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  • Une équipe ontarienne a sondé des professionnel·le·s de la santé au sujet du dépistage rapide du VIH dans les urgences 
  • La plupart des participant·e·s envisageaient des bienfaits, mais près de la moitié prévoyait des difficultés, surtout les médecins
  • Les obstacles perçus se rapportaient au temps, au consentement éclairé et à l’établissement d’un milieu approprié

Le dépistage est une pierre angulaire de la prévention et du traitement du VIH. Lorsqu’un test de dépistage se révèle négatif, les personnes concernées peuvent discuter des options pour rester séronégatives avec leur professionnel·le de la santé. Les personnes recevant un résultat positif peuvent être dirigées rapidement vers un service de soins et de traitement (traitement antirétroviral ou TAR). 

Lorsqu’un traitement contre le VIH est utilisé comme il se doit, la quantité de virus dans le sang, c’est-à-dire la charge virale, chute jusqu’à un niveau très faible plusieurs mois après le début du traitement chez la plupart des personnes. On qualifie couramment d’« indétectable » cette très faible quantité de virus. L’observance continue du TAR aide à maintenir cette inhibition virale, ce qui procure les deux bienfaits importants suivants, entre autres : 

  1. L’inhibition du VIH améliore la santé de la personne séropositive : des analyses de sang révèlent une amélioration de la santé générale et une baisse très marquée du risque d’infections liées au sida. Le TAR est tellement efficace que les scientifiques prévoient une espérance de vie quasi normale pour de nombreuses personnes sous traitement.
  2. L’inhibition du VIH prévient la transmission virale : des études bien conçues menées depuis une décennie ont révélé que les personnes sous TAR dont la charge virale est inhibée ne transmettent pas le virus lors des relations sexuelles. 

Une charge virale inhibée procure alors des bienfaits à l’individu et à la société. 

Où en est le Canada?

Selon les données de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), 65 270 personnes vivaient avec le VIH au Canada à la fin de 2022. Cette population se répartissait comme suit : 

  • 89 % des personnes savaient qu’elles avaient le VIH
  • 85 % de celles qui se savaient infectées suivaient un TAR
  • 95 % des personnes sous TAR avaient une charge virale inhibée

On peut déduire de ces données qu’environ une personne séropositive sur 10 au Canada ne connaissait pas son statut VIH à la fin de 2022.

Selon d’autres estimations de l’ASPC, 1 848 nouvelles infections par le VIH ont eu lieu en 2022. Cela représente une augmentation de 15 % par rapport aux estimations se rapportant à 2020. Selon l’ASPC, les données de 2022 équivalent à cinq nouvelles infections par le VIH chaque jour.

Comme nous l’avons mentionné, les données issues de la recherche indiquent que 11 % des personnes vivant avec le VIH au Canada ne savent pas qu’elles ont le virus, selon les estimations. Pour de nombreuses personnes dans cette situation, la réalité est que le virus affaiblira graduellement leur système immunitaire et, finalement, leur santé générale. Comme ces personnes ignorent leur statut VIH, elles risquent de ne pas chercher de soins avant qu’elles tombent bien malades. Rappelons aussi que de nombreuses personnes au Canada n’ont pas de médecin de famille ou de médecin généraliste. Ainsi, il arrive que des personnes n’ayant pas reçu de diagnostic dont le VIH est en train de nuire à leur santé se présentent finalement dans le service des urgences d’un hôpital pour obtenir des soins. Dans un tel contexte, le dépistage du VIH revêt une grande importance pour cette population.

Au service des urgences

Une équipe de recherche a sondé et interrogé des professionnel·le·s de la santé travaillant dans quatre hôpitaux de Toronto et de Thunder Bay au sujet de la mise sur pied d’un service de dépistage rapide du VIH dans leurs urgences. 

Cent quatre-vingt-sept professionnel·le·s de la santé ont répondu au sondage. Selon l’équipe de recherche, « 80 % croyaient qu’il serait utile d’établir un service de dépistage rapide du VIH dans la salle des urgences ». Un grand nombre de participant·e·s ont affirmé qu’il serait utile d’avoir à leur disposition des ressources permettant de diriger les patient·e·s séropositif·ve·s vers des soins. Nombre de participant·e·s ont toutefois souligné que le temps était limité dans la salle des urgences et que certain·e·s professionnel·le·s de la santé manquaient peut-être de connaissances en matière de dépistage du VIH. 

Certain·e·s participant·e·s ont encouragé l’intégration de pairs aidants dans le personnel des urgences afin de faciliter l’arrimage aux soins et au traitement des patient·e·s recevant un diagnostic.

Détails de l’étude

L’équipe de recherche a mené l’étude dans quatre hôpitaux majeurs de l’Ontario, à savoir : 

  • Thunder Bay Regional Health Sciences Centre
  • St. Michael’s Hospital
  • Toronto General Hospital
  • Toronto Western Hospital

Les participant·e·s incluaient divers membres du personnel du service des urgences, dont médecins, infirmier·ère·s, travailleur·euse·s sociaux·ales, professionnel·le·s de la santé mentale et technicien·ne·s de laboratoire. 

L’équipe de recherche a envoyé un sondage Web anonyme qui offrait l’option de fournir des coordonnées permettant de fixer une entrevue. Un sondage a été envoyé à 560 personnes, et 187 (33 %) d’entre elles l’ont rempli. Vingt-sept entrevues ont eu lieu, dont un nombre égal dans chaque hôpital et pour chaque profession différente. 

L’équipe a recueilli des données pour son étude entre février 2020 et août 2021.

Résultats

Même si la plupart des participant·e·s (70 %) connaissaient les méthodes de dépistage du VIH, seulement 20 % d’entre eux et elles avaient mené personnellement un test.

Obstacles au dépistage

  • La plupart a affirmé que le dépistage du VIH serait utile dans l’urgence, mais près de la moitié croyait que la mise sur pied d’un service de dépistage présenterait des défis. Le problème le plus souvent mentionné fut le manque de temps.
  • Certains membres du personnel de l’urgence se sentaient mal à l’aise d’annoncer des résultats positifs aux patient·e·s dans la salle des urgences. 
  • Plus que les infirmier·ère·s, les médecins avaient tendance à envisager que la mise sur pied d’un service de dépistage du VIH se heurterait à des obstacles aux urgences.
  • Certain·e·s participant·e·s avaient l’impression de manquer de connaissances suffisantes au sujet des processus et procédures de dépistage du VIH, y compris ce que l’équipe de recherche a appelé « un besoin perçu de consentement ». 
  • L’équipe de recherche a fait valoir que le service des urgences était généralement un milieu mouvementé, et certain·e·s participant·e·s croyaient qu’un tel environnement « n’était pas propice à la communication d’informations sensibles comme un résultat de test de VIH ». En revanche, selon l’équipe, « de nombreux membres du personnel ont mentionné la possibilité que certain·e·s patient·e·s préfèrent recevoir leur résultat dans un service des urgences où le personnel et le milieu leur étaient familiers ».
  • Quelques participant·e·s n’étaient pas certain·e·s que la salle des urgences soit l’endroit indiqué pour le dépistage du VIH; ces personnes croyaient que cette partie de l’hôpital devrait être réservé aux « urgences ». D’autres participant·e·s ont toutefois souligné que certain·e·s patient·e·s n’avaient pas accès à des soins en dehors de l’urgence. Ces participant·e·s croyaient que l’offre du dépistage du VIH dans l’urgence serait appropriée dans un tel cas.

La plupart des participant·e·s reconnaissaient l’importance de faire le dépistage du VIH dans la salle d’urgence, particulièrement pour les populations qui ne pourraient y avoir accès dans d’autres endroits. L’équipe de recherche a toutefois souligné que « l’ensemble des participant·e·s croyaient que, dans le système actuel, il serait difficile d’offrir le dépistage, de communiquer les résultats et d’organiser le suivi étant données les contraintes temporelles ».

Avantages du dépistage

Les participant·e·s étaient d’avis que l’offre du dépistage du VIH dans la salle des urgences aiderait à améliorer la santé non seulement des patient·e·s individuellement, mais aussi celle des gens dans la communauté. L’offre du dépistage rapide du VIH comme pratique courante dans les urgences pourrait également aider à atténuer la stigmatisation qui est associée historiquement au dépistage du VIH.

Surmonter les obstacles

Les participant·e·s ont souligné la nécessité de former les personnels au sujet du dépistage du VIH, ainsi que le besoin d’outils pour renseigner les patient·e·s, tels qu’affiches et brochures se rapportant au dépistage du VIH.

Comme le personnel médical des urgences dispose d’un temps limité, certain·e·s participant·e·s croyaient qu’il serait utile de faire appel à des intervenant·e·s communautaires s’y connaissant en dépistage du VIH ou à des pairs aidants dont le personnel des urgences pourrait obtenir de l’aide lorsqu’un test de dépistage du VIH serait indiqué. 

L’équipe de recherche a également affirmé que « les participant·e·s croyaient que des ressources systémiques et organisationnelles additionnelles, y compris plus de personnel et l’établissement de plus de processus d’arrimage aux soins, seraient nécessaires pour éviter des problèmes sur le plan du flux de travail [dans la salle des urgences] ». L’équipe a également souligné que « les participant·e·s croyaient que des lignes directrices institutionnelles claires seraient essentielles à la mise sur pied ».

À retenir

Cette étude compte de nombreuses forces. Une faiblesse réside toutefois dans le fait que seulement 33 % des personnes qui ont reçu le sondage l’ont rempli. Il est possible que ce faible taux de participation n’ait pas capté une opinion véritablement représentative des professionnel·le·s de la santé œuvrant dans les services des urgences. 

L’équipe de recherche a recommandé que « les hôpitaux établissent des lignes directrices sur le dépistage [du VIH], ainsi que des processus régissant les soins de suivi ». Elle a aussi encouragé la mise en œuvre d’initiatives éducatives se rapportant au dépistage du VIH pour les personnels et les patient·e·s. 

—Sean R. Hosein

Ressource

Comprendre les progrès du Canada vers l’atteinte des cibles mondiales en matière de VIHAgence de la santé publique du Canada (ASPC)  

RÉFÉRENCES :

  1. Kent JT, Ritchie LMP, Klaiman M et al. Barriers and facilitators to the implementation of rapid HIV testing in Canadian emergency departments: a mixed methods study. Canadian Journal of Emergency Medicine. 2024 Jul;26(7):463-471.  
  2. Kiran T, Daneshvarfard M, Wang R et al. Public experiences and perspectives of primary care in Canada: results from a cross-sectional survey. CMAJ. 2024 May 20;196(19): E646-E656. 
  3. de Wit K, Tran A, Clayton N et al. A longitudinal survey on Canadian emergency physician burnout. Annals of Emergency Medicine. 2024 Jun;83(6):576-584.