- Le Canada figure parmi les pays récemment touchés par une éclosion inhabituelle de variole simienne
- Des médecins des États-Unis, du Portugal et d’Italie ont fait état de leurs observations préliminaires
- La plupart des cas observés touchent des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes
L’infection par le virus de la variole simienne peut causer une maladie appelée variole simienne. À la mi-mai 2022, une éclosion de variole simienne a été constatée en Europe occidentale, d’abord au Royaume-Uni, puis peu après dans d’autres pays. On a signalé subséquemment des cas en Amérique du Nord et sur d’autres continents. L’éclosion actuelle présente au moins deux caractéristiques singulières, que voici :
- Jusqu’à présent, elle touche majoritairement des hommes gais et bisexuels et d’autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (gbHARSAH).
- Dans la vaste majorité des cas en question, les personnes touchées n’avaient pas voyagé récemment dans des régions où des éclosions de variole simienne avaient lieu typiquement depuis 50 ans.
Pour en savoir plus sur le virus de la variole simienne, veuillez consulter cet article récent de Nouvelles CATIE.
Dans le présent article, nous résumons des rapports préliminaires provenant de trois pays. Des équipes de recherche se sont dépêchées de publier des données sur l’éclosion courante afin de faciliter le travail des clinicien·ne·s qui soignent actuellement des personnes atteintes de variole simienne, ainsi que celui d’autres scientifiques faisant des recherches sur cette maladie. Il importe cependant de souligner que l’apparition soudaine de la variole simienne dans des pays à revenu élevé et l’empressement des équipes à disséminer des résultats de recherche ont fait en sorte que certains des rapports initiaux contiennent des données incomplètes ou des lacunes. Ce phénomène se produit typiquement durant les premiers mois de toute éclosion d’une maladie auparavant rare qui évolue rapidement.
Dans ce bulletin de Nouvelles CATIE, nous examinons des résultats obtenus aux États-Unis, au Portugal et en Italie.
États-Unis : premiers cas reconnus
Les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) ont présenté des données limitées sur les 17 personnes qui ont reçu les premiers diagnostics de variole simienne dans ce pays depuis le début de l’éclosion actuelle. En voici un résumé :
- 16 personnes sur les 17 étaient des HARSAH
- 14 personnes ont affirmé avoir fait un voyage international dans les 21 jours précédant l’apparition de leurs symptômes
- toutes les personnes étaient des adultes âgé·e·s en moyenne de 40 ans (elles avaient entre 28 et 61 ans)
- chez toutes les personnes, une éruption cutanée est apparue entre le 1er et le 27 mai 2022
- trois personnes avaient un système immunitaire affaibli, mais la cause n’a pas été dévoilée
Avant de présenter une éruption cutanée, 12 personnes avaient éprouvé un ou plusieurs des symptômes suivants :
- fatigue
- fièvre
- mal de tête
Outre l’éruption cutanée, les personnes touchées ont signalé quelques-uns des symptômes suivants, sinon tous :
- frissons : 12 personnes
- fatigue ou sensation d’être malade : 11 personnes
- ganglions lymphatiques enflés : 9 personnes
- fièvre : 7 personnes
Chez huit hommes, l’éruption cutanée est apparue dans la région génitale ou près de l’anus. Selon l’équipe de recherche, « tous les patients sauf un ont présenté une éruption disséminée touchant les bras, le tronc, les jambes et le visage ».
Toutes les personnes touchées ont été isolées. Au moment de la publication du rapport de l’équipe américaine, elles faisaient l’objet d’un suivi et se portaient bien.
Même si la plupart des cas de variole simienne signalés depuis le début de l’éclosion en Europe et en Amérique du Nord se sont produits chez des hommes, dont majoritairement des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, l’équipe de recherche américaine a soulevé un point important à ce propos.
Se référant à des études antérieures sur des éclosions de variole simienne survenues dans des pays où la maladie était endémique, l’équipe américaine a affirmé que, lors de celles-ci, « les contacts rapprochés avec des personnes infectées ou des objets contaminés (p. ex. de la literie partagée) constituaient le principal facteur de risque de propagation du virus de la variole simienne lors des éclosions chez l’humain. Le virus de la variole simienne se transmet par les contacts intimes de peau à peau, souvent de longue durée, mais l’apparition initiale de lésions dans la région anogénitale [zone entourant l’anus et les organes génitaux] observée durant l’éclosion actuelle diffère de l’apparition typique commençant sur le visage, la muqueuse buccale, les mains et les pieds, puis se propageant vers d’autres parties du corps selon une distribution centrifuge [s’éloignant du centre des zones touchées vers l’extérieur] ».
L’équipe de recherche a également fait l’importante déclaration qui suit à propos de la répartition des cas de variole simienne :
« Souvent, [les éclosions de maladies infectieuses] ne sont pas confinées à des régions géographiques ou à des populations particulières; puisque les contacts physiques rapprochés avec une personne infectée peuvent propager la variole simienne, n’importe quelle personne peut acquérir et transmettre la maladie, peu importe son sexe ou son orientation sexuelle ».
D’autres recherches se poursuivent aux États-Unis à mesure que le nombre de cas augmente, et des rapports plus détaillés seront publiés à l’avenir.
Portugal
Une équipe de recherche portugaise a publié des données détaillées sur des cas de variole simienne diagnostiqués chez des humains en mai 2022. En examinant les données, l’équipe s’est rendu compte que des symptômes s’étaient déclarés chez une personne dès la fin avril 2022. Chose intéressante, dans son rapport préliminaire, l’équipe portugaise a souligné que « la plupart des cas ne faisaient pas partie d’une chaîne de transmission reconnue et n’étaient pas liés à des voyages ou à des contacts avec [des personnes ou des animaux présentant des symptômes évidents de la variole simienne], ce qui soulève la possibilité d’une propagation antérieure non décelée de la variole simienne ».
Premiers cas reconnus
Selon l’équipe de recherche portugaise, cinq hommes présentant des lésions cutanées inhabituelles ont cherché des soins dans un hôpital ou une clinique de traitement des ITS de Lisbonne le 3 mai 2022. La plupart des lésions étaient situées près de l’anus et sur le scrotum et le pénis.
Dans un premier temps, l’équipe de médecins a envisagé comme cause une longue liste d’infections transmissibles sexuellement, mais elle a pu écarter celles-ci graduellement l’une après l’autre. Puis, le 16 mai 2022, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) a avisé les médecins de deux cas de variole simienne survenus au Royaume-Uni. Les cas en question concernaient des HARSAH qui présentaient également des lésions génitales. Subséquemment, au Portugal, on a confirmé la présence du virus de la variole simienne chez trois hommes à l’aide d’un test d’amplification en chaîne par polymérase (PCR). À peu près au même moment, d’autres cas commençaient à apparaître avec des symptômes semblables, et d’autres diagnostics de variole simienne ont été posés depuis (et continuent de l’être) au Portugal et dans d’autres pays.
Quelques données se rapportant aux cas additionnels
L’équipe de recherche portugaise a présenté ensuite des données se rapportant à des cas additionnels, comme suit :
- il s’agissait d’hommes dans tous les cas
- moyenne d’âge de 33 ans (ils avaient entre 22 et 51 ans)
- 18 des 19 hommes ont dévoilé être des HARSAH; l’autre homme a affirmé qu’il avait des relations sexuelles avec des femmes seulement
- 14 hommes vivaient avec l’infection au VIH (aucun détail n’a été fourni à l’égard de leur état virologique ou immunologique ou à propos de l’usage éventuel d’un traitement contre le VIH)
Remarque : Comme nous l’avons mentionné plus tôt, les rapports initiaux faisant état d’éclosions de maladies infectieuses émergentes sont souvent minés par des données incomplètes ou par l’absence d’uniformité dans la collecte de celles-ci, comme ce fut le cas dans cette situation.
Selon l’équipe de recherche, la plupart des hommes sur lesquels elle disposait des données (14 sur 16) ont dévoilé avoir eu de multiples partenaires sexuel·le·s dans les 21 jours précédant l’apparition de leurs symptômes.
Les symptômes les plus courants étaient les suivants :
- éruption cutanée
- ganglions lymphatiques enflés à l’aine
- ulcérations génitales
Les hommes ont affirmé que leurs lésions étaient apparues en premier à l’aine. Cela marque une distinction intéressante car, lors des éclosions antérieures de variole simienne, les lésions apparaissaient d’abord sur le visage, habituellement.
Trois hommes ont dû être hospitalisés, et deux d’entre eux ont reçu leur congé subséquemment. On n’a pas fourni de données à propos du troisième homme.
Jusqu’à présent, aucun de ces hommes n’est décédé.
Tests de laboratoire
Les échantillons prélevés chez ces hommes continuent de faire l’objet de tests de laboratoire. Tous les hommes figurant parmi ces cas additionnels ont passé un test PCR qui a révélé la présence de l’ADN du virus de la variole simienne. Une analyse génétique de ce dernier donne à penser que le virus en question est un proche parent de celui associé aux éclosions de variole simienne survenues en Afrique de l’Ouest depuis plusieurs années.
À l’avenir
L’équipe de recherche portugaise a soulevé la possibilité que, jusqu’à récemment, le virus de variole simienne circule de façon très limitée dans diverses parties de l’Europe. D’autres recherches seront nécessaires pour évaluer cette hypothèse.
Italie : premiers cas reconnus
Une équipe de recherche de Rome a rendu compte d’évaluations se rapportant à quatre hommes atteints de variole simienne. Ces hommes n’ont pas eu besoin de médicaments antiviraux et se portent bien à l’heure actuelle.
Voyages
Ces hommes ont fait des voyages durant les deux premières semaines de mai 2022. Trois d’entre eux ont visité les îles Canaries pour un festival, et l’autre s’est rendu à un endroit non dévoilé pour faire du travail sexuel. Durant ces voyages, les hommes ont eu des relations sexuelles sans condom avec plusieurs partenaires.
Patient 1 : Cet homme était âgé dans la trentaine. Pendant son voyage, il a présenté des lésions cutanées et a reçu un traitement consistant aux médicaments suivants, la nature desquels laisse croire que ses médecins soupçonnaient des ITS comme la gonorrhée, la syphilis et l’herpès :
- les antibiotiques ciprofloxacine et benzylepénicilline
- l’antiviral acyclovir
Au moment où l’homme se faisait soigner en Italie, son éruption cutanée s’était propagée, et il avait des lésions profondes dans la région génitale, ainsi que des ganglions lymphatiques enflés. Le patient avait reçu antérieurement un diagnostic de VIH et suivait un traitement qui avait rendu sa charge virale indétectable.
Patient 2 : Âgé dans la trentaine, cet homme était séronégatif et suivait une prophylaxie pré-exposition (PrEP) en prévention du VIH. À la mi-mai, il a cherché des soins en Italie pour une fièvre et une faiblesse généralisée. Trois jours après son hospitalisation, il a présenté des lésions cutanées surélevées près de l’anus. Il avait également des ganglions enflés douloureux à l’aine. De nouvelles lésions sont apparues subséquemment près de l’anus et à d’autres endroits (sur le dos, les jambes et la plante d’un pied). Ce patient fut le seul de ce groupe à se faire prescrire des anti-inflammatoires pour des lésions anales douloureuses et des antihistaminiques pour des démangeaisons cutanées sur le reste du corps.
Patient 3 : Cet homme séropositif dans la trentaine suivait un traitement contre le VIH et avait une charge virale supprimée. Il a consulté en Italie parce que, après une fièvre de deux jours, il a présenté des lésions près de l’anus et à la tête, à la poitrine, aux jambes, aux bras, à la main et au pénis.
Patient 4 : Cet homme était âgé dans la trentaine et suivait une PrEP. Après avoir éprouvé des douleurs musculaires inattendues pendant deux jours, le patient a présenté des lésions génitales. Six jours plus tard, des lésions sont apparues sur sa poitrine, ainsi que des lésions additionnelles dans la région génitale.
Tests de laboratoire
Selon l’équipe de recherche, des frottis ou des prélèvements de liquides ont révélé la présence d’ADN du virus de la variole simienne (par test PCR) dans les régions suivantes :
- lésions sur la peau, les organes génitaux et l’anus
- sang
- liquide séminal
- matières fécales
- nez et gorge
Tous les patients se sont rétablis subséquemment sans avoir pris de médicaments possédant une activité antivirale potentielle contre le virus de la variole simienne.
À retenir
Il n’est pas encore clair de quelle manière précise ces hommes ont contracté la variole simienne. Il est possible qu’ils aient été infectés en ayant des contacts intimes avant ou pendant une relation sexuelle, y compris des contacts de nature sexuelle.
Il est intéressant d’apprendre que le matériel génétique du virus de la variole simienne était présent dans du liquide séminal. Notons, cependant, que les résultats positifs de tests PCR du sperme ne peuvent prouver, à eux seuls, que le virus de la variole simienne s’est transmis de cette manière lors d’une relation sexuelle sans condom.
À l’avenir, il faudra que les échantillons utilisés aux fins des tests PCR soient comparés à des cocultures virales (les scientifiques tentent de cultiver en laboratoire du virus dans des cellules infectées) pour déterminer si le sperme (ou d’autres liquides) contient du virus infectieux.
Selon l’équipe de recherche italienne, « d’autres études sont nécessaires pour évaluer [la] présence, la persistance et la contagiosité du virus de la variole simienne dans différents liquides biologiques ».
—Sean R. Hosein
Ressources
Une éclosion de variole simienne frappe le Canada et d’autres pays – Nouvelles CATIE
Premières mesures prises à Montréal pour faire face à l’éclosion du virus de la variole du singe ayant touché plusieurs pays – Blogue de CATIE
Variole simienne : Mise à jour sur l’éclosion – Agence de la santé publique du Canada
Ce qu’il faut savoir sur la variole simienne à Montréal – Santé Montréal
Monkeypox – Centers for Disease Control and Prevention
Monkeypox – Centre européen de prévention et de contrôle des maladies
RÉFÉRENCES :
- Minhaj FS, Ogale YP, Whitehill F et al. Monkeypox Outbreak – Nine States, May 2022. MMWR. Morbidity and Mortality Weekly Report. 2022; sous presse.
- Perez Duque M, Ribeiro S, Martins JV et al. Ongoing monkeypox virus outbreak, Portugal, 29 April to 23 May 2022. Eurosurveillance. 2022 Jun;27(22).
- Antinori A, Mazzotta V, Vita S et al. Epidemiological, clinical and virological characteristics of four cases of monkeypox support transmission through sexual contact, Italy, May 2022. Eurosurveillance. 2022 Jun;27(22).
- Heskin J, Belfield A, Milne C et al. Transmission of monkeypox virus through sexual contact – a novel route of infection. Journal of Infection. 2022; sous presse.