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CATIE

Depuis plusieurs décennies au Canada et dans les autres pays à revenu élevé, on fait des progrès importants pour réduire le risque de transmission du VIH entre les mères séropositives et leurs enfants. Selon le Programme canadien de surveillance pédiatrique, la transmission mère-enfant du VIH est extrêmement rare de nos jours au Canada.

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Un élément clé de cette baisse du risque consiste à réduire énormément la quantité de VIH (charge virale) dans le sang de la mère aussitôt que possible au cours de la grossesse afin qu'elle atteigne et se maintienne au niveau le plus faible possible. C'est pour cette raison que les combinaisons de médicaments antirétroviraux puissants (TAR) jouent un rôle essentiel dans la réduction de la transmission du VIH entre une mère et son enfant. En suivant la série d'étapes décrites ci-dessous, on peut réduire le risque de transmission mère-enfant du VIH jusqu'à moins de 1 % :

  • counseling auprès d'un médecin au sujet de la planification de la grossesse, suivi de consultations auprès d'un obstétricien et de deux spécialistes des maladies infectieuses dont l'un traite les adultes et l'autre, les enfants
  • prise d'un TAR pendant la grossesse afin que la charge virale de la mère soit inférieure à 50 copies/ml
  • consultations régulières dans une clinique pour obtenir soins et conseils pendant la grossesse
  • administration de médicaments anti-VIH au nouveau-né pendant quatre à six semaines
  • utilisation d'une préparation pour nourrissons au lieu de l'allaitement, car le VIH peut se transmettre dans le lait maternel
  • on évite de donner de la nourriture prémâchée au bébé quand les aliments solides sont introduits; chez les adultes ayant le VIH qui ont également une infection buccale, celle-ci pourrait laisser fuir dans la bouche une faible quantité de sang qui pourrait ensuite entrer dans la nourriture prémâchée; comme cette quantité de sang peut contenir du VIH, si la nourriture prémâchée était donnée à l'enfant, elle pourrait transmettre le virus

Une préoccupation qu'ont parfois les femmes séropositives enceintes et leurs médecins se rapporte à l'innocuité du TAR pour le fœtus. Cette inquiétude tient au fait que le fœtus peut être vulnérable à plusieurs effets nuisibles s'il est exposé aux médicaments, surtout au cours du premier trimestre (les trois premiers mois). Cependant, à en croire plusieurs études menées dans les pays à revenu élevé pour évaluer les bienfaits et les risques du TAR pendant la grossesse, les bienfaits l'emportent généralement facilement sur les risques.

Étude québécoise

Récemment, des chercheurs au Québec ont entrepris une étude pour examiner les données de santé recueillies auprès de femmes enceintes (autant séronégatives que séropositives) et de leurs bébés. L'équipe de recherche s'intéressait en particulier à la répartition des anomalies congénitales importantes documentées entre 1998 et 2015.

Les chercheurs ont examiné des données portant sur 214 240 grossesses, dont 343 concernaient des femmes séropositives. Parmi celles-ci, 174 ont suivi un TAR pendant le premier trimestre de leur grossesse et 169 autres n'ont pas pris de TAR durant cette période.

Les chercheurs ont constaté ce qui suit :

  • Les femmes séropositives qui n'ont pas utilisé de TAR pendant le premier trimestre de leur grossesse étaient considérablement plus susceptibles d'accoucher de bébés atteints d'anomalies congénitales importantes, comparativement aux femmes séronégatives.
  • Les femmes séropositives qui ont utilisé un TAR pendant le premier trimestre n'étaient pas considérablement plus susceptibles d'accoucher de bébés présentant des anomalies congénitales importantes, comparativement aux femmes séronégatives.

Cette étude québécoise met en évidence les bienfaits globaux du TAR durant la grossesse, mais ses résultats ont aussi soulevé des questions troublantes : Est-il possible que l'infection au VIH elle-même contribue, au moins partiellement, à un risque accru d'anomalies congénitales, et est-il possible que l'usage du TAR réduise ce risque? Espérons que les résultats de cette étude inciteront d'autres chercheurs à entreprendre des études semblables pour examiner les données portant sur les femmes séropositives et leurs enfants.

Détails de l'étude

Des chercheurs collectent des données relatives à la santé des femmes enceintes et de leurs enfants et les enregistrent dans la Cohorte des grossesses du Québec. Les chercheurs responsables de cette étude ont analysé des données recueillies entre janvier 1998 et décembre 2015 en se concentrant sur les anomalies congénitales importantes.

L'équipe de l'étude a été capable de déterminer quels médicaments les participantes prenaient grâce aux liens avec la base de données du Régime public d'assurance médicaments du Québec. Il s'ensuit que seules les femmes ayant recours au système de santé public de la province ont été étudiées.

Un mot à propos du premier trimestre

Les chercheurs ont séparé les données portant sur les femmes qui suivaient un TAR durant les trois premiers mois de leur grossesse des données relatives aux femmes n'ayant pas suivi de TAR durant cette période. L'importance du premier trimestre réside dans le fait qu'il s'agit d'une période de développement et de croissance rapides pour le fœtus. Ce développement et cette croissance rapides rendent le fœtus vulnérable aux effets potentiellement nuisibles de diverses substances, dont les médicaments dans certains cas.

Résultats : anomalies congénitales importantes

Les chercheurs ont analysé les données relatives à 214 240 grossesses et ont constaté que 18 407 bébés avaient « au moins une » anomalie congénitale importante.

Au total, les proportions de femmes séropositives ayant accouché de bébés atteints d'anomalies congénitales importantes ont été les suivantes :

  • femmes ayant utilisé le TAR durant le premier trimestre de la grossesse : 10 %
  • femmes n'ayant pas utilisé de TAR durant le premier trimestre de la grossesse : 15 %

À titre de comparaison, notons que la proportion de femmes séronégatives ayant accouché de bébés atteints d'anomalies congénitales importantes a été de 9 %. Bien que ce chiffre puisse sembler élevé (les taux enregistrés dans d'autres régions se situant habituellement entre 3 % et 5 %), les chercheurs affirment que c'est « ce à quoi on s'attend dans la province de Québec à cause de la concentration élevée de facteurs de risque génétiques ».

Ces résultats indiquent que les femmes séropositives enceintes qui n'ont pas utilisé de TAR durant le premier trimestre couraient un risque accru d'accoucher d'un bébé atteint d'une anomalie congénitale importante. La différence entre la répartition des anomalies congénitales importantes chez les bébés nés de femmes séropositives était significative du point de vue statistique, c'est-à-dire non attribuable au seul hasard.

Parmi les femmes séropositives ayant suivi un TAR durant le premier trimestre, on a observé une anomalie de l'intestin grêle chez un bébé et une anomalie de l'appareil digestif chez un autre. Cependant, étant donné le faible nombre de bébés touchés, toute association entre ces anomalies et l'usage du TAR par la mère durant la grossesse est faible du point de vue statistique.

Il n'y avait pas de différence statistiquement significative entre la proportion d'anomalies congénitales importantes observées chez les bébés nés de mères séropositives ayant utilisé le TAR durant le premier trimestre et l'incidence d'anomalies congénitales chez les bébés nés de femmes séronégatives.

Points à retenir

Selon les chercheurs, cette étude « a révélé que l'utilisation du TAR pendant le premier trimestre n'était pas associée au risque global d'anomalies congénitales importantes, ce qui est rassurant ».

Les résultats de cette étude québécoise soulèvent la possibilité que le VIH lui-même soit à l'origine du risque accru d'anomalies congénitales importantes. La façon dont le VIH (ou ses protéines) déclencherait un tel processus n'est pas claire, et cette étude n'a pas été conçue pour aborder cette question.

Les chercheurs ont affirmé que cette étude signalait la possibilité d'un lien entre l'utilisation du TAR pendant le premier trimestre et les anomalies intestinales observées chez deux bébés. Cependant, comme il s'est produit seulement deux cas de ce problème dans cette étude, ce résultat doit être exploré dans une étude de plus grande envergure comptant un plus grand nombre de femmes séropositives enceintes.

Des études d'envergure menées en Europe occidentale n'ont pas trouvé que l'utilisation du TAR était associée à une augmentation significative du nombre d'anomalies congénitales importantes chez les bébés nés de femmes séropositives ayant suivi un TAR durant la grossesse.

Certaines études ont fait état d'un risque accru d'accouchement prématuré et d'insuffisance pondérale à la naissance parmi les femmes traitées par TAR durant le premier trimestre de leur grossesse. Les chercheurs québécois ont été en mesure de comparer les données recueillies auprès de femmes séropositives (dont certaines avaient pris un TAR durant le premier trimestre et d'autres non) et de femmes séronégatives. À la lumière de ces comparaisons, les chercheurs ont constaté qu'il était probable que l'infection sous-jacente au VIH était à l'origine du risque accru d'accouchement prématuré et d'insuffisance pondérale à la naissance. La possibilité que l'infection au VIH joue un rôle dans l'accouchement prématuré est étayée par les résultats d'une étude menée au Rwanda à l'époque pré-TAR; lors de celle-ci, on avait constaté un risque accru d'accouchement prématuré chez les femmes séropositives, par rapport aux femmes séronégatives.

L'étude québécoise n'a pas inclus de données sur le tabagisme, la prise de la vitamine B acide folique ou la consommation d'alcool, autant de facteurs qui auraient pu influencer le risque d'anomalies congénitales. Malgré cette lacune, les résultats de l'étude québécoise correspondent généralement à ceux des études menées dans d'autres pays à revenu élevé et sont rassurants pour les mères et leurs médecins quant à l'innocuité générale du TAR pendant la grossesse.

Remerciement

Nous tenons à remercier Jason Brophy M.D., pédiatre spécialisé en maladies infectieuses au Children’s Hospital of Eastern Ontario, et Jin-Ping Zhao MD, PhD, CHU Sainte-Justine, Montréal, pour leurs conseils d'expert et révisions pertinentes.

Ressources

Recommendations for Use of Antiretroviral Drugs During Pregnancy, extrait des Recommendations for the Use of Antiretroviral Drugs in Pregnant HIV-1-Infected Women and Interventions to Reduce Perinatal HIV Transmission in the United States

La thérapie antirétrovirale pour les adultes infectés par le VIH : Guide pour les professionnels de la santé du Québec – Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec

Prevention of vertical HIV transmission and management of the HIV-exposed infant in Canada in 2014 – Groupe canadien de recherche sur le sida chez les enfants

Lignes directrices canadiennes en matière de planification de la grossesse en présence du VIH

Lignes directrices canadiennes sur le traitement, les soins, et le soutien liés au VIHPoint de mire sur la prévention, automne 2017

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

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  2. Sibiude J, Le Chenadec J, Bonnet D, et al. In utero exposure to zidovudine and heart anomalies in the ANRS French perinatal cohort and the nested PRIMEVA randomized trial. Clinical Infectious Diseases. 2015 Jul 15;61(2):270-80.
  3. Zash R, Jacobson DL, Diseko M, et al. Comparative safety of antiretroviral treatment regimens in pregnancy. JAMA Pediatrics. 2017; in press.
  4. Panel on Treatment of HIV-Infected Pregnant Women and Prevention of Perinatal Transmission. Recommendations for use of antiretroviral drugs in pregnant HIV-1-infected women for maternal health and interventions to reduce perinatal HIV transmission in the United States. October 2016. Disponible à : http://aidsinfo.nih.gov/contentfiles/lvguidelines/PerinatalGL.pdf
  5. Leroy V, Ladner J, Nyiraziraje M, et al. Effect of HIV-1 infection on pregnancy outcome in women in Kigali, Rwanda, 1992-1994. Pregnancy and HIV Study Group. AIDS. 1998 Apr 16;12(6):643-50.
  6. Vannappagari V, Albano JD, Koram N, et al. Prenatal exposure to zidovudine and risk for ventricular septal defects and congenital heart defects: data from the Antiretroviral Pregnancy Registry. European Journal of Obstetrics, Gynecology, and Reproductive Biology. 2016 Feb;197:6-10.
  7. Zhao JP, Sheehy O, Bérard A. Regional variations in the prevalence of major congenital malformations in Quebec: The importance of fetal growth environment. Journal of Population Therapeutics and Clinical Pharmacology. 2015;22(3):e198-210.