En quoi consiste ce programme?
Le Vancouver Infectious Diseases Centre (VIDC) a mis en place des cliniques communautaires éphémères (CCE) pour inciter les personnes qui utilisent des drogues à suivre un traitement contre les maladies infectieuses chroniques (p. ex. l’hépatite C) en utilisant un modèle d’accès facile à bas seuil. En partenariat avec des sociétés de logement et des organismes communautaires du quartier urbain défavorisé de Vancouver, le VIDC organise des CCE une à trois fois par semaine en vue d’effectuer des tests de dépistage de l’hépatite C et du VIH aux points de service et d’inciter les personnes concernées à se faire soigner.
Le VIDC fournit une prise en charge des maladies infectieuses chroniques, en particulier l’hépatite C et le VIH, en faisant appel à une équipe pluridisciplinaire qui propose des services globaux, entre autres un soutien en matière de santé mentale, une prise en charge de l’utilisation de substances et un accompagnement en matière de services sociaux (p. ex. aide au logement ou démarches de demande d’aide financière). Leur clinique satellite située au cœur du quartier urbain défavorisé, le Vancouver Urban Health Centre (VUHC), repose également sur un modèle pluridisciplinaire à bas seuil permettant d’offrir une prise en charge complète aux patient·e·s recensé·e·s dans le cadre des CCE.
Pourquoi le programme a-t-il été mis en place?
Le quartier urbain défavorisé de Vancouver, en particulier le quartier Downtown Eastside (DTES), connaît une forte prévalence d’hépatite C et d’infection par le VIH, et nombreuses sont les personnes qui sont coupées du système de santé. Ce secteur compte une population considérable de personnes qui utilisent des drogues et qui sont exposées à un risque accru de transmission de l’hépatite C et du VIH, de sorte que le fardeau de ces maladies est disproportionné au sein de cette population. En outre, celle-ci se heurte à d’importants obstacles à l’accès aux soins de santé et se trouve souvent coupée des services parce qu’elle est confrontée à des problèmes plus urgents (p. ex. insécurité financière et précarité de logement, troubles de santé mentale). Dans la mesure où l’on estime que plus de 25 % des habitant·e·s de ce quartier sont touché·e·s par l’hépatite C et que jusqu’à 2 % vivent avec le VIH, il est nécessaire de déployer des mesures à bas seuil pour joindre cette population et arrimer les individus à la cascade de soins.
Bien que le VIDC œuvre depuis longtemps auprès des populations marginalisées du quartier urbain défavorisé de Vancouver, les CCE ont été mises sur pied pour leur faciliter davantage l’accès aux soins de santé. En outre, l’engagement du Canada concernant l’élimination de l’hépatite C et du VIH en tant que problème de santé publique rend nécessaire la mise en œuvre de stratégies innovantes visant à faire bénéficier le plus grand nombre de personnes possible d’un traitement de l’hépatite C et du VIH. Ce programme contribue de manière décisive à l’augmentation des taux de traitement en permettant de recenser les personnes qui ont besoin d’un traitement de l’hépatite C et du VIH, et de les maintenir arrimées aux soins. Ce faisant, les CCE permettent de réduire le risque de transmission de l’hépatite C et du VIH.
Comment fonctionne le programme?
Les CCE se déroulent chaque semaine dans des habitations de chambres et dans des refuges du DTES de Vancouver; elles se tiennent aussi à l’occasion dans des centres communautaires, dans des sites de consommation supervisée ou au VUHC même. Les CCE sont animées par l’équipe d’intervention de proximité du VIDC, qui se compose d’au moins un·e infirmier·ère, d’un·e préposé·e au soutien par les pairs, d’un·e intervenant·e de proximité et d’un·e autre membre du personnel de la clinique. Un·e médecin est disponible pour des consultations de télésanté si nécessaire. Les CCE sont organisées par un·e directeur·trice des services d’intervention de proximité, qui coordonne la planification des journées de dépistage avec les gérant·e·s d’immeubles. Le personnel du VIDC communique au ou à la gestionnaire d’un immeuble ou d’un refuge les détails pratiques concernant la CCE et lui remet une affiche promotionnelle pouvant servir à annoncer à l’avance la tenue de la clinique aux résident·e·s.
Le VIDC a conclu des ententes avec trois sociétés de logement importantes situées dans le centre-ville de Vancouver : Atira Women’s Resource Society, Lookout Housing and Health Society et Lu’ma Native Housing Society. Grâce à ces ententes, les CCE peuvent se dérouler dans les maisons de chambres et les refuges administrés par chacune de ces sociétés, ce qui permet de procéder au recensement systématique des personnes qui doivent passer un test de dépistage de l’hépatite C et du VIH et, le cas échéant, recevoir un traitement.
Dans tous les cadres où elles se tiennent, les CCE sont généralement aménagées dans un espace commun, comme le hall d’entrée, l’aire de repos, la cuisine ou la réception de l’immeuble. Si la clinique a lieu dans une maison de chambres ou un refuge, l’équipe installe un poste de dépistage sur une table, puis le ou la travailleur·euse de proximité fait le tour de l’immeuble et frappe aux portes pour informer les résident·e·s de la tenue de la clinique. Dans les maisons de chambres et les refuges comptant entre 30 et 90 résident·e·s, l’équipe peut s’occuper d’au plus 30 résident·e·s sur une période d’environ trois heures à chaque clinique. Les CCE disposaient auparavant d’une camionnette de clinique mobile entièrement équipée du matériel nécessaire aux soins médicaux, notamment les prises de sang et les examens physiques. Toutefois, le renforcement des partenariats communautaires dans le DTES a amené les responsables des CCE à prioriser les habitant·e·s du centre-ville plutôt que les résident·e·s d’autres quartiers de Vancouver.
Dépistage de l’hépatite C et soins de suivi
Durant les CCE, les infirmier·ère·s et le personnel effectuent des tests de dépistage aux points d’intervention ou examinent les dossiers médicaux provinciaux des patient·e·s afin de déterminer s’ils ou elles présentent une infection par le virus de l’hépatite C (voir le paragraphe plus bas pour en savoir plus sur les soins liés au VIH). Si un·e patient·e présente des anticorps dirigés contre le virus de l’hépatite C (VHC), on lui propose une prise de sang sur place en vue d’un test de détection de l’ARN du virus à des fins de confirmation. Si le ou la patient·e présente une infection par le VHC, il ou elle est immédiatement reçu·e en consultation par un·e infirmier·ère. Si le résultat du test de détection de l’ARN est positif, un·e travailleur·euse de proximité cherchera immédiatement à fixer un rendez-vous de suivi, soit en téléphonant au ou à la patient·e, soit en se rendant à son domicile. Les travailleur·euse·s de proximité peuvent également accompagner les patient·e·s à un rendez-vous au VIDC ou au VUHC, ou faciliter la prise d’un rendez-vous de télésanté avec un·e médecin ou un·e infirmier·ère praticien·ne, au cours duquel le ou la patient·e entamera son traitement contre l’hépatite C et établira un plan de soins pluridisciplinaire adapté à ses besoins particuliers.
Si un·e patient·e manque son rendez-vous de suivi, l’équipe de proximité du VIDC le relance en se rendant à son domicile pour lui apporter le traitement de l’hépatite C ou en mettant en œuvre d’autres stratégies de suivi. Celles-ci peuvent consister à transmettre des rappels à leur pharmacie habituelle ou à demander à des voisin·e·s, des ami·e·s, des partenaires ou au personnel de la maison de chambres d’indiquer les endroits où ils ou elles pourraient entrer en contact avec le ou la patient·e. Le VIDC fait également appel à un·e infirmier·ère gestionnaire de cas pour assurer des services de santé allant au-delà du diagnostic de l’hépatite C (p. ex. vaccins contre la COVID-19 et la grippe, soins liés à l’usage de substance) en partenariat avec la Lookout Housing and Health Society, ce qui favorise le recours aux CCE et en renforce la crédibilité.
Pour simplifier l’instauration du traitement, le VIDC s’est associé à la pharmacie SRx, qui est située dans le même immeuble que le VUHC mais à un étage inférieur et qui est habituée à la prise en charge des personnes qui utilisent des drogues, des bénéficiaires de traitements par agonistes opioïdes (TAO) et d’autres populations marginalisées. Plusieurs options de remise du traitement de l’hépatite C peuvent être proposées pour répondre aux besoins individuels de chaque patient·e. Un membre de l’équipe de proximité du VIDC (généralement un·e travailleur·euse de proximité) ou de la pharmacie SRx peut livrer les médicaments du ou de la patient·e à son domicile sur une base quotidienne ou hebdomadaire; si le ou la patient·e n’a pas d’adresse fixe, il ou elle peut aller chercher ses médicaments dans une pharmacie facile d’accès. De nombreux·ses patient·e·s doivent recevoir quotidiennement leur TAO ou d’autres médicaments, si bien que la pharmacie SRx coordonne souvent le traitement de l’hépatite C du ou de la patient·e en fonction de ce schéma posologique. La pharmacie se charge également de rappeler aux patient·e·s de venir chercher leurs médicaments sur place et de leur faciliter la tâche. Ce partenariat favorise donc l’observance du traitement en assurant aux patient·e·s un accès facile à leurs médicaments. Les patient·e·s peuvent s’adresser à la clinique pour poser des questions ou faire part de leurs problèmes, et un·e membre de l’équipe de proximité du VIDC effectue des visites régulières pour faire le point avec les patient·e·s qui ont besoin de plus de soutien.
Dépistage du VIH et soins de suivi
Le dépistage du VIH se déroule dans les mêmes conditions, la plupart des tests étant effectués par des infirmier·ère·s à l’aide de trousses de dépistage rapide dans le cadre des CCE. Bien que les cas nouvellement diagnostiqués soient rares, de nombreux·ses patient·e·s ayant déjà reçu un diagnostic d’infection par le VIH n’ont pas de médecin traitant·e, ont souvent plusieurs prestataires de soins, ou sont coupé·e·s du système de soins, si bien que leur charge virale n’est pas indétectable. L’équipe de proximité du VIDC aide les patient·e·s à réintégrer le système en coordonnant les soins, en veillant à ce que les analyses de sang soient effectuées et en envoyant des évaluations à d’autres prestataires et en aiguillant les patient·e·s vers ces prestataires afin d’assurer une prise en charge exhaustive. En outre, les patient·e·s dont le traitement antirétroviral est obsolète peuvent passer à de nouveaux médicaments plus sûrs, plus efficaces et plus faciles à prendre, ce qui permet de réduire les effets secondaires et d’améliorer l’état de santé général des patient·e·s.
Ressources nécessaires
- Une équipe d’intervention de proximité est ainsi composée :
- un·e infirmier·ère;
- un·e préposé·e au soutien par les pairs;
- un·e travailleur·euse de proximité (au moins un·e infirmier·ère et un· travailleur·euse de proximité ou de soutien doivent être présent·e·s à chaque clinique).
- Trousses de dépistage du VIH et du VHC aux points de service
- Matériel nécessaire pour effectuer des prises de sang sur place en vue du test de détection de l’ARN à des fins de confirmation
- Fournitures médicales nécessaires aux examens physiques et aux soins des plaies
- Partenariats avec les sociétés de logement ou les organismes communautaires qui accueilleront les CCE.
- Partenariat avec une pharmacie habituée à prendre en charge des personnes qui utilisent des drogues, des bénéficiaires de TAO ou d’autres populations marginalisées (non obligatoire mais très utile).
- Un espace clinique et un·e médecin disponible pour les rendez-vous de suivi en personne et virtuels
- Une camionnette de clinique mobile approvisionnée en fournitures médicales et en matériel nécessaire aux prises de sang (en fonction du lieu et des besoins).
Évaluation
Entre janvier 2021 et août 2023, 112 CCE ont été tenues. Dans le cadre de ces cliniques, 1968 personnes ont passé un test de dépistage de l’hépatite C sur place ou leur infection par l’hépatite C a été établie à partir de leur dossier médical.
Parmi les 1968 patient·e·s ayant participé aux CPC :
- 620 (31,5 %) présentaient des anticorps contre le virus de l’hépatite C;
- 474 (76,5 %) des personnes porteuses d’anticorps ont obtenu un résultat positif au test de dépistage de l’ARN;
- 387 (81,6 %) des personnes ayant obtenu un résultat positif au test de dépistage de l’ARN ont été arrimées aux soins.
Parmi ces dernières :
- 326 (84,2 %) ont commencé un traitement;
- 60 (15,5 %) étaient en phase de prétraitement;
- 1 (0,3 %) est décédée d’une surdose.
Parmi les patient·e·s qui ont entrepris un traitement :
- 304 (93,2 %) ont terminé le traitement;
- 18 (5,5 %) étaient en cours de traitement;
- 3 (0,9 %) ont abandonné le traitement;
- 1 (0,3 %) est décédé·e d’une surdose pendant le traitement.
Parmi les patient·e·s qui ont terminé le traitement :
- 286 (94,1 %) ont été guéri·e·s;
- 16 (5,3 %) étaient en attente d’un test de vérification d’une réponse virologique soutenue (RVS);
- 1 (0,3 %) a obtenu une RVS et a été réinfecté·e par la suite;
- 2 (0,6 %) ont présenté une rechute virologique.
En tout, 1388 personnes ont répondu à un questionnaire démographique. L’âge médian des répondant·e·s était de 45 ans (intervalle : 20-93); 34,9 % des patient·e·s étaient des femmes, 32,3 % des Autochtones et 50 % des personnes blanches. De nombreux·ses participant·e·s ont rapporté des conditions de logement précaires (62,6 %) et une incarcération (58,9 %), et 47,1 % avaient récemment été victimes d’une surdose. La majorité des patient·e·s (79,7 %) ont déclaré utiliser des opiacés, 63,9 % des amphétamines, 48,5 % de la cocaïne et 22,8 % des benzodiazépines; de nombreux·ses patient·e·s ont indiqué qu’ils faisaient usage de plusieurs substances.
Difficultés
- Le financement insuffisant et le personnel limité restreignent la capacité à faire passer des tests à tou·te·s les résident·e·s de chaque immeuble dans le cadre d’une seule clinique.
- Les obstacles liés aux exigences provinciales en matière d’assurance médicaments et au délai d’obtention des résultats des analyses de sang font qu’il est difficile d’instaurer rapidement le traitement. Toutefois, le délai avant le traitement a été raccourci grâce aux prises de sang offertes sur place, aux demandes d’autorisation spéciale qui facilitent le remboursement des traitements et aux consultations de télésanté.
- Certain·e·s patient·e·s se déplacent fréquemment d’un endroit à l’autre de la ville, ce qui oblige à nouer des relations avec les patient·e·s et à tenir régulièrement des CCE en différents lieux.
Leçons retenues
- Les organismes doivent joindre les individus là où ils se trouvent!
- Le soutien par les pairs et les travailleur·euse·s de proximité sont essentiels au succès de ces programmes.
- Certaines personnes ne sont tout simplement pas prêtes à entamer un traitement dès la première prise de contact, mais le maintien de la participation, le suivi et l’assurance donnée aux personnes qu’elles peuvent entamer un traitement à tout moment sont autant de moyens de les inciter à le faire lorsqu’elles en ont la motivation et la capacité.
Coordonnées
Brian Conway, M.D., FRCPC
Président et directeur médical
Vancouver Infectious Disease Centre
201-1200 Burrard Street
Vancouver (C.-B.) V6Z 2C7
Canada
Tél. : 604 642-6429
brian.conway@vidc.ca