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Australie
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Une équipe australienne a mis en œuvre un modèle novateur de dépistage de l’hépatite C, consistant à effectuer des tests de dépistage des anticorps anti-VHC et de l’ARN du VHC aux points de service (DPS) dans trois types d’établissements prioritaires : une prison, un service de santé mentale (SSM) en milieu hospitalier et une unité de traitement de la dépendance à l’alcool et à d’autres drogues (DAAD) en milieu hospitalier. Le modèle consistait à confier à un·e infirmier·ère formé·e aux soins de l’hépatite virale et à des pairs formateurs ayant de l’expérience dans le domaine de l’hépatite C la réalisation de tests de dépistage de l’hépatite C dans chaque établissement. En tout, 1549 personnes ont passé un test de DPS des anticorps anti-VHC, et 264 d’entre elles (17 %) ont obtenu un résultat positif. Parmi les personnes qui ont obtenu un résultat positif au test de dépistage des anticorps anti-VHC, 55 (21 %) étaient atteintes d’hépatite C chronique (résultat confirmé par un test de détection de l’ARN viral). Parmi les personnes qui s’avéraient atteintes d’une hépatite C chronique, 50 (91 %) ont été arrimées à des soins et 47 (86 %) ont entamé un traitement.

Description du programme

Pour surmonter les obstacles inhérents au processus de dépistage de l’hépatite C en étapes multiples, une démarche ambulatoire de DPS a été élaborée et mise en œuvre dans trois types d’établissements prioritaires d’Adélaïde, en Australie : une prison d’accueil (soit un établissement à sécurité maximale pour les personnes en attente du prononcé de leur peine), un SSM et une unité de traitement de la DAAD en milieu hospitalier. Les participant·e·s au programme étaient âgé·e·s de 18 ans et plus et ne recevaient pas de soins liés à l’hépatite C à ce moment. Pour accroître la sensibilisation, le dépistage a été annoncé par le biais d’affiches et de brochures dans chaque établissement, et le personnel a été invité à en discuter avec les éventuel·le·s participant·e·s.

Le DPS de l’hépatite C a été réalisé à partir de petits échantillons de sang prélevés par piqûre au doigt. Le test a été effectué par un·e infirmier·ère formé·e aux soins de l’hépatite virale et par des pairs formateurs ayant de l’expérience dans le domaine de l’hépatite C. Tou·te·s les participant·e·s ont passé un test de dépistage des anticorps anti-VHC, et ceux ou celles dont le résultat était positif se sont vu proposer un test de confirmation de détection de l’ARN au moyen du nouveau dispositif d’analyse de la charge virale du VHC par piqûre au doigt « GeneXpert ». L’infirmier·ère et les pairs formateurs ont été formé·e·s non seulement à effectuer les tests de dépistage, mais aussi à communiquer les résultats aux participant·e·s et à fournir des conseils avant et après le test, ainsi que de l’information concernant la réduction des méfaits.

Les participant·e·s ont reçu leurs résultats le jour même où le test a été effectué. Un résultat positif au dépistage des anticorps anti-VHC pouvait être obtenu en 5 minutes, et les résultats négatifs étaient obtenus au bout de 20 minutes; les résultats du test de confirmation de détection de l’ARN étaient connus au bout de 60 minutes. Les participant·e·s ayant obtenu un résultat positif au test de détection de l’ARN étaient arrimé·e·s aux soins. L’infirmier·ère du programme ou les pairs formateurs informaient le personnel des services cliniques de chaque établissement des résultats positifs au test de détection de l’ARN; ces dernier·ère·s transmettaient tous les renseignements concernant les participant·e·s dont les résultats étaient positifs à l’infirmier·ère local·e spécialisé·e dans l’hépatite virale, en vue de la prise en charge et du traitement.

Résultats

Le programme s’est déroulé entre octobre 2020 et décembre 2021. Durant cette période, 1549 personnes se sont inscrites à l’étude et ont passé un DPS des anticorps anti-VHC. L’âge moyen des participant·e·s était de 37 ans, 1290 d’entre eux·elles (83 %) étaient des hommes et 379 (25 %) s’identifiaient comme des « Aborigènes ou des habitants des îles du détroit de Torres ». Dans l’ensemble, 830 (54 %) avaient déjà passé un test de dépistage de l’hépatite C sous une forme ou une autre (un dépistage des anticorps ou un test de détection de l’ARN).

Parmi les participant·e·s de l’étude, 264 (17 %) ont obtenu un résultat positif au test de dépistage des anticorps de l’hépatite C, et 100 % de ces personnes ont passé un test de détection de l’ARN. Parmi les personnes dont le résultat du test de dépistage des anticorps était positif, 55 (20,8 %) ont obtenu un résultat positif au test de confirmation de détection de l’ARN (c.-à-d. que 4 % de tou·te·s les participant·e·s à l’étude ont obtenu un résultat positif au test de détection de l’ARN). Parmi les participant·e·s dont le résultat au test de détection de l’ARN était positif, 29 (53 %) ont déclaré avoir été itinérant·e·s au cours des 90 jours précédents.

Les données relatives au dépistage et au traitement de l’hépatite C dans les trois établissements ont été analysées sur une période de 12 mois précédant la mise en œuvre du programme, de manière à constituer un groupe témoin antérieur. La comparaison des taux de dépistage entre le groupe témoin antérieur et le groupe du DPS a fait ressortir ce qui suit :

  • La fréquence des tests de dépistage des anticorps a augmenté de manière significative (d’environ trois fois) dans les trois établissements durant la période de mise en œuvre du programme de DPS (les taux ont approximativement doublé dans la prison et dans le SSM en milieu hospitalier, et ont augmenté d’environ neuf fois à l’unité de traitement de la DAAD).
  • Le nombre de tests de détection de l’ARN a nettement augmenté (d’environ deux fois) dans les trois établissements, principalement du fait d’une multiplication de près de six du nombre de tests à l’unité de traitement de la DAAD (les augmentations n’étaient pas significatives au SSM et à la prison).

Le taux de résultats positifs aux tests de dépistage des anticorps anti-VHC était comparable dans le groupe témoin antérieur et dans le groupe du DPS (22 % et 17 %, respectivement). Cependant, le taux de résultats positifs aux tests de détection de l’ARN de l’hépatite C était plus élevé dans le groupe témoin antérieur (33 %) que dans le groupe du DPS (21 %).

Parmi les 55 participant·e·s ayant obtenu un résultat positif au test de détection de l’ARN, 50 (91 %) ont été arrimé·e·s aux soins et 47 (86 %) ont entamé un traitement. Parmi les participant·e·s qui n’ont pas été arrimé·e·s aux soins, tou·te·s ont fait état d’antécédents d’itinérance. Les proportions de participant·e·s qui ont été arrimé·e·s aux soins et qui ont commencé un traitement variaient suivant les établissements :

  • 37 des 39 (95 %) participant·e·s de la prison ont été arrimé·e·s aux soins et ont entamé un traitement;
  • 7 des 10 (70 %) participant·e·s pris en charge dans une unité de traitement de la DAAD en milieu hospitalier ont été arrimé·e·s aux soins et 6 (60 %) ont entamé un traitement;
  • les 6 (100 %) participant·e·s pris en charge dans un SSM en milieu hospitalier ont été arrimé·e·s aux soins et 4 (67 %) ont entamé un traitement.

Comparativement au groupe témoin antérieur, le taux de recours au traitement était sensiblement plus élevé dans le groupe du DPS (61 % vs 86 %).

Dans l’ensemble, 1517 (98 %) des participant·e·s ont indiqué qu’ils préféreraient que leur échantillon de sang soit prélevé par piqûre au doigt et que leurs résultats leur soient communiqués le jour même plutôt que d’avoir à passer un test de dépistage de l’hépatite C classique (c.-à-d. au moyen d’un prélèvement veineux et obtention des résultats au bout d’une semaine); 1297 (84 %) des participant·e·s ont indiqué qu’il était important pour eux·elles de recevoir leurs résultats le jour même du test.

Qu’est-ce que cela signifie pour les prestataires de services?

Cette étude a permis de montrer que la mise en œuvre d’un programme de dépistage des anticorps anti-VHC et de détection de l’ARN du VHC dans trois types d’établissements prioritaires était associée à l’augmentation des taux de dépistage et du recours au traitement. Dans la mesure où les modalités multiples du dépistage classique constituent un obstacle important à l’arrimage aux soins liés à l’hépatite C, ces résultats attestent la faisabilité et l’efficacité de la mise en œuvre d’un modèle adaptable de DPS de l’hépatite C dans des milieux prioritaires et indiquent que ce modèle est très bien accepté par les populations présentant un risque élevé d’hépatite C.

Au Canada, un test de dépistage des anticorps anti-VHC aux points de service a été homologué (le test de dépistage rapide des anticorps anti-VHC « OraQuick »); par ailleurs, un test de détection de l’ARN du VHC aux points de service (le test de détection de la charge virale du VHC par piqûre au doigt « GenXpert ») est en cours d’évaluation par Santé Canada en vue d’une possible homologation. Si cette homologation est accordée, la démarche adoptée dans le cadre de cette étude serait reproductible au Canada. Les résultats de l’étude portent à croire que la formation requise pour effectuer le DPS de l’hépatite C n’est pas trop exigeante. En outre, selon les auteur·e·s, le fait de confier la réalisation du DPS à des pairs formateurs a significativement contribué à la mobilisation des participant·e·s de l’étude. À ce titre, ces conclusions plaident en faveur de l’intégration de personnes ayant un savoir expérientiel à de tels programmes, de manière à inciter plus efficacement les populations concernées à accepter le dépistage de l’hépatite C et l’arrimage aux soins. Étant donné que la moitié des participant·e·s ayant obtenu un résultat positif au test de détection de l’ARN ont déclaré avoir été itinérant·e·s et que tou·te·s les participant·e·s qui n’ont pas reçu de soins ont signalé la même chose, la rationalisation du dépistage de l’hépatite C permettrait d’améliorer les taux d’utilisation et de maintien des soins liés à l’hépatite C parmi les populations vulnérables. Il conviendrait d’envisager les moyens d’élargir le recours à des modèles de dépistage de l’hépatite C plus rationalisés et plus accessibles.

Ressources connexes

Incidence du dépistage de l’hépatite C au point de service sur le dépistage et l’arrimage aux soins – article de CATIE, Point de mire sur la prévention

Dépistage de l’hépatite C et arrimage aux soins en une visite par le biais d’une unité mobile – CATIE, Connectons nos programmes : sommaire de données probantes

Dépistage de l’hépatite C au point de service par des travailleurs communautaires pairs – CATIE, Connectons nos programmes : sommaire de données probantes

National Australian Hepatitis C Point-of-Care Testing Program

Référence

McCartney E, Ralton L, Dawe J et al. Point of care testing for hepatitis C in the priority settings of mental health, prisons and drug & alcohol facilities–the PROMPt Study. Clinical Infectious Diseases. 2024; ciae155.