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  • La prise de doxycycline après une relation sexuelle réduit le risque de contracter certaines ITS
  • Une équipe a interrogé la cohorte d’une étude sur la doxycycline à titre de prophylaxie post-exposition
  • Le médicament a procuré une tranquillité d’esprit et un sentiment de contrôle sur sa santé sexuelle

Lors d’un essai clinique bien conçu mené aux États-Unis, on a constaté que la prise de doxycycline dans les 72 heures suivant une exposition sexuelle réduisait le risque de contracter la chlamydiose, la gonorrhée et la syphilis. Le médicament s’est révélé efficace chez des personnes séronégatives et des personnes séropositives. La cohorte de l’étude incluait des hommes gais, bisexuels et d’autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (hommes gbHARSAH) et des femmes trans. S’inspirant des résultats de cet essai, les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) mettent actuellement la dernière main à des lignes directrices à l’intention des professionnel·le·s de la santé afin de faciliter le déploiement de la doxycycline auprès de ces populations. Lorsque ce médicament est utilisé après une exposition sexuelle, il s’agit d’une prophylaxie post-exposition à la doxycycline, dont l’abréviation est doxy-PPE.

L’équipe de recherche a interrogé 44 personnes (43 hommes cisgenres et une femme trans) qui ont participé à une étude de plus grande envergure sur la doxy-PPE. Leur âge moyen était de 38 ans.  

Résultats

Selon l’équipe de recherche, les personnes figurant dans la sous-étude considéraient la doxy-PPE comme efficace contre les trois infections transmissibles sexuellement (ITS) d’origine bactérienne mentionnées ci-dessus. Les participant·e·s « faisaient confiance » aux effets préventifs de l’antibiotique.

De dire un participant : « Je suis assez habitué à contracter quelque chose dans mon urètre au moins une fois par année… le fait que cela n’est pas arrivé [pendant que je prenais la doxy-PPE] me donne l’impression que quelque chose me protégeait ».

Selon les participant·e·s, prévenir les ITS par l’usage de doxy-PPE était « de loin préférable à devoir faire traiter une ITS déjà contractée, expérience que tout le monde avait vécue dans le passé », a souligné l’équipe de recherche.

Sous le thème de l’acceptabilité de la doxy-PPE, l’équipe de recherche a inclus le concept de facilité d’utilisation. Selon l’équipe, « la plupart des participant·e·s étaient déjà habitué·e·s à prendre des médicaments tous les jours [que ce soit une PrEP quotidienne ou un traitement contre le VIH] ». L’équipe a également souligné que « de nombreuses personnes interrogées pour cette étude se disaient dotées d’un grand sens de l’organisation qui s’étendait jusqu’à leur vie sexuelle, ce qui facilitait l’observance de la doxy-PPE. Des descriptions de « diligence », comme le fait d’« avoir toujours des comprimés dans mon sac de gym » étaient particulièrement courantes. Ainsi, pour les personnes très organisées, prendre la doxy-PPE s’est révélé relativement facile.

Selon l’équipe de recherche, les personnes « moins organisées quant à la planification préalable… avaient plus de difficulté ».

Confusion

La plupart des participant·e·s trouvaient qu’il était facile d’utiliser la doxy-PPE comme il se devait. Certaines personnes ont toutefois exprimé de la confusion en ce qui concerne le moment où il fallait prendre leur dose, surtout lorsqu’elles avaient des relations sexuelles avec plusieurs partenaires dans un court laps de temps.

Malgré une consigne stipulant la nécessité de prendre la doxy-PPE après toute relation sexuelle sans condom, y compris les relations orales, l’équipe de recherche a constaté que certaines personnes « avaient l’impression qu’il n’était pas nécessaire de prendre la doxy-PPE pour le sexe oral ». Cette confusion tenait en partie au fait que certain·e·s participant·e·s considéraient le sexe oral comme plus sécuritaire que les relations anales ou vaginales.

Effets secondaires

Selon l’équipe de recherche, plus de 50 % des participant·e·s n’ont signalé aucun effet secondaire associé à l’usage de la doxycycline. D’autres personnes ont pourtant fait état d’effets secondaires, principalement des malaises gastriques ou des diarrhées. Les personnes en question décrivaient généralement ces effets secondaires comme temporaires. Dans certains cas, il était possible d’atténuer les effets secondaires en prenant la doxy-PPE avec de la nourriture.

Acceptabilité aux yeux des partenaires sexuel·le·s

Selon l’équipe de recherche, « la majorité des participant·e·s se sentaient soutenu·e·s par leurs partenaires sexuel·le·s lorsqu’ils ou elles discutaient de l’usage de la doxy-PPE ». De l’avis des participant·e·s, ce soutien était attribuable au fait que la communauté avait l’habitude d’entendre parler de la prévention biomédicale des infections, notamment en ce qui concerne l’utilisation plus répandue de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) depuis une décennie. Un autre facteur soulevé par les participant·e·s se rapportait aux connaissances provenant d’études où l’on a prouvé que les personnes ayant une charge virale inhibée sous l’effet du traitement ne transmettaient pas le virus à leurs partenaires sexuel·le·s (phénomène exprimé couramment par la phrase indétectable = intransmissible ou l’abréviation I=I). L’éducation en matière de PrEP et d’I=I a fait son chemin dans la communauté et pavé la voie à l’acceptation de la doxy-PPE.

Santé mentale et qualité de vie

Selon l’équipe de recherche, « presque tou·te·s les participant·e·s ont affirmé que la doxy-PPE avait un impact positif sur leur santé mentale et leur qualité de vie ». L’équipe a souligné des commentaires comme « tranquillité d’esprit/soulagement de l’inquiétude concernant le risque de contracter et/ou de transmettre des ITS bactériennes, sentiment d’avoir acquis du contrôle sur la transmission d’[ITS], sentiment de protéger sa propre santé, ainsi que celle de ses partenaires et de la communauté ».

Un participant a affirmé ceci : « … j’ai l’impression que [la doxy-PPE] me donne un sentiment particulier de sécurité. Elle me permet de m’inquiéter moins, vous savez? Je suis un gars très actif sexuellement ».

Une autre personne a déclaré ce qui suit : « Je peux sortir et avoir des relations avec beaucoup moins d’appréhension à l’idée de transmettre quelque chose à mes partenaires. La doxy m’a aidé à me sentir plus à l’aise d’être un bottom ».

Un participant a décrit ainsi ce qu’il ressentait à propos de la doxy-PPE : « J’ai un peu plus l’impression que je fais tout ce que je peux pour me protéger sans être obligé de sacrifier le plaisir que je veux avoir, et cela me fait du bien ».

La doxy-PPE a procuré un sentiment de contrôle sur sa santé sexuelle à un grand nombre de participant·e·s. Voici les propos d’une personne à ce sujet : « Cela m’a permis d’exercer un peu plus de contrôle… Je ne suis pas obligé de poser des questions [sur les ITS et les tests de dépistage à mes partenaires]. Je prends toutes les précautions que je peux pour moi-même… ».

Et d’ajouter une autre : « En participant à cette étude, j’ai l’impression d’aider un peu le reste de la communauté et de la population générale à agir contre les [ITS]… ».

À retenir

La sous-étude au sujet des effets psychologiques et autres de la doxy-PPE a révélé de nombreuses choses, dont la plus importante était l’impact positif global que son usage avait sur divers aspects de la santé sexuelle de nombreuses personnes.

L’équipe de recherche a encouragé les professionnel·le·s de la santé « non seulement à définir clairement les circonstances sexuelles dans lesquelles la doxy-PPE devrait être utilisée, mais aussi à rappeler celles-ci aux patient·e·s lors des consultations subséquentes dans le cadre d’une conversation continue ». L’équipe se préoccupe également de la possibilité que les personnes utilisant la doxy-PPE fassent l’objet de stigmatisation à l’avenir. Les professionnel·le·s de la santé doivent être au courant de cette possibilité et agir contre elle lorsque cela est nécessaire.

Il importe de noter que l’équipe de recherche a qualifié de « très organisée » la cohorte générale du grand essai clinique de la doxy-PPE dont il est question ici. Selon l’équipe, les participant·e·s en question se faisaient tester fréquemment pour les ITS, discutaient de leurs résultats récents avec leurs partenaires sexuel·le·s et prenaient note des noms et coordonnées de ces personnes. D’après l’équipe, « pour ces hommes qui avaient une stratégie préexistante se rapportant à la santé sexuelle et au VIH, il était facile d’intégrer la doxy-PPE dans leur routine quotidienne ». L’équipe a toutefois souligné que « les personnes dont l’approche était moins bien organisée, c’est-à-dire celles qui ne se faisaient tester que lorsque des symptômes se manifestaient, avaient plus de difficulté à utiliser la doxy-PPE et louaient moins ses bienfaits ». Selon l’équipe de recherche, il sera important de prendre ces résultats en considération au fur et à mesure que la doxy-PPE sera prescrite par plus de professionnel·le·s de la santé.

Les responsables de cette sous-étude ont recruté des hommes gbHARSAH et une femme trans dans des zones urbaines situées sur la côte ouest des États-Unis (région où l’étude d’envergure sur la doxy-PPE avait lieu). Il faut que d’autres études sur l’acceptabilité et l’impact de la doxy-PPE soient menées dans d’autres régions et auprès d’autres populations. Rappelons que les personnes inscrites à cette étude suivaient également une PrEP en prévention du VIH ou encore un traitement contre ce dernier. Cela leur a permis d’intégrer plus facilement la doxy-PPE dans leur vie. L’équipe de recherche a encouragé d’autres scientifiques à explorer l’utilisation de la doxy-PPE par des personnes qui commencent à prendre des médicaments tous les jours pour la première fois.

—Sean R. Hosein

Ressources

La doxycycline pour la prévention des ITS bactériennesCATIE

Des études sur la doxycycline pour la prévention d’infections transmissibles sexuellementNouvelles CATIE

Infections transmissibles sexuellement et par le sang : Guides à l’intention des professionnels de la santé – Agence de la santé publique du Canada

Guidelines for the Use of Doxycycline Post-Exposure Prophylaxis for Bacterial STI Prevention – U.S. Centers for Disease Control and Prevention (CDC)

La prophylaxie post-exposition à la doxycycline aide à réduire le risque de certaines infections transmissibles sexuellement  – TraitementActualités 249

Interventions en matière de dépistage des infections transmissibles sexuellement : préférences des membres de la communauté et des prestataires de services – CATIE

RÉFÉRENCE :

Fredericksen RJ, Perkins R, Brown CE et al. Doxycycline as postsexual exposure prophylaxis: Use, acceptability, and associated sexual health behaviors among a multi-site sample of clinical trial participants. AIDS Patient Care STDs. 2024 Apr;38(4):155-167.