En Amérique du Nord, en Europe occidentale et en Australie, la grande accessibilité des combinaisons de médicaments puissants contre le VIH, couramment appelées multithérapies ou TAR, a réduit de façon considérable le risque de mortalité des suites d'infections liées au sida. La multithérapie est tellement puissante que les personnes qui contractent l'infection aujourd'hui et qui s'engagent à prendre leurs soins et leur traitement au sérieux peuvent s'attendre à connaître une espérance de vie quasi normale.
Il reste que de nombreuses personnes vivant avec le VIH (et de personnes à risque élevé) ont d'autres problèmes de santé coexistants qui nécessitent des soins, y compris les suivants :
- tabagisme
- dépression, anxiété, trouble de stress post-traumatique et autres problèmes de santé mentale
- dépendance à l'alcool et à d'autres substances
- co-infection par des microbes nuisant au foie comme les virus de l'hépatite B et C
De plus, dans certains pays à revenu élevé, les chercheurs estiment qu'environ 20 % des personnes infectées par le VIH ignorent leur statut sérologique. Ainsi, il faut des dépistages plus intensifs, ainsi que des programmes de soins, de traitement et de soutien pour aider les personnes séropositives souffrant de dépendances et de co-infections à tirer les meilleurs bienfaits possibles de la multithérapie.
La situation à Winnipeg
Selon des chercheurs de Winnipeg, au Manitoba, certaines personnes dans cette ville apprennent qu'elles ont le VIH lorsqu'elles en sont déjà à un stade avancé de l'infection. Selon un rapport publié en 2010, près de 50 % des personnes ont obtenu leur premier résultat positif au test de dépistage du VIH au moment où elles cherchaient à faire soigner une infection potentiellement mortelle.
Une équipe de chercheurs à Winnipeg a recueilli et analysé des données se rapportant aux besoins d'hospitalisation des personnes séropositives vivant dans cette ville. Leurs résultats sont importants, non seulement parce qu'ils soulignent les besoins médicaux multiples et complexes des personnes séropositives de Winnipeg, mais aussi parce qu'ils documentent le fardeau énorme que porte cette population aux prises avec une mauvaise santé, un fardeau qui ne devrait pas exister.
Détails de l'étude
Les chercheurs ont examiné des données de santé tirées de la Winnipeg Regional Health Authority Medical Database, se concentrant sur les participants séropositifs hospitalisés entre octobre 2003 et mai 2010. Durant cette période, 307 personnes séropositives ont été hospitalisées à deux reprises en moyenne. Leur moyenne d'âge était de 42 ans. Dans les cas où la race ou l'ethnie des participants était précisée, la majorité d'entre eux étaient des Autochtones.
Diagnostics lors de l'admission
La plupart des participants ont été hospitalisés pendant moins de 10 jours. Lors de leur admission, ils avaient les diagnostics courants suivants :
- pneumonie bactérienne
- graves infections bactériennes de la peau
- empoisonnement sanguin causé par des infections bactériennes
Problèmes sous-jacents
Les chercheurs ont constaté que 46 % des participants étaient co-infectés par le virus de l'hépatite C (VHC). La dépendance à la drogue ou à l'alcool était un autre problème coexistant courant.
Mauvais état de santé
Le fait que la majorité des participants souffraient d'infections bactériennes graves ou potentiellement mortelles témoigne de l'état affaibli de leur système immunitaire. En effet, l'examen des comptes de CD4+ T a révélé que les participants avaient en moyenne 219 cellules CD4+ par ml de sang. Notons qu'un si faible compte expose les gens à des risques élevés d'infections potentiellement mortelles. De plus, près de 28 % des participants avaient un compte de CD4+ extrêmement faible au moment où ils cherchaient des soins, soit moins de 50 cellules/ml. Les personnes ayant un si faible compte de CD4+ sont sujettes à de multiples infections et cancers liés au sida. En effet, environ 5 % des participants avaient aussi un cancer. La plupart des participants auraient dû être sous multithérapie, mais ne l'étaient pas.
Environ 4 % des participants sont morts malgré les soins prodigués dans les hôpitaux de la ville.
Que faut-il faire?
Les chercheurs font état d'un « fardeau de maladie énorme » parmi les participants à cette étude. Un tel fardeau compromet la qualité et l'espérance de vie de la personne qui le porte. De plus, cela coûte très cher de traiter les gens lorsque leur compte de CD4+ est faible parce que leur fardeau de maladie est suffisamment lourd pour nécessiter l'hospitalisation.
À tout le moins, la situation lamentable à Winnipeg souligne le besoin de davantage de ressources et d'interventions adaptées spécifiquement aux besoins médicaux, psychologiques et sociaux complexes de la population de cette ville. Les interventions en question devraient comporter des éléments à court et à long terme.
À court terme, les interventions devraient tâcher d'améliorer la santé globale des personnes séropositives en les aidant à tirer profit du dépistage, des soins et des traitements du VIH. Les personnes qui sont diagnostiquées dès un stade précoce de l'infection au VIH pourront recevoir une multithérapie et d'autres médicaments, ainsi que le counseling et le soutien dont elles auront besoin pour prendre leurs médicaments tous les jours et se soumettre à plusieurs examens chaque année.
Les personnes séropositives ont également besoin de conseils et de soins pour réduire leur vulnérabilité à la pneumonie. La prévention de la pneumonie serait considérablement améliorée par la prise d'une multithérapie, mais d'autres interventions et ressources seraient nécessaires pour permettre aux gens de se libérer de l'emprise des dépendances, surtout celle aux drogues par injection. Notons que la pneumonie bactérienne et les infections de la peau et des tissus mous sont les conséquences de l'injection de drogues, particulièrement parmi les personnes vivant avec le VIH.
Problèmes sous-jacents
On doit aussi offrir un soutien psychologique continu pour aider les personnes et les communautés à se remettre des effets de la dépression, du trouble de stress post-traumatique, des abus et d'autres traumatismes qui augmentent leurs risques de toxicomanie et de relations sexuelles non protégées.
Les interventions en question nécessiteront un dialogue et une coopération continus parmi les groupes communautaires, y compris les Autochtones, les professionnels de la santé et les systèmes politiques. Espérons que les projets de recherche futurs fourniront des données probantes à la population de Winnipeg afin qu'elle puisse renforcer la santé de ses communautés à long terme.
Ressources pour les Manitobains
Le Nine Circles Community Centre de Winnipeg est une excellente ressource sur la prévention et le traitement du VIH et de l'hépatite C destinée à la population du Manitoba. On peut joindre le centre au numéro sans frais 1.888.305.8647. Le centre a aussi un site Web très utile qui contient des liens vers des services locaux destinés à différentes communautés : http://ninecircles.ca/
—Sean R. Hosein
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