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CATIE
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  • Le début d’un traitement contre le VIH (TAR) s’accompagne habituellement d’une certaine prise de poids
  • L’amorce tardive du TAR a été liée à une prise de poids considérable lors d’une étude portant sur 12 773 personnes
  • Nouveau facteur de décision du commencement d’un traitement contre le VIH issu de l’étude française

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Au début des années 1980, des scientifiques ont constaté que l’infection au VIH était associée à une perte de poids. Chez des personnes, une perte pondérale grave pouvait mettre leur vie en danger. À cette époque, dans certaines régions de l’Afrique subsaharienne, la perte de poids liée au VIH était connue alors sous le nom de slim disease (maladie de la maigreur). L’infection au VIH chronique peut contribuer à la perte de poids de plusieurs façons, dont les suivantes :

  • Elle rend l’organisme plus vulnérable aux infections intestinales, ce qui entraîne inflammation intestinale, diarrhées et malabsorption.
  • Elle augmente les besoins nutritionnels de l’organisme pendant que ce dernier se bat contre des infections potentiellement mortelles.
  • Elle modifie la façon dont l’organisme entrepose et utilise l’énergie.

Le VIS (virus de l’immunodéficience simienne) appartient à la même famille de virus que le VIH. Comme ce dernier chez l’humain, le VIS peut causer la perte de poids et une maladie semblable au sida chez des singes vulnérables.

Impact du TAR

L’accessibilité répandue des traitements efficaces contre le VIH (TAR) a transformé le contrôle de l’infection au VIH chronique. L’amorce d’un TAR permet de réduire la quantité de VIH dans le sang. D’ordinaire, dans les trois à six mois suivant le début du traitement, la quantité de virus dans le sang diminue tellement qu’il est impossible de la mesurer précisément avec les tests de laboratoire réguliers. Cette quantité infime ou inhibée de VIH est couramment décrite comme « indétectable ». Grâce au maintien d’une charge virale indétectable sous l’effet du traitement continu, le système immunitaire peut se réparer suffisamment pour que le risque d’infections liées au sida devienne extrêmement faible. Le TAR entraîne une transformation tellement importante que les scientifiques prévoient une espérance de vie quasi normale pour de nombreuses personnes prenant ce genre de traitement.

Des études menées au cours des dernières années ont révélé une association entre l’amorce du TAR et une certaine prise de poids. Tout bien considéré, la prise de quelques livres ou de quelques kilos est une bonne chose, car l’infection au VIH non traitée est associée à une perte de poids. Les scientifiques décrivent en effet une prise pondérale modeste sous l’effet du TAR comme un « retour à la santé ». Il n’empêche que certaines études ont permis de constater des prises de poids excessives, soit une augmentation de 10 % ou plus du poids corporel d’avant le TAR, de sorte que certaines personnes se voient classées dans les catégories de surpoids et d’obésité.

Étude française

Une équipe de recherche affiliée à la Base de données hospitalière française sur l’infection à VIH s’est penchée sur la question de la prise de poids. Cette ressource existe depuis 1989 et contient actuellement des données se rapportant au suivi de 100 000 personnes vivant avec le VIH. Les équipes de recherche affiliées à la base de données ont réalisé de nombreuses analyses pertinentes sur des personnes séropositives dans le passé. Une équipe particulière a récemment examiné des données recueillies entre 2012 et 2018. Elle s’est concentrée sur près de 13 000 personnes qui avaient commencé un TAR durant cette période. L’équipe a comparé les résultats obtenus sur une période de plusieurs années auprès de deux groupes de personnes réparties en fonction du moment de l’amorce du TAR, comme suit :

  • amorce précoce : personnes ayant un compte de CD4+ supérieur à 350 cellules/mm3 et une charge virale inférieure à 100 000 copies/ml
  • amorce tardive : personnes atteintes du sida ou ayant un compte de CD4+ inférieur à 200 cellules/mm3

Après une période moyenne de 30 mois suivant l’amorce du TAR, l’équipe de recherche a constaté que 35 % des participant·e·s avaient pris du poids de manière significative (10 % ou plus de leur poids corporel d’avant le TAR). L’équipe s’est étonnée de constater la répartition suivante des prises pondérales :

  • 5 794 personnes : amorce précoce du TAR – 21 % ont pris du poids de manière significative
  • 3 106 personnes : amorce tardive du TAR – 63 % ont pris du poids de manière significative

Selon l’équipe de recherche, le risque de prise de poids après l’amorce du TAR était considérablement plus élevé chez les personnes qui avaient un poids insuffisant ou qui étaient obèses avant de commencer le traitement.

Les prises pondérales les plus importantes se sont produites durant la première année suivant l’amorce du TAR. Cette observation devrait rassurer les patient·e·s et les prestataires de soins parce qu’elle indique que la prise de poids ne continue pas indéfiniment.

Accent sur l’amorce précoce du TAR

Depuis une décennie, les principales lignes directrices thérapeutiques des pays à revenu élevé recommandent l’amorce précoce du TAR pour au moins deux raisons. En premier lieu, le TAR efficace aide à préserver le système immunitaire et réduit énormément le risque d’infections graves liées au VIH. En second lieu, nombre d’études bien conçues ont révélé que les personnes qui atteignaient et maintenaient une charge virale indétectable ne transmettaient pas le VIH à leurs partenaires sexuel·le·s.

Si les résultats de cette étude française sont confirmés par d’autres équipes de recherche, la prévention de la prise de poids non nécessaire s’ajoutera peut-être à la liste de raisons pour commencer tôt le TAR.

Détails de l’étude

L’équipe française a porté spécifiquement sur 12 773 personnes qui n’avaient pas suivi de TAR auparavant. En moyenne, l’équipe a pesé les participant·e·s à cinq reprises durant l’étude.

La cohorte se composait à 75 % d’hommes et à 25 % de femmes. L’équipe de recherche « a exclu des personnes transgenres en raison de l’interaction entre l’hormonothérapie et le poids, et toute personne enceinte [a été exclue dès la confirmation de la grossesse] ».

Au moment de leur admission à l’étude, les participant·e·s avaient le profil moyen suivant :

  • âge : 38 ans (la plupart avaient entre 30 et 48 ans); les personnes qui commençait tôt le traitement étaient plus jeunes (36 ans) que les personnes qui le commençaient tard (42 ans)
  • populations principales : hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HARSAH) – 48 %; personnes hétérosexuelles – 45 %; personnes qui s’injectaient des drogues – 2 %
  • 26 % des participant·e·s étaient originaires de l’Afrique subsaharienne, et les autres venaient de France
  • indice de masse corporelle (IMC) : 23 kg/m2
  • classement des participant·e·s en fonction du poids : poids insuffisant – 7 %; poids normal – 62 %; surpoids – 22 %; obésité – 8 % (les personnes qui commençaient tard le traitement étaient plus susceptibles d’avoir un poids insuffisant, soit 13 % contre 5 % chez les personnes qui commençaient tôt le traitement)
  • compte de CD4+ : amorce précoce du traitement – 520 cellules/mm3; amorce tardive du traitement – 105 cellules/mm3 (la plupart avaient un compte de CD4+ entre 44 et 167 cellules)
  • charge virale : amorce précoce – 20 000 copies/ml; amorce tardive – 160 000 copies/ml

Notons que la somme des pourcentages ci-dessus n’est pas 100 parce qu’ils ont été arrondis.

Schémas thérapeutiques d’usage courant

Au moment de l’amorce du traitement d’association contre le VIH, les classes de médicaments les plus couramment utilisées étaient les suivantes :

  • 42 % utilisaient des inhibiteurs de la protéase, le plus souvent le darunavir (Prezista, ingrédient de Prezcobix et de formulations génériques)
  • 33 % utilisaient un inhibiteur de l’intégrase, le plus souvent le dolutégravir (Tivicay, ingrédient de Dovato et de Triumeq) ou l’elvitégravir (ingrédient de Genvoya et de Stribild)
  • 25 % utilisaient un analogue non nucléosidique, le plus souvent la rilpivirine (ingrédient de Complera et d’Odefsey)

Outre les médicaments ci-dessus, les traitements couramment utilisés contre le VIH incluaient les suivants :

  • 78 % utilisaient la combinaison ténofovir DF + FTC (vendue sous le nom de Truvada et disponible en versions génériques)
  • 16 % utilisaient la combinaison abacavir + 3 TC (vendue sous le nom de Kivexa et disponible en versions génériques)
  • 6 % utilisaient le TAF (ténofovir alafénamide, vendu sous le nom de Descovy et ingrédient de Genvoya et d’Odefsey)

Résultats

Après une période moyenne de 30 mois, l’équipe de recherche a constaté une prise de poids de 10 % ou davantage dans les proportions suivantes :

  • amorce précoce : 21 %
  • amorce tardive : 63 %

L’équipe de recherche a observé « des risques accrus [de prises de poids importantes] chez les femmes, les non-HARSAH, les [personnes] ayant un poids insuffisant et celles présentant une immunodéficience plus grave, une charge virale plus élevée et des antécédents de sida ».

L’équipe n’a pas constaté de différence entre les prises pondérales survenues chez des personnes atteintes de différentes infections ou maladies liées au sida.

Impact sur le poids de différents médicaments

Même si l’équipe de recherche a affirmé avoir constaté des risques de prise de poids différents selon les médicaments utilisés, il importe de souligner que cette équipe n’a pas mené d’essai clinique randomisé et contrôlé. Il s’agissait plutôt d’une étude par observation, et les raisons pour lesquelles certaines personnes se faisaient prescrire un schéma thérapeutique particulier ne sont pas claires. Les études par observation sont utiles pour reconnaître des tendances globales ou des associations, mais elles amènent parfois les scientifiques à tirer par mégarde des conclusions faussées. Pour cette raison, il vaut mieux laisser le soin de recommander des médicaments ou des classes de médicaments particuliers aux scientifiques qui rédigent et révisent les lignes directrices thérapeutiques. Rappelons que le contenu de celles-ci est fondé principalement sur les données d’études randomisées et contrôlées rigoureusement conçues.

Prises de poids au fil du temps

Dans l’ensemble, les participant·e·s à l’étude française ont pris 8 kg. La plupart des prises de poids se sont produites durant les 12 premiers mois de l’étude. L’équipe de recherche a affirmé que « les prises pondérales étaient sensiblement plus élevées chez les femmes, les personnes originaires de l’Afrique subsaharienne, les non-HARSAH, les [personnes] ayant un poids insuffisant et celles présentant une immunodéficience plus grave, une charge virale plus élevée et des antécédents de sida… ».

Comme lors d’analyses précédentes, on n’a constaté aucune différence entre les prises pondérales survenues chez des personnes atteintes de différentes infections ou maladies liées au sida.

Comme nous l’avons mentionné plus tôt, on a constaté des prises de poids plus importantes chez les personnes qui avaient commencé tardivement le TAR (10 kg), comparativement à celles qui l’avaient commencé tôt (3 kg).

À retenir

  • En moyenne, l’équipe de recherche a observé que la prise de poids était relativement modeste chez les personnes qui commençaient tôt le TAR.
  • La plupart des prises pondérales se sont produites durant les 12 mois suivant l’amorce du TAR.

Problèmes liés au diagnostic tardif

Selon l’équipe de recherche, il est possible que la prise de poids chez les personnes commençant tardivement le TAR soit en partie attribuable simplement « à un retour à la santé, et les conséquences cliniques, s’il y en a, pourraient se limiter aux personnes qui deviennent obèses ». Et d’ajouter l’équipe : « Il serait tout de même préférable de ne pas retarder le diagnostic étant donné les conséquences inconnues de la prise de poids rapide associée à l’amorce du traitement et les conséquences à long terme déjà connues « du fait de demander à se faire soigner lorsque le système immunitaire est très affaibli]… ».

L’équipe de recherche a fait référence à une autre étude française dont les résultats ont été publiés en 2013. Lors de celle-ci, des scientifiques ont suivi plus de 11 000 personnes séropositives dont les soins ont commencé tardivement. Selon l’équipe en question, même après l’amorce du TAR, « les personnes qui commençaient tard couraient un risque accru de décès comparativement aux personnes qui commençaient [tôt]. Cette hausse du risque de mortalité se maintenait pendant jusqu’à quatre ans de suivi ».

L’équipe de recherche responsable de cette étude sur la prise de poids encourage les médecins et personnels infirmiers à surveiller le poids de leurs patient·e·s, et plus particulièrement pendant la première année suivant l’amorce du TAR. Selon l’équipe, en 2021, près de 30 % des personnes faisant l’objet d’un diagnostic de VIH en France présentaient une immunodéficience grave. Il faudrait donc surveiller étroitement le poids de cette population particulière après l’amorce du TAR.

À retenir

Même si cette étude française a permis de constater une différence entre la prise de poids selon que le TAR commençait tôt ou tard, l’équipe de recherche n’a pas observé cette différence chez tous et toutes. Certaines personnes qui ont commencé tôt le TAR ont connu une prise de poids importante, et certaines personnes qui ont commencé tard le traitement n’ont pas pris de poids. D’autres études sont nécessaires pour expliquer l’origine des prises pondérales et déterminer des interventions susceptibles de minimiser ce problème.

Comme lors de la vaste majorité des études menées ces dernières années sur le TAR et la prise de poids, l’équipe de recherche française n’a pas recueilli de données se rapportant à la situation socioéconomique, à l’activité physique et à l’alimentation des participant·e·s.

Les raisons pour les prises de poids importantes demeurent inconnues, qu’elles soient survenues après l’amorce précoce ou l’amorce tardive du TAR.

Cette étude française est un important pas en avant vers une explication de la prise de poids associée au TAR. Espérons que les responsables d’autres grandes bases de données évalueront leurs patient·e·s afin d’en confirmer les résultats.

—Sean R. Hosein

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