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  • La doxycycline est un antibiotique utilisé pour traiter des infections transmissibles sexuellement (ITS) d’origine bactérienne
  • Certaines personnes prennent cet antibiotique pour prévenir des ITS après une exposition potentielle; il s’agit de la doxy-PPE
  • Selon une étude américaine, on peut prévenir des ITS en fondant l’usage de doxy-PPE sur les antécédents d’ITS des patient·e·s

Des essais cliniques bien conçus ont révélé que la prise de l’antibiotique doxycycline après les relations sexuelles pouvait réduire considérablement le risque de contracter des infections transmissibles sexuellement (ITS) d’origine bactérienne, telles que la chlamydiose, la gonorrhée et la syphilis.

Pour une étude menée en France, on a recruté 232 hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (hommes gbHARSAH). Les participants en question suivaient également une prophylaxie pré-exposition contre le VIH (PrEP). Selon l’équipe de recherche, les participants qui prenaient 200 mg de doxycycline dans les 24 heures suivant une relation sexuelle sans condom étaient moins susceptibles de contracter la chlamydiose (70 %) et la syphilis (73 %). En ce qui concerne la gonorrhée, aucun effet n’a été constaté parce que, de façon générale en France, la bactérie qui cause cette infection a acquis la capacité de résister à la doxycycline et aux antibiotiques apparentés.

Lors d’un essai clinique mené aux États-Unis auprès de personnes séropositives et séronégatives, on a évalué l’efficacité d’une dose de 200 mg de doxycycline prise dans les 72 heures suivant une relation sexuelle sans condom. Les participant·e·s incluaient 174 personnes séropositives et 327 personnes séronégatives. Toutes les personnes séronégatives suivaient une PrEP. Les personnes inscrites à cette étude étaient soit des hommes gbHARSAH, soit des femmes trans. On a constaté que la doxycycline réduisait d’environ les deux tiers le risque de syphilis, de chlamydiose et de gonorrhée, ce qui est très considérable.

Dans ces études menées en France et aux États-Unis, la doxycycline s’est révélée sécuritaire et la motivation des participant·e·s à s’en servir était forte, de sorte que leur taux d’observance était élevé. Dans l’étude américaine, qui était plus récente et de plus grande envergure, les participant·e·s avaient recours à la doxycycline trois ou quatre fois par mois en moyenne.

À en juger par ces études et d’autres, il est probable que davantage de médecins et d’autorités de la santé publique recommanderont l’usage de la doxycycline après les expositions sexuelles aux ITS à l’avenir, notamment pour les hommes gbHARSAH et les femmes trans. Lorsqu’on prend ce médicament après des relations sexuelles pour réduire le risque d’ITS, il s’agit d’une prophylaxie post-exposition (PPE) à la doxycycline ou encore d’une doxy-PPE.

À Boston

Dans une grande clinique de santé sexuelle de Boston, une équipe de recherche a examiné des données sur l’incidence et le traitement des ITS se rapportant à plus de 10 000 personnes. L’équipe a utilisé cette information pour créer des modèles capables de simuler ce qui se produirait éventuellement dans le vrai monde si la doxy-PPE était prescrite à grande échelle. L’équipe a inventé divers scénarios afin de déterminer la meilleure façon d’utiliser la doxy-PPE pour maximiser son impact sur la réduction des risques d’ITS et minimiser l’exposition à la doxycycline.

L’équipe de recherche a conçu 10 scénarios différents. Elle a toutefois constaté que le fait de prescrire la doxy-PPE (pour un usage ultérieur) à des personnes atteintes d’une ITS active ou à des personnes comptant des antécédents d’ITS à répétition pourrait aider à canaliser l’usage de doxycycline et à prévenir « une proportion substantielle » d’ITS. L’équipe a affirmé qu’il valait mieux fonder l’usage de la doxy-PPE sur « les antécédents d’ITS [de la personne], plutôt que sur son statut VIH ou son utilisation de la PrEP ». L’équipe a stipulé ceci : « Nos résultats laissent croire que les lignes directrices qui incorporent un diagnostic d’ITS ou davantage dans les 12 mois précédents offrent potentiellement une stratégie efficace et simple concernant la prescription de la doxy-PPE, surtout pour les populations affichant des taux élevés d’ITS ».

Même si la doxycycline est sécuritaire, si l’utilisation de ce médicament devait s’étendre largement, il se pourrait que certaines bactéries acquièrent une résistance à la doxycycline et s’accumulent (théoriquement) chez des individus et des communautés. Jusqu’à présent, il n’existe pas d’indices probants que les bactéries responsables de la chlamydiose et de la syphilis sont en train d’acquérir une résistance à la doxycycline en Amérique du Nord.

Un bienfait pour la société

Selon cette équipe de recherche, la prescription de la doxy-PPE, laquelle est utilisée après les relations sexuelles, fait baisser si efficacement le risque d’ITS courantes qu’elle pourrait finir par réduire l’usage d’antibiotiques par les personnes sexuellement actives parce que celles-ci présenteraient moins de cas de chlamydiose, de gonorrhée et de syphilis et n’auraient donc pas besoin de traitements. L’équipe souligne toutefois que les bienfaits de la doxy-PPE pourraient être plus limités dans les pays et les régions où les ITS ont déjà acquis une résistance à la doxycycline. Notons, à titre d’exemple, que quelque 60 à 70 % des cas de gonorrhée seraient résistants à la doxycycline dans certaines régions de l’Europe, selon les estimations.

La plupart des données utilisées pour l’étude de modélisation menée à Boston provenaient d’une grande clinique se spécialisant dans la prestation de soins à des minorités sexuelles, dont un grand nombre de personnes de race blanche. Cela reflète la population qui se fait tester et traiter pour des ITS dans cette clinique. Il est donc possible que ce modèle ne reflète pas la réalité d’autres populations. L’équipe de recherche n’a pas inclus de femmes cisgenres dans son analyse parce que, selon elle, « un essai récent de la doxy-PPE [chez cette population] n’a pas révélé de réduction des ITS »; d’autres recherches seront nécessaires pour éclairer le rôle que la doxy-PPE pourrait jouer chez les femmes cis.

À retenir

Il importe de souligner que cette étude menée à Boston n’est qu’un modèle. Ses résultats nourriront néanmoins les réflexions des décideurs et décideuses et des médecins lorsqu’il s’agira d’évaluer et de rédiger des lignes directrices sur les meilleures façons d’utiliser la doxy-PPE pour prévenir de nouveaux cas d’ITS. Le déploiement de la doxy-PPE fera sans doute l’objet d’études dans diverses communautés à l’avenir afin que son impact à long terme soit plus clair.

—Sean R. Hosein

Ressources

Infections transmissibles sexuellement et par le sang : Guides à l'intention des professionnels de la santé Agence de la santé publique du Canada

La prophylaxie post-exposition réduit le risque de certaines infections transmissibles sexuellementTraitementActualités 249

Interventions en matière de dépistage des infections transmissibles sexuellement : préférences des membres de la communauté et des prestataires de servicesCATIE

Guidelines for the Use of Doxycycline Post-Exposure Prophylaxis for Bacterial STI Prevention – U.S. Centers for Disease Control and Prevention (CDC) (en anglais seulement)

RÉFÉRENCES :

  1. Traeger MW, Mayer KH, Krakower DS et al. Potential impact of doxycycline post-exposure prophylaxis prescribing strategies on incidence of bacterial sexually transmitted infections. Clinical Infectious Diseases. 2023; sous presse.
  2. Stewart J, Bukusi E, Sesay FA et al. Doxycycline postexposure prophylaxis for prevention of STIs among cisgender women. In: Program and Abstracts of the 30th Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections; Seattle, Washington, 19 au 22 février 2023. Résumé 121.
  3. Marrazzo J. Doxycycline Postexposure Prophylaxis for STIs in Women - Uncertain Benefit, Urgent Need. New England Journal of Medicine. 2023 Dec 21;389(25):2389-2390.