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CATIE
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  • Une équipe ontarienne a offert le dépistage et le traitement de l’hépatite C dans des cliniques de traitement par agoniste opioïde
  • 97 % des personnes qui ont terminé le traitement et passé des tests de suivi ont guéri 
  • Avec ce modèle réalisable et efficace, l’équipe a proposé des stratégies pour améliorer la rétention

Introduction

Pour atteindre l’objectif déclaré de l’Organisation mondiale de la Santé, soit l’élimination de l’hépatite C d’ici 2030, il sera essentiel d’étendre la portée des services de dépistage et d’arrimage aux soins afin d’atteindre les personnes ayant besoin de traitement. Les programmes de dépistage visant les populations touchées de manière disproportionnée par l’hépatite C sont une approche permettant de cerner et de traiter les personnes atteintes de cette infection. Au Canada, la population la plus touchée par l’hépatite C est celle des personnes qui s’injectent des drogues. Cela est attribuable au risque élevé de transmission associé au partage du matériel d’injection, ainsi qu’à plusieurs facteurs sociaux et structurels qui touchent cette population de façon disproportionnée, dont la stigmatisation, la criminalisation de l’usage de drogues, l’insécurité en matière de logement et la pauvreté. Une équipe de recherche ontarienne a mené une étude pour déterminer si l’intégration d’un service de dépistage et de traitement de l’hépatite C dans les cliniques de traitement par agoniste opioïde (TAO) pourrait améliorer les résultats obtenus auprès de cette population en matière de dépistage et de traitement. 

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Les cliniques de TAO offrent un contexte optimal pour l’intégration de soins liés à l’hépatite C pour plusieurs raisons. La recherche indique que la prévalence d’anticorps contre l’hépatite C est élevée chez les personnes sous TAO parce que celles-ci utilisent des drogues ou en ont utilisé dans le passé. Au Canada, des consultations en clinique quotidiennes, hebdomadaires ou mensuelles sont nécessaires pour avoir accès au TAO, ce qui offre de nombreuses occasions d’inclure des personnes qui utilisent ou qui ont utilisé des drogues dans un programme de dépistage et de traitement de l’hépatite C. De plus, comme les consultations fréquentes permettent aux prestataires de services d’échanger plus régulièrement avec les client·e·s, l’intégration de services centrés sur l’hépatite C dans les cliniques de TAO pourrait prévenir les abandons et améliorer la rétention tout au long de la cascade des soins. Ainsi, les cliniques de TAO sont très bien placées pour atteindre les personnes qui utilisent des drogues.

Détails de l’étude

Le Viral Hepatitis Care Network (VIRCAN) est une équipe de recherche qui travaille en partenariat avec des centres de santé communautaire en Ontario pour renforcer les capacités de dépistage et de traitement de l’hépatite C dans les contextes communautaires en misant sur la diffusion d’information et le partage de ressources. Aux fins de cette étude, le VIRCAN a collaboré avec 24 cliniques de TAO situées dans de grandes et de petites villes ontariennes pour intégrer le dépistage et le traitement de l’hépatite C dans des programmes de TAO déjà sur pied. À l’exception d’une clinique qui offrait seulement de la buprénorphine, toutes les cliniques avaient recours à la buprénorphine et à la méthadone. 

Chaque clinique a mis en œuvre ses propres stratégies en respectant la structure de ses programmes. Pour le dépistage d’anticorps anti-VHC, les prestataires de services utilisaient un test de dépistage au point de service (DPS) ou encore une analyse de gouttes de sang séché (GSS). Pour confirmer la présence de l’ARN du VHC, les cliniques avaient recours à des analyses de GSS ou à la sérologie. Si une hépatite C chronique (ARN positif) était détectée, la personne en question se faisait offrir un traitement par antiviraux à action directe (AAD) par un·e infirmier·ère praticien·ne ou un·e médecin travaillant à la clinique. Le traitement prescrit était déterminé par le ou la professionnel·le de la santé en question. Les cliniques documentaient la progression des participant·e·s dans la cascade des soins de l’hépatite C. 

La collecte de données pour cette étude a eu lieu entre janvier 2016 et décembre 2020. Le VIRCAN a recueilli des données non identifiantes se rapportant à l’âge et au genre autodéclaré des participant·e·s, ainsi que des données ayant trait à la cascade des soins. Ces dernières incluaient le résultat du test de dépistage d’anticorps et du test de recherche de l’ARN, s’il y avait lieu. Advenant un test d’ARN positif, on documentait des données additionnelles se rapportant à plusieurs choses, dont la fixation de rendez-vous et l’assiduité des patient·e·s aux consultations, les dates de début et de fin du traitement et l’obtention éventuelle d’une réponse virologique soutenue à la semaine 12 (RVS12 ou guérison), celle-ci étant confirmée par un test effectué 12 semaines après la fin du traitement. 

Résultats

En tout, 1 954 personnes ont figuré dans l’échantillon de cette étude. Ce dernier incluait 1 223 (63 %) personnes s’identifiant comme des hommes dont l’âge moyen était de 40 ans. Se trouvaient dans l’échantillon : 

  • 45 % ou 870 personnes porteuses d’anticorps anti-VHC
  • chez les personnes porteuses d’anticorps, 94 % (817) ont passé un test d’ARN de confirmation, et 64 % (477) ont reçu un résultat positif 
  • chez les personnes porteuses d’ARN du VHC, 80 % (325) ont pris rendez-vous pour recevoir des soins de suivi 
  • chez les personnes ayant pris rendez-vous, 99 % (322) se sont présentées à leur première consultation
  • chez les personnes s’étant présentées à leur première consultation, 96 % (295) ont commencé un traitement
  • chez les personnes ayant commencé un traitement, 87 % (230) l’ont suivi jusqu’au bout
  • chez les personnes ayant suivi le traitement jusqu’au bout, 68 % (125) ont soumis un échantillon aux fins d’un test de confirmation à la semaine 12 post-traitement, et 97 % (121) ont obtenu une RVS12 

De toutes les personnes dont le test de dépistage a révélé la présence d’anticorps anti-VHC, 59 % (509) avaient reçu antérieurement un résultat positif à ce test mais n’avaient pas commencé de traitement, et 41 % (361) ont reçu un nouveau diagnostic. Après comparaison des deux groupes, l’équipe de recherche a constaté ce qui suit : 

  • Les personnes qui avaient reçu antérieurement un résultat positif au test de dépistage d’anticorps étaient considérablement plus susceptibles de passer un test d’ARN de confirmation que les personnes nouvellement diagnostiquées comme porteuses d’anticorps (97 % contre 90 %). 
  • Les personnes qui avaient reçu antérieurement un résultat positif au test de dépistage d’anticorps étaient plus susceptibles de fixer des rendez-vous de suivi (84 % contre 72 %), d’amorcer un traitement (98 % contre 91 %) et de passer un test pour confirmer l’obtention d’une RVS (75 % contre 52 %) que les personnes nouvellement diagnostiquées comme porteuses d’anticorps, mais ces différences n’étaient pas significatives. 

Chose intéressante, les personnes porteuses d’anticorps, qu’il s’agisse d’un nouveau diagnostic ou de la confirmation d’un diagnostic antérieur, étaient plus susceptibles de suivre leur traitement jusqu’au bout si elles avaient plus de 40 ans. Les auteur·e·s laissent entendre que les personnes plus âgées étaient plus enclines à suivre le traitement jusqu’au bout parce que leur usage de drogues était plus stable et elles étaient mieux sensibilisées au risque d’insuffisance hépatique associé à l’hépatite C chronique. 

Seulement 27 personnes se sont fait prélever des échantillons de sang par trousse d’analyse de GSS aux fins du test de dépistage d’anticorps et du test d’ARN. Les autres participant·e·s ont passé des tests de dépistage d’anticorps au point de service, suivis d’un test sérologique servant à la détection de l’ARN. Alors que 100 % des personnes testées par analyse de GSS ont passé un test d’ARN, seulement 94 % de celles testées par sérologie en ont passé, mais cette différence n’est pas significative. 

Intégration des soins de l’hépatite C dans les programmes de TAO

Les résultats de cette étude laissent croire que les programmes de TAO sont idéalement positionnés pour atteindre les personnes qui s’injectent des drogues ou qui s’en sont injecté dans le passé afin qu’elles soient testées et traitées pour l’hépatite C. Sur les 870 personnes dont le test de dépistage a révélé la présence d’anticorps anti-VHC, 41 % ont reçu un tel résultat pour la première fois, alors que 59 % se savaient déjà porteuses d’anticorps. L’intégration du dépistage systématique dans les programmes de TAO s’est donc révélée un moyen efficace d’introduire ou de réintroduire des personnes dans la cascade des soins de l’hépatite C. 

De toutes les personnes qui ont passé un test pour confirmer l’obtention d’une RVS12, 97 % ont guéri. Un taux de guérison si élevé fait écho aux résultats d’autres interventions auprès de personnes sous TAO qui soulignent non seulement le fait qu’il est possible d’atteindre des personnes qui s’injectent des drogues par le biais de cliniques de TAO, mais aussi le fait que l’intégration du traitement de l’hépatite C dans ces programmes permet d’atteindre des taux de guérison élevés. Plus important encore, les résultats de cette étude révèlent que l’intégration du dépistage de l’hépatite C dans les programmes de TAO est réalisable et offre de nouvelles possibilités cruciales pour mettre sous traitement des personnes qui s’injectent des drogues.

Considérations futures

Même si l’intégration du dépistage et du traitement de l’hépatite C dans les programmes de TAO s’est avérée réalisable et efficace, la rétention des individus à différentes étapes de la cascade des soins peut encore être améliorée. Selon les auteur·e·s, l’étape de la cascade où il y avait le plus d’abandons fut celle des tests permettant de confirmer l’obtention d’une RVS12. Venait ensuite l’étape où les individus devaient prendre rendez-vous pour connaître le résultat de leur test d’ARN. Étant donné que les personnes sous TAO communiquent généralement avec leur médecin ou infirmier·ère praticien·ne de façon régulière, les auteur·e·s proposent qu’un rendez-vous de suivi soit fixé au moment de faire le test d’ARN, car la plupart des personnes qui prenaient rendez-vous s’y présentaient. On pourrait simplement annuler le rendez-vous si le test d’ARN s’avérait négatif. 

Parmi les autres suggestions visant à améliorer la rétention, mentionnons les suivantes : inclusion d’avis automatiques dans les dossiers médicaux des patient·e·s pour rappeler aux professionnel·le·s de fixer des rendez-vous; intégration accrue de travailleur·euse·s social·e·s et de gestionnaires de cas pour faciliter la rétention des patient·e·s; offre d’incitatifs pour favoriser l’achèvement de chaque étape de la cascade des soins; recours éventuel au test de confirmation de la RVS dès la semaine 4 (RVS4) pour les patient·e·s sans cirrhose ou avec cirrhose compensée qui risqueraient autrement d’échapper au suivi. L’intégration du dépistage et du traitement de l’hépatite C dans des services cliniques et de réduction des méfaits ciblant les personnes qui s’injectent des drogues pourrait également mériter une exploration, tels que services de distribution de matériel plus sécuritaire, consultations auprès de prestataires de soins primaires, services de TAO injectable (TAOi) et programmes de télémédecine centrée sur le TAO. 

Limites

Il est essentiel d’interpréter les résultats de cette étude en tenant compte de ses limites. Le VIRCAN a travaillé en partenariat avec 24 cliniques de TAO ontariennes, mais l’équipe de recherche n’a pas été en mesure de faire le suivi des soins donnés en dehors de ces partenariats. Par conséquent, si une personne choisissait de poursuivre ses soins dans une clinique non affiliée au VIRCAN ou était incarcérée après le dépistage ou l’amorce du traitement, elle était considérée comme perdue au suivi. Ainsi, même si certaines personnes continuaient de recevoir des soins et de guérir de l’hépatite C, le processus de collecte de données de l’étude ne permettrait pas à l’équipe de recueillir les informations pertinentes. 

Notons aussi que l’équipe de recherche ne disposait pas de données se rapportant à des facteurs susceptibles d’avoir influé sur le recours au dépistage et la rétention des participant·e·s dans la cascade des soins, tels que le type, la dose et le schéma posologique de TAO utilisés, la durée du TAO et les modèles de prestation du traitement de l’hépatite C choisis. L’inclusion de telles données aurait pu faciliter la contextualisation des résultats. 

RÉFÉRENCE :

Wolfson-Stofko B, Hirode G, Vanderhoff A et al. Real-world hepatitis C prevalence and treatment uptake at opioid agonist therapy clinics in Ontario, Canada. J Viral Hepat. 2024;31(5):240-247.