- Les taux de syphilis ont augmenté au Canada, y compris parmi les Autochtones de l’Arctique
- Une équipe de Montréal a créé un modèle pour simuler l’épidémie de syphilis dans cette région
- Elle a constaté que l’introduction de tests de dépistage rapide pourrait réduire de 37 % le taux de syphilis en une décennie
Les taux de nouveaux diagnostics de syphilis augmentent depuis 20 ans. Par conséquent, une épidémie de cette infection sévit actuellement partout au Canada. Les premiers symptômes de la syphilis, dont l’apparition d’une lésion (chancre) sur ou dans les organes génitaux, la bouche ou d’autres parties du corps, peuvent être indolores ou passer inaperçus. Les microbes qui causent la syphilis (appelés tréponèmes) se propagent rapidement à partir du site du premier contact. Les tréponèmes peuvent s’attaquer aux nerfs et causer à la longue des pertes auditives ou visuelles. De plus, si elle n’est pas traitée, la syphilis risque de nuire à des organes vitaux, tels que le cerveau, les os, le cœur et le système circulatoire, le foie et les reins. Elle peut aussi nuire au fœtus et au bébé durant la grossesse (syphilis congénitale). Les symptômes de la syphilis ressemblent souvent à ceux de nombreuses autres maladies, mais le diagnostic se fait facilement à l’aide d’un simple test sanguin. La plupart des personnes atteintes guérissent sous l’effet d’un seul cycle de traitement antibiotique.
Dans l’Arctique
Selon une équipe de recherche de l’Université McGill à Montréal, « les populations autochtones portent souvent un fardeau disproportionné en matière de syphilis ». En 2021, dans la région de Nunavik, le taux de syphilis était effectivement près de 18 fois plus élevé que la moyenne canadienne. Selon l’équipe de recherche, « par conséquent, des bonds dans les cas de syphilis congénitale s’observent déjà [dans les régions arctiques du Canada] ».
D’après l’équipe de McGill, dont les centres d’intérêt incluent les épidémies et la syphilis, les facteurs qui contribuent potentiellement au taux élevé de transmission de la syphilis dans l’Arctique incluent « les retards dans le diagnostic et le traitement. Ces retards sont attribuables à la faible capacité des laboratoires locaux. Pour faire le diagnostic, les spécimens prélevés doivent être envoyés à des laboratoires éloignés situés jusqu’à 1 900 kilomètres au sud. Le délai typique entre la collecte des échantillons et l’analyse est de six à 19 jours. »
L’équipe de recherche affirme que la mise sur pied d’un programme de dépistage rapide de la syphilis pourrait jouer un rôle majeur dans la réduction des délais entre le dépistage, le diagnostic et le traitement en permettant qu’ils aient tous lieu lors d’une seule consultation en clinique.
Le modèle
L’équipe de McGill a créé un modèle mathématique pour simuler l’épidémie de syphilis dans l’Arctique canadien. Pour créer sa simulation, elle a utilisé des données établies lors d’enquêtes sur la santé et d’études de recherche menées en Arctique et à partir de bases de données. Selon l’équipe de recherche, 90 % des personnes recevant un diagnostic de syphilis à la suite d’un test rapide seraient dirigées vers des soins dans les sept jours suivant l’obtention du résultat positif.
L’équipe de recherche a présumé que le test utilisé dans l’Arctique serait le DPP Syphilis Screen and Confirm Assay fabriqué par la compagnie Chembio. Cette analyse nécessite le prélèvement d’une faible quantité de sang par une piqûre du doigt, et le résultat est prêt en 15 minutes.
Cette étude a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC).
Résultats
L’équipe de recherche a constaté que le dépistage rapide de la syphilis pourrait réduire de 33 % le taux de nouvelles infections au cours des cinq prochaines années. Si le programme de dépistage rapide était prolongé pendant 10 ans, cela permettrait la prévention de 37 % des cas de syphilis durant cette période.
L’équipe de Montréal a souligné l’importance de continuer à demander aux personnes ayant reçues un diagnostic positif de syphilis de nommer leurs partenaires sexuel·le·s afin que des prestataires de soins de santé puissent les contacter et les aviser de leur exposition récente et les inviter à se faire tester.
À retenir
Les tests de dépistage rapide de la syphilis sont très fiables et pourraient jouer un rôle important pour réduire la propagation de cette infection dans l’Arctique canadien et d’autres régions. Selon l’équipe de recherche, les tests rapides « sont un outil flexible qui nécessite une formation et une capacité de laboratoire minimes et qui peut être déployé dans des contextes non traditionnels pour atteindre des personnes ayant difficilement accès aux soins de santé ». Enfin, l’équipe de recherche a souligné que « l’augmentation des taux de dépistage de la syphilis est essentielle pour maîtriser les éclosions ».
—Sean R. Hosein
Ressources :
Mise en garde contre la hausse des mortinaissances liées à la syphilis à Winnipeg – Nouvelles CATIE
Points de vue des premières lignes : syphilis congénitale – CATIE
La syphilis congénitale – CCNMI
Dépistage et traitement précoces de la syphilis nécessaires pour prévenir les mortinaissances – CATIE
Le dépistage rapide combiné de la syphilis et du VIH se révèle fiable et utile dans une étude albertaine – Nouvelles CATIE
Une étude albertaine souligne l’importance du dépistage de la syphilis pour les personnes qui utilisent des stimulants – Nouvelles CATIE
Une étude explore le lien entre l’itinérance, la méthamphétamine et les nouvelles infections par le VIH au Manitoba – Nouvelles CATIE
Étude sur l’incidence de l’antibiotique doxycycline sur le bien-être sexuel des usager·ère·s – Nouvelles CATIE
RÉFÉRENCE :
Xia Y, Caya C, Morin V et al. The population-level impact of introducing rapid diagnostic tests on syphilis transmission in Canadian arctic communities—a mathematical modeling study. Lancet Regional Health – Americas. 2024 Jul 20; 37:100845.