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CATIE
  • Des personnes utilisant des drogues se sont vues refuser un traitement contre l’hépatite C
  • Des chercheurs ont étudié les effets de l’offre simultanée du traitement de l’hépatite C et de la dépendance aux opioïdes
  • 82 % des participants ont guéri de l’hépatite C, et la consommation de drogues ne fut pas un facteur significatif

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Le trouble de consommation d’opioïdes et la contamination actuelle des drogues par le fentanyl et des composés apparentés sont à l’origine du nombre toujours croissant de surdoses signalées en Amérique du Nord. L’injection de drogues comporte également des risques de méfaits liés aux maladies infectieuses comme le VIH et le virus de l’hépatite C (VHC), ainsi que des risques d’infections bactériennes et fongiques graves.

Dans un article à paraître dans la revue Clinical Infectious Diseases, une équipe de chercheurs des National Institutes of Health (NIH) des États-Unis affirme que certains professionnels de la santé, compagnies d’assurances et autorités administratives choisissent de ne pas faciliter ou prodiguer des soins liés au VHC aux personnes souffrant du trouble de consommation d’opioïdes « en raison de préoccupations concernant la capacité de suivre fidèlement la médication quotidienne et les risques de réinfection ». Étant donné l’intérêt considérable qu’ont les personnes qui s’injectent des drogues pour le traitement du VHC, l’offre de ce dernier pourrait être l’occasion non seulement de guérir l’hépatite C, mais aussi d’impliquer les gens dans les soins et de leur offrir une variété de services de réduction des méfaits, dont le traitement de substitution aux opioïdes.

Même si les risques à long terme de l’infection au VHC pour la santé sont élevés, les chercheurs des NIH ont affirmé que « sont peut-être plus pressants les risques associés à la consommation de drogues, y compris la mort par surdose ». Le traitement de substitution aux opioïdes, qui repose sur la prise de médicaments comme la buprénorphine et la méthadone, figure parmi plusieurs approches qui peuvent contribuer à réduire le risque de surdose mortelle. Les chercheurs des NIH ont soulevé le point critique suivant au sujet de la façon dont certains professionnels de la santé perçoivent la consommation de substances : « Au lieu de voir la consommation d’opioïdes comme facteur de base non modifiable, il est important de considérer le traitement du VHC comme une méthode d’impliquer les patients dans [le traitement de substitution aux opioïdes], et de comprendre l’effet qu’un traitement simultané peut avoir sur la consommation de drogues et les résultats par rapport au VHC ».

Étude Anchor

Aux fins d’un essai clinique nommé Anchor, des chercheurs de l’Université du Maryland et des NIH ont collaboré avec un organisme de réduction des méfaits de Washington, D.C. La collaboration consistait en l’offre simultanée de la buprénorphine, de soins et du traitement du VHC à des personnes souffrant du trouble de consommation d’opioïdes, de même qu’un suivi des résultats.

Dans l’ensemble, les chercheurs ont constaté que 82 % des participants ont guéri de l’infection au VHC. Ce taux de guérison n’a pas été influencé de façon importante par la consommation de substances. La participation à un traitement de substitution aux opioïdes a réduit les taux de consommation de substances et de surdoses d’opioïdes de manière significative.

L’étude Anchor confirme les résultats de recherches menées au Canada, en Australie et dans d’autres pays. Les études en question ont révélé que l’offre concomitante du traitement de substitution aux opioïdes, du traitement du VHC et d’autres services donnait lieu à des taux élevés de guérison du VHC et réduisait les méfaits associés à l’injection de drogues.

Détails de l’étude

Des intervenants communautaires ont recruté 100 participants pour Anchor, une étude qui avait lieu dans un centre de jour administré par un organisme de réduction des méfaits. L’organisme fournissait les services suivants :

  • aiguilles/seringues stériles
  • naloxone
  • condoms
  • douches
  • buanderie
  • vêtements
  • dîner
  • aide au logement
  • dépistage du VIH et du VHC
  • gestion de cas de VIH

Les intervenants communautaires communiquaient avec les participants et leur fournissaient le traitement du VHC, lequel reposait sur le médicament Epclusa (sofosbuvir + velpatasvir), un comprimé que les participants prenaient une fois jour pendant 12 semaines.

Tous les participants souffraient du trouble de consommation d’opioïdes et avaient le profil moyen suivant :

  • 76 % d’hommes, 24 % de femmes
  • âge : 58 ans
  • co-infection au VHC et au VIH : 3 %
  • 33 % avaient des lésions hépatiques graves (cirrhose)
  • la plupart (93 %) avaient une souche du VHC appelée génotype 1
  • 51 % vivaient une situation de logement instable
  • au moins 50 % n’avaient pas de source de revenu stable
  • 92 % avaient été incarcérés
  • la plupart avaient commencé à s’injecter des drogues à l’âge de 21 ans
  • 60 % s’injectaient des drogues au moins une fois par jour
  • 18 % étaient inscrits à un programme d’échange de seringues
  • 33 % suivaient un traitement de substitution aux opioïdes

Les participants ont été évalués à intervalles réguliers. Le sofosbuvir-velpatasvir a été prescrit à raison d’une prise par jour pendant 12 semaines, puis les participants ont fait l’objet d’un suivi pendant 12 semaines additionnelles. Le médicament a été dispensé en flacons à 28 comprimés, soit un flacon toutes les quatre semaines.

Les participants qui ne suivaient pas de traitement de substitution aux opioïdes au début de l’étude se faisaient offrir de la buprénorphine et de la naloxone (en cas de surdose).

Les participants ont fourni des échantillons d’urine à intervalles réguliers afin qu’ils soient analysés pour déceler toute exposition à des drogues.

Résultats

Un total de 82 participants (82 %) ont guéri du VHC. Voici ce qui est arrivé aux participants restants :

  • 11 personnes : rechute de l’infection au VHC (la charge virale est indétectable à la fin du traitement, mais redevient détectable 12 semaines plus tard)
  • 3 personnes : ont coupé le contact avec le site de l’étude
  • 3 personnes : décédées
  • 1 personne : incarcérée

Les facteurs associés à l’atteinte de la guérison ont été les suivants :

  • le fait d’être sous traitement de substitution aux opioïdes avant la fin de l’étude (à ce moment, 68 % des participants suivaient un tel traitement)
  • prise d’au moins deux flacons de sofosbuvir-velpatasvir au cours de l’étude

Parmi les participants qui au début de l’étude ne suivaient pas de traitement de substitution aux opioïdes, les taux de guérison du VHC ont augmenté lorsqu’ils ont commencé un traitement de substitution aux opioïdes qu’ils ont poursuivi subséquemment.

Consommation de substances

Les analyses effectuées au début de l’étude ont détecté des opioïdes dans les échantillons d’urine de 90 % des participants. De plus, la présence de cocaïne a été détectée dans 61 % des cas.

Lorsque les participants ont commencé à suivre le traitement du VHC et le traitement de substitution aux opioïdes, les chercheurs ont constaté un déclin significatif du taux de consommation de substances. Ce déclin s’est maintenu jusqu’à la fin de l’étude.

Observance thérapeutique

Au total, 84 % des participants ont pris tous les comprimés des trois flacons de sofosbuvir-velpatasvir.

Seize participants (16 %) ont dévoilé qu’ils avaient interrompu leur traitement du VHC, habituellement pour une période de neuf jours plus ou moins.

Surdose

Treize participants (13 %) ont vécu au moins une surdose au cours de l’étude, et deux d’entre eux sont décédés. Selon les rapports de l’examinateur médical, les substances impliquées dans ces décès ont été les suivantes :

  • fentanyl
  • fentanyl + alprazolam (Xanax) + alcool

Les surdoses étaient réparties de la manière suivante :

  • aucun traitement de substitution aux opioïdes en cours : huit personnes (26 % de celles ne recevant pas de buprénorphine)
  • traitement de substitution aux opioïdes en cours : cinq personnes (7 % de celle recevant de la buprénorphine)

Points clés

L’étude Anchor a révélé que, lorsque le traitement de substitution aux opioïdes et le traitement du VHC étaient offerts au même endroit, de nombreuses personnes étaient disposées à utiliser les deux et pouvaient le faire avec succès. Selon les chercheurs, le taux de guérison du VHC relativement élevé n’était « pas associé de façon significative à la consommation continue de drogues, y compris par injection, ce qui fait écho aux études antérieures menées auprès de personnes qui s’injectent des drogues ».

Aucun soutien à l’observance n’a été offert durant cette étude parce que les chercheurs voulaient répliquer les conditions du monde quotidien du traitement du VHC. Même si quelques interruptions de traitement ont eu lieu, les taux de guérison ont été relativement élevés. Les taux de guérison ont atteint des niveaux élevés semblables parmi les personnes qui étaient sous traitement de substitution aux opioïdes dès le début de l’étude (92 %) et celles qui ont commencé un tel traitement durant l’étude et qui l’ont poursuivi jusqu’à la fin (93 %). Selon les chercheurs, ce résultat « réfute la nécessité d’une période d’abstinence ou de stabilisation sous [traitement de substitution aux opioïdes], et renforce le fait que la participation des patients dans des soins du VHC peut favoriser une relation thérapeutique qui peut être mise à profit pour les inciter à suivre un traitement contre le trouble de consommation d’opioïdes. En revanche, le refus de traiter les patients pour le VHC avant qu’ils commencent un traitement contre la toxicomanie pourrait servir à renforcer la méfiance à l’égard de la communauté médicale et occasionner la non-implication dans le traitement du VHC et le traitement du trouble de consommation d’opioïdes ».

Travail d’équipe réussi

Aucune personne qui a travaillé à cette étude n’avait reçu de formation complète en médecine de la toxicomanie. Les chercheurs ont souligné que tout progrès contre la crise des surdoses dépendrait de l’apport de personnes non spécialisées en matière de dépendance.

Un aspect intéressant de cette étude réside dans la coopération entre les professionnels médicaux (spécialistes des maladies infectieuses, de la médecine interne et des soins infirmiers) et les intervenants communautaires. Selon les chercheurs, « Anchor fournit un modèle directeur sur les moyens de rejoindre cette population marginalisée et d’offrir des soins sous un même toit afin qu’il soit finalement possible d’éliminer le VHC ».

Vu le nombre de variations dans le mélange de substances consommées aux quatre coins de ce continent, les chercheurs ont affirmé qu’il serait « très utile de répliquer ce modèle au sein d’autres populations démographiques », y compris les personnes qui consomment des opioïdes et de la méthamphétamine, et de déployer d’autres sortes de traitements de substitution aux opioïdes (méthadone, injections de buprénorphine, naltrexone).

Les résultats de l’étude Anchor viennent étayer les résultats d’études menées au Canada, en Australie, en Autriche et dans d’autres pays où des cliniques et des organismes offraient une combinaison de services de réduction des méfaits et de traitement du VHC aux personnes qui s’injectaient des drogues. Lors de certaines de ces études, d’autres traitements du VHC se sont également révélés très efficaces pour guérir les participants du VHC, notamment Harvoni (lédipasvir + sofosbuvir), Maviret (glécaprevir + pibrentasvir) et Zepatier (elbasvir + grazoprevir).

Ressources

Le traitement de l’hépatite C dans des programmes de réduction des méfaits pour les personnes qui consomment des droguesPoint de mire sur la prévention

Le traitement par agoniste opioïde peut-il aider à prévenir l’hépatite C et le VIH?Point de mire sur la prévention

On évalue la cascade des soins du trouble de consommation d’opioïdes en Colombie-BritanniqueNouvelles CATIE

Epclusa (velpatasvir + sofosbuvir) –­ Feuillet d’information de CATIE

Harvoni (lédipasvir + sofosbuvir) –­ Feuillet d’information de CATIE

Maviret (glécaprévir + pibrentasvir) –­ Feuillet d’information de CATIE

Zepatier (elbasvir + grazoprévir) –­ Feuillet d’information de CATIE

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Rosenthal ES, Silk R, Mathur P, et al. Concurrent initiation of hepatitis C and opioid use disorder treatment in people who inject drugs. Clinical Infectious Diseases. 2020; en voie d’impression.
  2. Springer SA, Del Rio C. Co-located opioid use disorder and HCV treatment is not only right but it is also the smart thing to do as it improves outcomes! Clinical Infectious Diseases. 2020; en voie d’impression.
  3. Coffin PO, Santos GM, Behar E, et al. Randomized feasibility trial of directly observed versus unobserved hepatitis C treatment with ledipasvir-sofosbuvir among people who inject drugs. PLoS One. 2019;14(6):e0217471.
  4. Grebely J, Dore GJ, Alami NN, et al. Safety and efficacy of glecaprevir/pibrentasvir in patients with chronic hepatitis C genotypes 1-6 receiving opioid substitution therapy. International Journal on Drug Policy. 2019;66:73–79.
  5. Blumenkrans E, Socías ME, Richardson L, et al. Longitudinal factors associated with used syringe lending among HIV-positive antiretroviral therapy-naïve people who inject drugs in a Canadian setting. AIDS and Behavior. 2020; en voie d’impression.
  6. Schütz A, Moser S, Schwanke C, et al. Directly observed therapy of chronic hepatitis C with ledipasvir/sofosbuvir in people who inject drugs at risk of nonadherence to direct-acting antivirals. Journal of Viral Hepatitis. 2018;25(7):870–873.
  7. Janjua NZ, Darvishian M, Wong S, et al. Effectiveness of ledipasvir/sofosbuvir and sofosbuvir/velpatasvir in people who inject drugs and/or those in opioid agonist therapy. Hepatology Communications. 2019;3(4):478–492.
  8. Dore GJ, Altice F, Litwin AH, et al. Elbasvir-grazoprevir to treat hepatitis C virus infection in persons receiving opioid agonist therapy: A randomized trial. Annals of Internal Medicine. 2016;165(9):625–634.