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  • Le lénacapavir (Sunlenca) est le premier inhibiteur de la capside approuvé pour le traitement du VIH
  • Le lénacapavir agit de manière différente des autres médicaments contre le VIH
  • Après quelques doses orales initiales, les injections du lénacapavir ont lieu tous les six mois

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Les premiers traitements efficaces contre le VIH ont vu le jour au milieu des années 1990. À cette époque-là, les schémas thérapeutiques consistaient en la prise d’une poignée de comprimés deux ou trois fois par jour. Les schémas de la première heure incluaient habituellement des consignes concernant la nourriture et l’eau et provoquaient de nombreux effets secondaires.

Depuis 20 ans, les compagnies pharmaceutiques offrent des schémas thérapeutiques complets dans un seul comprimé (dont certains contiennent deux, trois voire quatre médicaments). Ainsi, pour de nombreuses personnes, le traitement du VIH consiste maintenant en la prise d’un seul comprimé une seule fois par jour. De plus, les traitements sont devenus plus sûrs et plus actifs contre le VIH qu’autrefois.

Début de l’époque des traitements à longue durée d’action

En 2020, Santé Canada a approuvé le premier schéma thérapeutique à longue durée d’action contre le VIH, soit l’association des médicaments cabotégravir et rilpivirine (vendue sous le nom de marque Cabenuva). On prend initialement ces médicaments sous forme de comprimé pendant quelques semaines, puis un·e professionnel·le de la santé effectue deux injections dans les muscles fessiers une fois par mois pendant deux mois. Après cette période, les patient·e·s et leur médecin peuvent décider si les injections subséquentes auront lieu tous les mois ou tous les deux mois.

Lénacapavir : premier inhibiteur de la capside

En novembre 2022, Santé Canada a approuvé le lénacapavir (Sunlenca), un nouveau médicament contre le VIH mis au point par Gilead Sciences. Le lénacapavir agit de manière différente des autres traitements contre le VIH déjà approuvés. En entravant l’action d’une protéine du VIH appelée capside, le lénacapavir aide à supprimer la production de nouvelles copies du virus lorsqu’il est utilisé en association avec d’autres médicaments anti-VIH.

Le lénacapavir sera offert en deux formulations : un comprimé oral et une version liquide pour injection sous-cutanée (légèrement sous la peau). Lorsqu’on commence un traitement par le lénacapavir, on prend la formulation orale les jours un, deux et huit, puis aucune dose orale additionnelle n’est nécessaire. Au jour 15 de la période d’initiation, un­·e professionnel·le de la santé effectue deux injections du médicament dans l’abdomen. Par la suite, des injections seront nécessaires tous les six mois pour maintenir des concentrations efficaces du lénacapavir dans le sang.

Pour le moment (et dans un avenir proche), on doit prendre le lénacapavir en association avec d’autres médicaments anti-VIH sous forme orale parce que, à lui seul, ce produit ne suffit pas à traiter efficacement le VIH. Gilead Sciences mène cependant des recherches dans l’espoir de créer un nouveau médicament que l’on pourra associer au lénacapavir et dont les doses pourront être espacées comme celles de ce dernier. Il est donc possible qu’il existe un jour une association de médicaments anti-VIH injectables qu’il suffise d’administrer tous les six mois.

Notons que l’on peut prendre les comprimés du lénacapavir avec ou sans nourriture.

À qui le lénacapavir est-il destiné?

L’utilisation du lénacapavir est approuvée pour les adultes porteurs de souches du VIH-1 ayant acquis une résistance à de nombreux autres traitements et dont le schéma thérapeutique actuel est en train d’échouer à cause de cette résistance ou encore d’une intolérance aux médicaments. Dans les expériences de laboratoire, le lénacapavir est de 15 à 25 fois moins actif contre le VIH-2 que contre le VIH-1.

Efficacité chez les personnes lourdement traitées

Dans une étude partiellement randomisée et contrôlée contre placebo du nom de Capella, une équipe de recherche a évalué l’impact du lénacapavir chez 72 personnes dont le VIH était résistant à de nombreux traitements. Après 52 semaines, 83 % des participant·e·s avaient une charge virale indétectable. Plus le schéma thérapeutique contenait de médicaments pleinement actifs contre le VIH, plus les chances d’atteindre une charge virale indétectable augmentaient.

Innocuité

Le lénacapavir a fait l’objet d’essais cliniques menés auprès d’au moins 229 personnes vivant avec le VIH. Les effets secondaires signalés lors de ces études incluaient les suivants :

  • nausées
  • diarrhée
  • maux de tête

De façon générale, ces effets secondaires étaient légers ou modérés et temporaires.

Les réactions aux points d’injection sont prévisibles avec tous les médicaments administrés par injection. Des réactions de ce genre, soit rougeurs, enflure et démangeaisons, étaient courantes chez les personnes traitées par lénacapavir, mais la plupart d’entre elles étaient légères et temporaires.

Circonstances et populations particulières

Grossesse

Lors des expériences en laboratoire, le lénacapavir n’a pas causé d’anomalies congénitales chez des lapins ou des rats. Il n’a pas non plus causé de problèmes développementaux chez des rats nouveau-nés. Rappelons toutefois que les expériences sur des animaux ne reflètent pas toujours ce qui se passe chez l’humain. Le lénacapavir n’a pas été testé chez des personnes enceintes. Gilead stipule que le lénacapavir « ne doit donc pas être utilisé pendant la grossesse que si les bienfaits potentiels l’emportent sur les risques pour le fœtus ».

Santé des reins

Selon Gilead, aucun ajustement de la dose du lénacapavir n’est nécessaire aux personnes présentant une « insuffisance rénale légère, modérée ou grave ».

Santé du foie

Selon Gilead, « aucune modification posologique de SUNLENCA n’est nécessaire aux patients atteints d’insuffisance hépatique légère ou modérée ». Gilead attribue un score de Child-Pugh A ou B au genre d’insuffisances hépatiques en question. Notons toutefois que le lénacapavir n’a pas été étudié chez des personnes présentant une insuffisance hépatique grave (score de Child-Pugh C).

Le lénacapavir n’a pas fait l’objet d’études chez des personnes séropositives présentant une infection active au virus de l’hépatite C (co-infection au VHC). On n’a pas non plus étudié ce médicament chez des personnes vivant avec le VIH et une infection au virus de l’hépatite B non traitée (VHB).

Personnes âgées

Le lénacapavir n’a pas fait l’objet d’études d’envergure auprès de personnes âgées de 65 ans ou plus.

Interactions médicamenteuses

De nombreux médicaments interagissent les uns avec les autres, de sorte que la concentration de l’un ou de l’autre augmente ou diminue dans le sang. Lorsque le taux d’un médicament augmente ainsi, cela peut entraîner de nouveaux effets secondaires ou aggraver des effets secondaires existants. Lorsque le taux d’un médicament diminue de sorte à passer sous le seuil normal, cela peut provoquer l’échec du traitement. Dans le cas des médicaments contre le VIH, des concentrations sous-optimales peuvent permettre au virus d’acquérir une résistance à un médicament ou davantage. Ce genre de résistance peut limiter les options de traitement futures.

Gilead avise que l’administration concomitante du lénacapavir et des médicaments suivants est contre-indiquée :

  • anticonvulsivants : carbamazépine, phénytoïne
  • antibiotiques : rifampine, rifapentine
  • plantes médicinales : millepertuis (et ses extraits)

Comme d’autres interactions non mentionnées peuvent aussi se produire avec le lénacapavir, il est important de parler à un­·e pharmacien·ne avant de commencer à prendre tout nouveau médicament ou de modifier son schéma thérapeutique.

Accès

Lorsque Santé Canada a homologué un traitement, les médecins ont le droit de le prescrire, mais les patient·e·s doivent le payer initialement de leur poche, à moins de disposer d’une assurance médicaments privée qui le couvre. Les régimes d’assurance médicaments privés mettent habituellement de trois à six mois à inclure un nouveau médicament sur leur liste de produits assurés.

Faute de traitement, l’infection au VIH entraîne une maladie catastrophique qui peut compromettre l’aptitude au travail de la personne atteinte. Notons aussi que les traitements contre le VIH coûtent cher. Pour cette raison, les ministères provinciaux et territoriaux de la Santé du Canada couvrent amplement le coût des médicaments anti-VIH. Chaque ministère gère sa propre liste de médicaments qu’il accepte de payer. On appelle celle-ci sa liste de médicaments assurés.

Au cours des prochains mois, Gilead et les ministères provinciaux et territoriaux de la Santé entameront des négociations sur le prix du lénacapavir. Ce processus risque de ne pas aboutir avant 2024. On peut se renseigner dans une pharmacie pour savoir quand le lénacapavir sera ajouté à la liste de médicaments assurés de sa région.

Au Canada, les grossistes et les pharmacies devraient être en mesure de commander du lénacapavir d’ici quelques mois. Au moment de mettre sous presse, Gilead n’a pas rendu public le prix fixé pour le lénacapavir.

CATIE prépare actuellement un feuillet d’information sur le lénacapavir. Entre-temps, on peut trouver des renseignements sur les essais cliniques de ce médicament en consultant la ressource ci-dessous.

Un mot à propos de la prévention

À l’heure actuelle, des milliers de personnes séronégatives participent à des essais cliniques conçus pour déterminer si le lénacapavir peut réduire le risque de contracter le VIH. Les résultats complets de ces études pourraient ne pas être connus d’ici quelques années. Si le lénacapavir se révèle très efficace pour la prévention, Gilead soumettra les données de ces essais aux autorités en vue de son approbation à cette fin. Plusieurs années pourraient donc s’écouler avant que le lénacapavir soit approuvé pour la prévention du VIH. Après cette période, il s’écoulera encore du temps avant que le lénacapavir à titre préventif soit ajouté aux listes de médicaments des ministères des provinces et territoires canadiens, et ce, dépendamment du prix demandé par la compagnie pharmaceutique.

Ressource

Le lénacapavir et le VIH multirésistantTraitementActualités 246

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Gilead Sciences Canada. Sunlenca : lénacapavir pour injection sous-cutanée et lénacapavir en comprimés. Monographie de produit. 1er novembre 2022.
  2. Margot NA, Naik V, VanderVeen L et al. Resistance analyses in highly treatment-experienced people with HIV treated with the novel capsid HIV inhibitor lenacapavir. Journal of Infectious Diseases. 2022 Sep 9:jiac364. 
  3. Cilento ME, Ong YT, Tedbury PR et al. Drug interactions in lenacapavir-based long-acting antiviral combinations. Viruses. 2022 May 31;14(6):1202. 
  4. Segal-Maurer S, DeJesus E, Stellbrink HJ et al. Capsid inhibition with lenacapavir in multidrug-resistant HIV-1 infection. New England Journal of Medicine. 2022 May 12;386(19):1793-1803.
  5. Troyano-Hernáez P, Reinosa R, Holguín Á. HIV capsid protein genetic diversity across HIV-1 variants and impact on new capsid-inhibitor lenacapavir. Frontiers in Microbiology. 2022 Apr 12;13:854974. 
  6. Margot N, Vanderveen L, Naik V et al. Phenotypic resistance to lenacapavir and monotherapy efficacy in a proof-of-concept clinical study. Journal of Antimicrobial Chemotherapy. 2022 Mar 31;77(4):989-995. 
  7. Dvory-Sobol H, Shaik N, Callebaut C et al. Lenacapavir: a first-in-class HIV-1 capsid inhibitor. Current Opinion in HIV/AIDS. 2022 Jan 1;17(1):15-21.