurs a révélé que 14 % des personnes avaient fait l’objet des diagnostics suivants :
- pneumonie récurrente
- anémie liée à une carence en fer, en vitamine B12 ou en d’autres nutriments
- zona (herpès zoster) chez de jeunes adultes
- troubles du système lymphatique
- infections buccales à levures
Ces 298 personnes n’avaient pas reçu de diagnostic de VIH dans les 30 jours suivant leur consultation médicale initiale. Dans certains cas, le diagnostic de VIH n’a été posé que cinq ans après la consultation initiale.
Analyse détaillée
Les chercheurs ont également trouvé que ces 298 personnes étaient plus susceptibles de présenter les caractéristiques suivantes que les personnes diagnostiquées plus tôt :
- âge de 50 ans ou plus
- utilisation de drogues injectables à un moment donné dans le passé
- identité hétérosexuelle déclarée
- résidants du département régional de la santé du nord de la Colombie-Britannique
À retenir
Selon les estimations de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), environ 14 % des personnes vivant avec le VIH au Canada ne connaissent pas leur statut. Les résultats obtenus en Colombie-Britannique soulignent le fait que l’infection au VIH non diagnostiquée demeure un problème et ce, même parmi les personnes qui recherchent des soins médicaux pour une maladie.
Les chercheurs britanno-colombiens ont affirmé ceci :
« Bien qu’il soit utile de rattraper les occasions de diagnostic précoce ratées en améliorant le dépistage dans les contextes de soins de santé comme stratégie pour réduire les diagnostics tardifs, les personnes qui ne consultent pas (p. ex., celles sans symptôme de l’infection au VIH et celles faisant face à des obstacles aux soins) continuent d’être négligées et contribuent au diagnostic tardif en l’absence d’interventions complémentaires. »
Cette équipe de la Colombie-Britannique a mené une étude rétrospective, ce qui veut dire qu’elle a utilisé des données recueillies précédemment pour une raison particulière et les a analysées subséquemment pour une raison différente. Les analyses rétrospectives de ce genre amènent parfois les chercheurs à tirer par inadvertance des conclusions faussées. Toutefois, une étude conçue de façon différente coûterait cher, et les résultats obtenus en Colombie-Britannique semblent logiques.
Espérons que les résultats de cette étude amélioreront les efforts pour s’assurer que les provinces atteignent les cibles 90-90-90 de l’ONUSIDA.
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCE :
Nanditha NGA, St-Jean M, Tafessu H, et al. Missed opportunities for earlier diagnosis of HIV in British Columbia, Canada: A retrospective cohort study. PLoS One. 2019 Mar 21;14(3):e0214012.