Des hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (hommes gbHARSAH) ayant une expérience concrète qui ont cherché à passer un test de dépistage des infections transmissibles sexuellement (ITS) et des prestataires de soins de santé ont été invité·e·s à répondre à une série de sondages visant à établir un consensus sur les interventions les plus susceptibles d’améliorer les services de dépistage des ITS offerts aux hommes gbHARSAH de Toronto, en Ontario. L’étude reposait sur une méthode de recherche de consensus en ligne appelée méthode e-Delphi, qui permet aux participant·e·s de classer les interventions et de fournir des réponses en texte libre pour justifier leur classement. Les hommes gbHARSAH qui ont participé à l’étude (les experts issus de la communauté) et les prestataires de soins de santé (les expert·e·s prestataires) ont placé le dépistage express des ITS dans leur palmarès des trois interventions les plus importantes. Les réponses textuelles indiquent que les deux groupes sont favorables à la réduction des temps d’attente, au recours à la technologie par souci de commodité et à la normalisation des modalités de dépistage.
Méthodes du dépistage des ITS envisagées
L’étude a permis d’évaluer l’opinion des participant·e·s concernant la possibilité d’améliorer le dépistage des ITS chez les hommes gbHARSAH de Toronto au moyen des interventions ci-dessous. Les interventions prises en compte dans l’étude ont été choisies à l’issue d’un processus distinct d’analyse documentaire, d’examen par des groupes de discussion composés de membres de la communauté, et de sondages menés auprès de prestataires de soins de santé.
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Rationalisation du dépistage des ITS asymptomatiques |
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Dépistage en ligne |
Une personne demande à passer un test de dépistage des ITS en visitant un site Web, télécharge un formulaire et se présente en personne à un laboratoire pour y passer le test. |
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Dépistage express à partir d’échantillons autoprélevés |
Le test est effectué dans une clinique. La personne remplit un questionnaire qui permet de déterminer si elle présente des symptômes. Si la personne ne présente pas de symptômes, elle prélève elle-même des échantillons et ne se soumet pas à un examen clinique. Si la personne présente des symptômes, elle rencontre un prestataire de soins de santé qui procède à un examen clinique. |
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Dépistage effectué par le personnel infirmier d’une clinique de soins primaires |
Les personnes sont évaluées (c’est-à-dire qu’on leur pose des questions sur leurs antécédents sexuels et les symptômes d’ITS) dans les cliniques de soins primaires par le personnel infirmier ou un·e professionnel·le paramédical·e. Si la personne présente des symptômes, elle est examinée par un médecin. Si elle ne présente aucun symptôme, des tests de dépistage des ITS sont effectués sur la base de ses antécédents sexuels, et elle n’est rappelée que si les résultats des tests sont positifs. |
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Dépistage systématique |
Les tests de dépistage des ITS font partie des recommandations systématiques adressées aux personnes durant les consultations médicales habituelles. |
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Interventions centrées sur les clients |
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Rappels aux clients |
Les personnes qui ont déjà effectué un test de dépistage des ITS reçoivent des messages texte, des courriels ou des lettres les invitant à refaire le test. |
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Prise de rendez-vous en ligne en vue d’un dépistage des ITS |
Les personnes prennent rendez-vous en vue d’un dépistage des ITS via une application ou un site Web qui présente de l’information sur les ITS, leurs modes de transmission et le déroulement du test de dépistage. |
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Interventions centrées sur les prestataires |
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Messages d’incitation destinés aux prestataires |
Les prestataires de soins de santé reçoivent des messages d’incitation par le biais des dossiers médicaux électroniques leur indiquant qu’ils doivent faire passer un test de dépistage à leurs patients. |
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Vérification auprès des prestataires de soins et obtention de leurs commentaires |
Les prestataires de soins de santé reçoivent régulièrement des comptes rendus sur leurs propres pratiques en matière de dépistage des ITS, de manière à pouvoir les situer par rapport aux recommandations des lignes directrices. Le rapport énonce des objectifs et des buts à atteindre pour améliorer et renforcer les bonnes pratiques. |
Méthode e-Delphi
Deux sondages e-Delphi distincts ont été réalisés : l’un auprès d’experts issus de la communauté (hommes gbHARSAH ayant une expérience concrète qui ont demandé à passer un test) et l’autre auprès des expert·e·s prestataires (prestataires de soins de santé et professionnel·le·s de la santé publique ayant une expertise en matière de dépistage des ITS chez les hommes gbHARSAH). Les sondages Delphi visent à établir un consensus et consistent à faire remplir une série de questionnaires de manière anonyme à des expert·e·s. Les sondages subséquents se fondent sur les résultats des sondages précédents et sont présentés jusqu’à ce qu’un consensus sur les méthodes privilégiées soit atteint.
Les experts issus de la communauté et les expert·e·s prestataires ont été invité·e·s à évaluer les interventions sur une échelle de Likert en sept points et, lors des deuxième et troisième cycles du sondage, ils ont été invité·e·s à classer les trois interventions qui leur paraissaient les plus importantes. Seuls les expert·e·s prestataires ont été invité·e·s à classer les interventions centrées sur les prestataires. Les participant·e·s ont également eu la possibilité d’expliquer les raisons de leur classement ou de présenter leurs choix de manière plus détaillée par des réponses en texte libre. Lors des cycles suivants, les participant·e·s ont pris connaissance des résultats du sondage précédent; s’ils n’étaient pas d’accord avec les classements, ils pouvaient en indiquer les raisons. Les personnes qui ont répondu à un cycle de sondage ont été invitées à participer au cycle suivant, et plusieurs rappels ont été envoyés dans le cadre de chaque cycle afin d’encourager les participants à répondre au questionnaire. Les participant·e·s ont été rémunéré·e·s à hauteur de 100 $ pour avoir répondu aux trois cycles de sondage.
Résultats et incidences pour les prestataires de services
Des experts issus de la communauté ont été interrogés d’octobre 2019 à novembre 2019, en trois cycles successifs. Les participants étaient au nombre de 51, et 46 d’entre eux ont répondu au premier cycle du sondage. Dans l’ensemble, 76 % (35/46) des participants avaient moins de 40 ans, 87 % (40/46) s’identifiaient comme homosexuels, 52 % (24/46) s’identifiaient comme faisant partie d’un groupe ethnoracial (p. ex., africain, caraïbéen et noir), 20 % (9/46) vivaient avec le VIH et, sur les 80 % qui étaient séronégatifs pour le VIH, 49 % (18/37) suivaient une prophylaxie pré-exposition (PrEP).
Les expert·e·s prestataires ont été interrogé·e·s du 21 février 2020 au 13 mai 2020, en trois cycles successifs. Les prestataires participant·e·s étaient au nombre de 48, et 45 ont répondu au premier cycle du sondage. Dans l’ensemble, 67 % (30/45) avaient moins de 40 ans, 58 % (26/45) étaient des hommes, 56 % (25/45) exerçaient en soins primaires, 60 % (27/45) avaient obtenu leur diplôme depuis moins de 10 ans et 56 % (25/45) étaient des médecins. Les expert·e·s prestataires avaient de l’expérience dans le domaine des soins de santé sexuelle, 51 % d’entre eux (23/45) ayant déclaré qu’ils voyaient plus de 20 hommes gbHARSAH par semaine.
Le dépistage express a été classé parmi les trois interventions les plus importantes par les experts issus de la communauté et les expert·e·s prestataires
Les deux groupes d’experts se sont montrés favorables aux interventions visant à rendre le dépistage des ITS plus efficace, et les deux ont classé le dépistage express parmi les trois interventions les plus susceptibles d’améliorer le dépistage des ITS chez les hommes gbHARSAH. Il s’agit du seul recoupement dans le palmarès des trois interventions les plus importantes de chaque groupe. Les trois premières interventions ont été déterminées par le nombre de votes lors des deuxième et troisième cycles du sondage.
- Outre le dépistage express, les experts issus de la communauté ont classé le dépistage systématique et la prise de rendez-vous en ligne en vue d’un test de dépistage des ITS parmi leurs trois interventions privilégiées. Selon les auteur·e·s de l’étude, ces résultats indiquent que les hommes gbHARSAH veulent disposer de plusieurs options de dépistage et qu’ils souhaitent que celui-ci soit accessible et pratique, tout en pouvant consulter un prestataire de soins de santé bienveillant en cas de besoin.
- Outre le dépistage express, les expert·e·s prestataires ont classé le dépistage en ligne et le dépistage effectué par le personnel infirmier des cliniques de soins primaires parmi leurs trois interventions privilégiées. Selon les auteur·e·s de l’étude, cela indique que les prestataires cherchent des moyens d’alléger le fardeau actuel associé au dépistage.
Les réponses en texte libre ont révélé que les experts de la communauté préféraient les interventions faisant appel aux prestataires, et que les expert·e·s prestataires préféraient les interventions permettant de favoriser l’autonomie des patients et de réduire le temps de consultation entre les patients et le ou la prestataire. Les réponses indiquaient aussi que les deux groupes sont favorables à la réduction des temps d’attente, au recours à la technologie par souci de commodité et à la normalisation des modalités de dépistage.
Il faut souligner que le sondage auprès des expert·e·s prestataires a été interrompu par la pandémie de COVID-19 en mars 2020 et que les deuxième et troisième cycles ont été retardés. Les auteur·e·s avancent que le fait que ces cycles aient eu lieu pendant l’état d’urgence de la pandémie peut avoir influé sur les réponses des prestataires et les avoir amené·e·s à privilégier les interventions qui impliquent moins de contacts personnels entre les patients et les prestataires (p. ex., le dépistage en ligne).
Les prestataires de services devraient envisager des moyens de rendre le dépistage des ITS plus pratique et plus accessible aux hommes gbHARSAH, tout en maintenant des relations avec les clients exemptes de stigmatisation et de jugement. Les résultats de cette étude donnent à penser qu’une réorganisation du mode de prestation du dépistage des ITS, plutôt que la mise au point d’une nouvelle intervention, répondrait probablement aux besoins de la communauté et des prestataires de services.
Ce travail a été mené par la docteure Ann Burchell et l’équipe du Centre MAP pour les solutions de santé urbaine.
Ressources connexes
La Clinique de PrEP Maple Leaf – Étude de cas
Référence
Yeung A, Lisk R, Rana J et al. Community and health care provider preferences for bacterial sexually transmitted infection testing interventions for gay, bisexual, and other men who have sex with men: e-Delphi study. Journal of Medical Internet Research. 2023;25:e40477.