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CATIE

Même si les combinaisons de médicaments puissants contre le VIH (couramment appelées multithérapies ou TAR) aident à prolonger considérablement la survie des personnes séropositives, elles ne réussissent pas à débarrasser le corps du VIH. De plus, malgré le traitement, des changements subtils causés par le VIH continuent de se produire dans le système immunitaire. L'activation inutile du système immunitaire peut faire partie de ces changements. Comme les cellules immunitaires sont dispersées un peu partout dans le corps, l'activation persistante du système immunitaire risque d'affaiblir plusieurs organes au bout de plusieurs années.

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Le cerveau est un des organes qui soulèvent des préoccupations particulières à cet égard. À l'époque précédant l'arrivée de la multithérapie dans les pays à revenu élevé, beaucoup de personnes vivant avec le VIH (PVVIH) avaient peur de succomber à la démence, une maladie qui entraînait un déclin neurocognitif extrême et dévastateur. Bien que la démence liée au VIH soit peu courante de nos jours grâce à la multithérapie, plusieurs études semblent indiquer que les cas de dysfonction cognitive subtile sont relativement courants chez les personnes séropositives, y compris celles qui suivent très fidèlement leur multithérapie. Certains chercheurs et PVVIH s'inquiètent donc de voir les atteintes neurocognitives légères d'aujourd'hui évoluer en dysfonctions cognitives graves à mesure que les PVVIH vieillissent.

Une équipe de chercheurs aux États-Unis suit l'état de santé de plusieurs milliers de femmes, dont certaines sont séropositives et les autres, séronégatives, mais à risque élevé de contracter le VIH. Ils ont effectué des évaluations neurocognitives préliminaires ainsi qu'un bilan exhaustif de l'état de santé général des femmes inscrites à l'étude, particulièrement en ce qui concerne leur santé cardiovasculaire.

À mesure que la santé cardiovasculaire se détériore, les artères carotides, qui approvisionnent le cerveau en sang riche en oxygène, risquent de se rétrécir et de se boucher à cause de l'accumulation de dépôts collants appelés plaque qui se composent de déchets et de cholestérol. L'accumulation de plaque fait en sorte que le sang circule moins abondamment vers le cerveau. Les chercheurs ont évalué la santé des artères carotides des participantes. Ils ont constaté que, en général, les femmes séropositives obtenaient des résultats plus faibles aux tests neurocognitifs et que ces résultats étaient associés à une santé cardiovasculaire moins bonne. Si ces résultats étaient confirmés par une étude à plus long terme, ils pourraient inspirer la tenue d'essais cliniques visant à prévenir ou à traiter les maladies cardiovasculaires, afin qu'il soit possible de maintenir ou d'améliorer le fonctionnement neurocognitif des PVVIH, particulièrement les femmes.

Détails de l'étude

Dans le cadre de la Women’s Interagency HIV Study (WIHS), les chercheurs ont recruté 3 766 femmes, tant séropositives que séronégatives, dans les six villes américaines suivantes :

  • Bronx
  • Brooklyn
  • Chicago
  • Los Angeles
  • San Francisco
  • Washington

Tous les six mois, les participantes étaient interrogées exhaustivement et subissaient des examens physiques et d'autres évaluations de leur état de santé. Grâce à la collecte régulière de données, les chercheurs ont réussi à établir une grande base de données. De temps en temps, l'équipe analyse les données amassées afin de pouvoir relever des tendances par rapport aux différents aspects de la santé des femmes séropositives. Dans le présent bulletin de Nouvelles-CATIE, nous mettons l'accent sur une sous-étude neurologique de la WIHS pour laquelle on a recruté les 1 282 femmes suivantes :

  • séropositives : 891 femmes
  • séronégatives : 391 femmes

Aux fins de la sous-étude neurologique, les chercheurs ont effectué des échographies des artères carotides (dans le cou), ainsi que des tests neuropsychologiques.

L'équipe n'a pas fourni de profil complet des volontaires inscrites à la sous-étude, mais nous savons que leur moyenne d'âge approximative était de 41 ans.

Résultats

En général, les chercheurs ont constaté que les femmes séropositives réussissaient moins bien aux tests neurocognitifs que les femmes séronégatives. Cette différence semblait être influencée par l'état de santé cardiovasculaire plus faible des femmes séropositives.

La plaque, une substance collante composée de cholestérol-LDL et de déchets cellulaires, peut s'accumuler sur les parois des artères. Au fil des ans, les dépôts de plaque risquent de grossir et d'empêcher le flux sanguin au fur et à mesure que les artères se rétrécissent et qu'elles perdent de la souplesse. Quand le sang circule moins abondamment, les tissus sont privés d'oxygène et de nutriments. Par conséquent, ils fonctionnent moins bien et risquent même de mourir.

Dans le cadre de la présente étude, les chercheurs ont observé que l'accumulation de plaque dans l'artère carotide et le rétrécissement subséquent de celle-ci étaient liés à la détérioration de la fonction neurocognitive. Cet effet délétère de la maladie cardiovasculaire avait une signification profonde. En effet, selon l'équipe de chercheurs, l'effet de la maladie cardiovasculaire sur l'atteinte neurocognitive chez les participantes asymptomatiques était comparable à la détérioration de la fonction neurocognitive qui s'observe chez les personnes atteintes du sida.

En général, l'équipe n'a pas constaté qu'une classe particulière de médicaments anti-VIH avait un impact important sur le fonctionnement neurocognitif. Les études futures devront être conçues de manière à bien évaluer cette question, car les résultats d'au moins une étude portent déjà à croire que le médicament anti-VIH éfavirenz (Sustiva, Stocrin et dans l'Atripla) est associé à un certain degré de détérioration neurocognitive.

La sous-étude neurologique de la WIHS a confirmé les résultats d'une autre sous-étude menée dans le cadre de l'essai clinique SMART. Il faut toutefois mentionner que la sous-étude neurologique de l'essai SMART n'a porté que sur 122 femmes séropositives.

Grâce à l'accent qu'elle met sur les femmes séropositives qui entrent dans l’âge mûr, l'étude WIHS est importante dans la mesure où elle souligne une association entre les dommages à l'artère carotide et le déclin neurocognitif. Chez les personnes séronégatives, un tel déclin ne s'amorce habituellement que 15 ans plus tard au moins, selon l'équipe de la WIHS.

Pas de panique

Il est important de souligner qu'il s'agissait dans ce cas d'une étude transversale, ce qui veut dire qu'on faisait généralement les évaluations à un seul moment particulier et non sur une période de plusieurs années. Les études transversales ne peuvent fournir de réponses définitives à des questions scientifiques importantes. Elles constituent cependant un bon premier pas, car elles permettent d'établir l'existence d'un problème et de jeter les assises d'études plus rigoureuses.

Mentionnons aussi qu'on n'a pas effectué d'évaluations neurocognitives exhaustives dans le cadre de cette étude. Ainsi, ses résultats ne sont pas définitifs, et il n'y a pas lieu de s'alarmer.

Pourquoi des problèmes d'artères si précoces?

Comme l'infection au VIH est chronique, elle provoque une inflammation excessive et persistante qui nuit au système immunitaire. La thérapie anti-VIH ne réussit pas à supprimer complètement cette inflammation. À long terme, il est probable que les effets nuisibles de ces facteurs de risque sur la santé en général, et la santé cardiovasculaire en particulier, s'intensifient en présence de l'infection au VIH, surtout s'il y a d'autres facteurs de risque de maladies cardiovasculaires (tabagisme, consommation de drogues et d'alcool, mauvaise alimentation, surpoids).

Retour au cerveau

Il faut mener des études pour évaluer l'ampleur des atteintes neurocognitives chez des femmes suivies sur une période de plusieurs années. De telles études devraient faire au moins ce qui suit :

  • continuer à évaluer la santé cardiovasculaire des femmes d'âge moyen et celles plus âgées
  • assurer une évaluation exhaustive incluant des IRM (imagerie par résonance magnétique) et une exploration du fonctionnement des différentes parties du cerveau
  • renforcer les données de la présente étude

Si les résultats de la sous-étude neurologique de la WIHS étaient confirmés par une étude longitudinale, il serait peut-être possible de renverser le déclin neurocognitif observé chez certaines femmes séropositives en corrigeant les problèmes liés à la santé cardiovasculaire. Cette possibilité n'a rien de surprenant, car les interventions — habituellement la chirurgie — conçues pour renverser l'accumulation de plaque et le rétrécissement des artères ont déjà réussi à améliorer la fonction cognitive chez des personnes séronégatives âgées présentant ce genre de problèmes. Rappelons cependant que la chirurgie a parfois des effets indésirables. Or, si les problèmes de l'artère carotide étaient détectés précocement chez les personnes séropositives, c'est-à-dire avant que des symptômes sérieux ne se déclarent, on pourrait évaluer l'impact de moyens plus sûrs d'améliorer la santé cardiovasculaire sur les atteintes neurocognitives. Ces moyens incluraient l'arrêt du tabac, les modifications alimentaires, l'exercice aérobique et le traitement des comorbidités comme le diabète, l'hypertension et les maladies du rein.

                                                                                      —Sean R. Hosein

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