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CATIE
  • Des chercheurs étudient la possibilité d’offrir les prophylaxies pré- et post-exposition pour la syphilis
  • Une telle approche consisterait à prendre des antibiotiques avant ou tout de suite après une exposition éventuelle
  • 44 % des hommes gais et bisexuels se disaient disposés à prendre la PrEP pour la syphilis; 60 % seraient prêts à prendre la PPE

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Les taux d’infections transmissibles sexuellement courantes (ITS), soit la chlamydiose, la gonorrhée et la syphilis, augmentent depuis 20 ans au Canada et dans les autres pays à revenu élevé. Chacune de ces trois infections peut avoir de graves conséquences sur la santé. En particulier, les microbes qui causent la syphilis peuvent provoquer une maladie complexe à plusieurs stades qui risque de nuire aux organes vitaux comme le cerveau, le cœur et d’autres. Certains hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HARSAH) ont été affectés durement par cette montée des ITS. Il est donc urgent de trouver les moyens de réduire les risques d’ITS.

Lors d’essais cliniques, un comprimé contenant deux médicaments anti-VIH (ténofovir DF et FTC; vendu sous le nom de Truvada et en versions génériques) s’est révélé extrêmement efficace pour réduire le risque de transmission du VIH lorsqu’il était utilisé correctement. Lorsqu’on prend des médicaments anti-VIH à titre préventif de cette manière, on parle de prophylaxie pré-exposition (PrEP). Même si la combinaison de ténofovir DF et de FTC est approuvée pour la prévention du VIH, aucune stratégie semblable n’a été cautionnée pour la prévention de la syphilis par les sociétés de maladies infectieuses ou de santé sexuelle ou encore les agences de réglementation.

Questions à propos de la prévention de la syphilis

Des chercheurs de Toronto et de Vancouver ont sondé des HARSAH dans ces deux villes pour connaître leurs opinions sur l’utilisation de l’antibiotique doxycycline, pris avant ou après une relation sexuelle, pour réduire le risque de syphilis. Mené auprès de 424 hommes dont la plupart étaient jeunes, ce sondage a révélé que près de 60 % d’entre eux étaient prêts à prendre un antibiotique pour réduire leur risque de contracter la syphilis. Ce résultat mérite d’être souligné parce que la syphilis est un enjeu de santé important, et des essais cliniques d’envergure seront nécessaires pour explorer le rôle éventuel que la doxycycline pourrait jouer dans la prévention de la syphilis chez les HARSAH à l’avenir. Le sondage a également relevé d’autres informations intéressantes, dont certaines sont examinées en détail plus loin dans ce bulletin de Nouvelles CATIE.

Détails de l’étude

Les chercheurs ont recruté 424 participants dans des cliniques de santé sexuelle communautaires de Toronto et de Vancouver. Ils ont utilisé des questionnaires auto-administrés et anonymes pour leur étude. Voici un bref profil moyen des participants au moment de commencer l’étude :

  • âge : 31 ans (de nombreux participants avaient entre 26 et 39 ans)
  • la plupart s’identifiaient comme des hommes (99,8 %) et comme gais (88 %); une personne s’identifiait comme un homme transgenre
  • 7 % ont dévoilé qu’ils étaient séropositifs

Les participants ont répondu à de nombreuses questions, mais deux enjeux clés ont été exprimés de la façon suivante :

  • « La PrEP pour la syphilis consisterait à prendre un comprimé antibiotique tous les jours pour prévenir la syphilis et potentiellement la chlamydiose. Elle pourrait causer des effets secondaires chez certaines personnes, notamment un malaise gastrique léger. Elle pourrait également accroître le risque que les infections futures de tous genres soient plus difficiles à traiter à cause d’une résistance médicamenteuse (et pas seulement les ITS). Des tests de sang seraient nécessaires, ainsi que des rendez-vous chez le médecin tous les trois mois. Si cette stratégie était approuvée au Canada et mise à votre disposition, est-ce que vous la prendriez? »
  • Dans le cas de la prophylaxie post-exposition (PPE) pour la syphilis, le texte était semblable, à l’exception de la définition suivante : « La PPE pour la syphilis consisterait à prendre deux comprimés antibiotiques dans les 24 heures suivant la relation sexuelle ».

Résultats clés

La majorité des participants (60 %) ont affirmé qu’ils seraient disposés à utiliser la PPE pour la syphilis. En revanche, seulement 44 % d’entre eux ont indiqué qu’ils seraient prêts à prendre la PrEP pour la syphilis.

Autres considérations

Les chercheurs ont affirmé que « peu de participants avaient entendu parler de la prophylaxie antibiotique avant de remplir le questionnaire (13 %). La plupart connaissaient cependant le concept de résistance antimicrobienne, notamment le fait que certaines bactéries devenaient plus difficiles à traiter par antibiotiques (89 %) et pouvaient acquérir une résistance à cause de la mauvaise utilisation d’antibiotiques (89 %) ».

Parmi les autres résultats, notons que 55 % des participants se sentaient à risque de contracter la syphilis.

Volonté d’utiliser la PrEP pour la syphilis

L’analyse a révélé que les personnes les plus susceptibles d’utiliser la PrEP pour la syphilis avaient les caractéristiques suivantes :

  • très préoccupées à l’idée de contracter des ITS
  • avaient déjà utilisé la PrEP pour le VIH
  • s’étaient fait diagnostiquer antérieurement des ITS différentes
  • étaient d’accord avec l’affirmation « Je suis à risque à l’égard de la syphilis »

Les personnes plus jeunes semblaient moins disposées à utiliser la PrEP pour la syphilis.

Volonté d’utiliser la PPE pour la syphilis

L’analyse a révélé que les personnes les plus susceptibles d’utiliser la PPE pour la syphilis avaient reçu un plus grand nombre de diagnostics d’ITS dans le passé que les personnes qui ne voulaient pas l’utiliser.

À retenir

Les participants étaient disposés à utiliser la PPE pour la syphilis dans une proportion relativement élevée, soit 60 %, par rapport à 44 % dans le cas de la PrEP pour la syphilis. Les chercheurs ont attribué cette différence au désir de prendre moins de comprimés.

Selon les chercheurs, la réticence de certains participants à prendre la PPE ou la PrEP pour la syphilis pourrait résider dans la sous-estimation du risque de syphilis. D’autres études menées en Angleterre, aux Pays-Bas et aux États-Unis ont en effet trouvé que de nombreuses personnes, sans égard à l’âge, sous-estimaient leurs risques de contracter des ITS. Les chercheurs canadiens ont affirmé que ces résultats « soulignent la nécessité d’interventions pour aider les individus à comprendre correctement ces probabilités ».

À l’avenir

Des chercheurs de Vancouver mènent actuellement une étude pilote sur l’utilisation quotidienne de l’antibiotique doxycycline par des personnes qui prennent également la PrEP pour le VIH. Cette étude est conçue pour déterminer s’il est possible de recruter et de retenir des volontaires pour une étude de plus grande envergure éventuelle sur la PrEP pour les ITS à l’avenir. L’étude pilote abordera d’autres questions aussi, telle que l’observance du traitement à la doxycycline, les effets secondaires potentiels, l’efficacité pour la prévention des ITS et l’apparition de résistances à cet antibiotique parmi les bactéries vivant normalement dans les intestins. Les résultats de cette étude sont attendus à l’automne 2020. S’ils sont favorables, espérons que les chercheurs de Vancouver pourront réunir les fonds nécessaires pour mener une plus grande étude conçue pour éclairer le potentiel de la doxycycline dans la réduction des risques d’ITS, et plus particulièrement de syphilis.

Ressources

Lignes directrices canadiennes sur les infections transmissibles sexuellement – Prise en charge et traitement d’infections spécifiques – Syphilis

La prise en charge et le traitement de la syphilis chez les adultes infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) – Guide pour les professionnels de la santé du Québec – Version résumée –  Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec

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Une augmentation des cas de syphilis oculaire est signalée aux États-UnisNouvelles CATIE

Syphilis – Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique

Syphilis - BMJ

—Sean R. Hosein

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