- Les éclosions récentes de variole simienne ont touché de façon disproportionnée les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes
- Une équipe de recherche du Royaume-Uni a examiné des cas survenus plusieurs années avant l’éclosion actuelle
- Ces cas pourraient faire la lumière sur les symptômes, les résultats cliniques et l’efficacité des traitements expérimentaux
Le virus de la variole simienne appartient à la même famille que le virus de la variole et peut causer une maladie appelée variole simienne.
L’éclosion de variole simienne qui sévit actuellement, principalement en Europe et en Amérique du Nord, est attribuable à la propagation apparente du virus de la variole simienne, majoritairement parmi des hommes gais et bisexuels et d’autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HARSAH). Pour en savoir plus sur ce phénomène et sur la variole simienne en général, consultez l’article de Nouvelles CATIE intitulé Une éclosion de variole simienne frappe le Canada et d’autres pays.
Des cas de variole simienne ont déjà été répertoriés dans les pays à revenu élevé, mais ceux-ci concernaient principalement des personnes qui avaient visité des régions où la variole simienne avait sévi par le passé. Lors d’une étude récente menée au Royaume-Uni, une équipe de recherche a passé en revue les dossiers médicaux de personnes hospitalisées pour la variole simienne dans ce pays entre 2018 et 2021. Son rapport, qui a paru dans la revue Lancet Infectious Diseases, est riche en détail et sera sans doute d’une aide précieuse aux personnels soignants durant l’éclosion actuelle. Le rapport contient également quelques renseignements sur les effets des médicaments antiviraux. Ce bulletin de Nouvelles CATIE se veut un résumé du rapport britannique.
Détails de l’étude
L’étude menée au Royaume-Uni a porté sur sept personnes, dont quatre de sexe masculin et trois de sexe féminin. Six personnes étaient des adultes entre les âges de 30 et 50 ans, et la septième était un nourrisson de moins de deux ans. Aucune de ces personnes ne présentait de dysfonction immunitaire attribuable à une des causes suivantes :
- infections comme le VIH, le virus de l’hépatite B ou le virus de l’hépatite C
- cancer
- médication en cours pour des maladies comme la polyarthrite rhumatoïde, la maladie de Crohn, la colite, le psoriasis
- prise d’immunosuppresseurs à la suite d’une greffe d’organe
Tous les deux ou trois jours, les participant·e·s subissaient des frottis ou des prélèvements de liquides à des fins de tests PCR (amplification en chaîne par polymérase). Ceux-ci avaient pour but de détecter du matériel génétique du virus de la variole simienne. Les liquides prélevés étaient principalement du sang et de l’urine, et les zones de prélèvement incluaient l’intérieur du nez et l’arrière de la gorge, ainsi que les lésions cutanées persistantes. Dans certains cas, on analysait le liquide provenant des lésions de la variole simienne pour vérifier la présence du virus.
Avant le diagnostic de variole simienne, aucun·e des participant·e·s n’avait reçu de vaccin contre la variole. Notons que ce dernier confère une protection approximative de 85 % contre l’infection par le virus de la variole simienne.
Selon l’équipe de recherche, quatre personnes ont contracté le virus à l’extérieur du Royaume-Uni et trois autres, à l’intérieur du pays.
Résultats : signes et symptômes précoces
Avant de recevoir un diagnostic de variole simienne dans le cadre de l’étude, quatre personnes ont présenté des signes précoces troublants. Outre une fièvre, ces personnes éprouvaient un des symptômes suivants :
- sueurs nocturnes
- enflure à l’aine
- écoulement nasal
Les autres participant·e·s n’ont pas signalé de symptômes précoces avant de recevoir leur diagnostic de variole simienne.
Les résultats suivants ont été obtenus auprès de l’ensemble des participant·e·s :
- observation de lésions laissant soupçonner la variole simienne, puis confirmation subséquente de la présence du virus de la variole simienne par prélèvements dans ces lésions
- présence de l’ADN du virus de la variole simienne dans les prélèvements nasaux et de la gorge
De plus, chez six personnes, des tests ont révélé la présence du virus de la variole simienne dans les échantillons de sang. Chez quatre personnes, le virus était présent dans les échantillons d’urine.
Qu’en est-il des lésions?
Les lésions sont apparues sur les régions suivantes du corps :
- visage
- poitrine et abdomen
- jambes
- bras
Trois hommes ont présenté des lésions péniennes et deux, des lésions scrotales.
Une femme a présenté des lésions vulvaires.
Le nombre de lésions variait entre un minimum de 10 chez une personne et un maximum de 150 chez une autre.
Les échantillons de liquide prélevés par frottis des lésions se sont révélés positifs pour le virus de la variole simienne.
Complications
Patient 1 : Cet homme avait ce que les médecins ont qualifié d’une « humeur déprimée ». Selon l’équipe, ce symptôme aurait pu être une conséquence biologique de la variole simienne, ou encore le résultat de son isolement à l’hôpital pendant quelques semaines. Le patient a reçu un counseling psychologique et semble avoir été le seul à bénéficier d’une telle intervention durant cette étude.
Ce patient avait également une ulcération persistante à l’aine. Selon l’équipe de recherche, un échantillon de liquide de cette lésion s’est révélé positif pour le virus de la variole simienne « plusieurs semaines [après l’obtention de résultats négatifs aux tests effectués avec ses autres liquides corporels] et après la guérison de toutes les autres lésions cutanées ». Aucun microbe différent n’a été détecté dans les échantillons de liquides prélevés sur cette lésion. L’homme a passé 26 jours à l’hôpital.
Patient 2 : Selon les médecins, ce patient a présenté plusieurs complications, y compris « une humeur déprimée », un sevrage alcoolique (lors de son hospitalisation et durant son isolement), d’intenses douleurs nerveuses nécessitant la prise d’opioïdes et des abcès sur la cheville et la cuisse gauches. Des tests n’ont pas révélé de bactéries dans les abcès, mais comme ceux-ci ne se résorbaient pas, les médecins les ont drainés. Le liquide provenant des abcès contenait du virus de la variole simienne. Après le drainage des abcès, le patient a passé un test négatif pour ce virus. Son hospitalisation a duré 27 jours.
Patiente 3 : Cette femme a présenté une inflammation oculaire et avait un ongle de pouce douloureux causé par une lésion cutanée. Un frottis de l’œil touché s’est révélé négatif pour le virus de la variole simienne, et les médecins ont prescrit des gouttes oculaires antibiotiques (chloramphénicol), à raison de quatre doses quotidiennes jusqu’à son rétablissement. L’éruption cutanée causée par la variole simienne s’est résorbée après deux semaines, mais les prélèvements nasaux et de la gorge ont continué de révéler la présence du virus de la variole simienne pendant plusieurs semaines. (Nous reviendrons sur ce point plus loin.) Après un total de 35 jours à l’hôpital, la patiente a reçu son congé, mais on lui a demandé de poursuivre son isolement à domicile. Elle a continué de faire l’objet de prélèvements réguliers du nez et de la gorge, lesquels se sont enfin révélés négatifs 45 et 48 jours après son diagnostic, et la femme fut alors considérée comme rétablie.
Patient 4 : Cet homme avait une ulcération à l’aine qui a persisté quelques semaines malgré la résorption de ses autres lésions. Un échantillon de liquide provenant de l’ulcération s’est révélé positif pour le virus de la variole simienne. On a traité le patient avec un gramme de l’antibiotique azithromycine pour empêcher que l’ulcération soit infectée par des bactéries (notons que cette ulcération ressemblait à une lésion causée par une infection transmissible sexuellement). L’homme a passé 39 jours à l’hôpital en attendant la guérison complète de sa lésion.
Il importe de noter que ce patient avait encore des ganglions lymphatiques enflés à l’aine après la guérison de son éruption cutanée. Cela porte à croire que son système immunitaire avait détecté un microbe (ou les restes d’un microbe) et s’était mobilisé pour le combattre. Des tests effectués avant son départ de l’hôpital ont toutefois laissé croire que l’homme n’avait plus la variole simienne.
Environ six semaines après son hospitalisation, le patient a eu une relation sexuelle pour la première fois depuis le diagnostic de sa maladie. Ses ganglions lymphatiques se sont enflés davantage subséquemment, et le patient a présenté ce que l’équipe de recherche a qualifié de « lésions cutanées ulcéreuses peu profondes » à l’aine. Des prélèvements de liquide des lésions, de ses voies nasales et de sa gorge ont révélé la présence du virus de la variole simienne. Le patient est resté quelques jours dans son hôpital local en attendant de recevoir des résultats négatifs à ses tests de dépistage. Les médecins ont qualifié de « rechute » le retour des ulcérations et l’augmentation du volume des ganglions lymphatiques du patient après son départ initial de l’hôpital.
Patient 5 : Ce patient n’a éprouvé aucune complication et a quitté l’hôpital après 13 jours.
Patiente 6 : Cette patiente, un bébé, avait 30 lésions et souffrait de démangeaisons causées par des produits nettoyants pour la peau. Pour la traiter, les médecins ont utilisé de la lotion calamine, un remède en vente libre, et une antibiothérapie de courte durée. La patiente est restée 22 jours à l’hôpital.
Patiente 7 : Bien que cette patiente n’ait présenté que 10 lésions de la variole simienne, elle a connu une baisse de son humeur, et sa maladie a duré longtemps (on reparle de cette patiente plus loin). La patiente a passé 10 jours à l’hôpital.
Traitement antiviral
Même si des médicaments antiviraux ont été approuvés dans plusieurs pays à revenu élevé pour le traitement de la variole et de la variole simienne, il importe de souligner que leur approbation a été fondée sur des études menées sur des animaux. Ces médicaments n’ont jamais été testés auprès d’un grand nombre de personnes (contrairement à ce qui se fait habituellement pour tout autre médicament). Pour cette raison, les médecins ont discuté des risques et des bienfaits éventuels de ces médicaments avec les patient·e·s qui, à leur avis, étaient susceptibles d’en bénéficier.
Les patient·e·s 1, 2 et 3 ont reçu le médicament brincidofovir à raison de 200 mg une fois par semaine, sous forme de capsules. On s’attendait initialement à une durée de traitement de trois semaines, mais, après une ou deux doses, les trois personnes avaient des taux d’enzymes hépatiques anormalement élevés dans leur sang, ce qui laissait soupçonner des lésions au foie. Après la cessation du traitement par brincidofovir, les enzymes hépatiques ont mis environ un mois à se normaliser. De plus, selon l’équipe de recherche, « on n’a observé aucun bienfait clinique convaincant sous l’effet du brincidofovir ».
L’isolement de la patiente 7 a duré un total de 35 jours, en partie à domicile et en partie à l’hôpital. Dans l’espoir d’accélérer son rétablissement, les médecins ont proposé un traitement de deux semaines par l’antiviral técovirimat, à raison de 600 mg deux fois par jour par voie orale. Dans les 48 heures suivant l’amorce du traitement, des frottis nasaux et de la gorge se sont révélés négatifs pour le virus de la variole simienne et sont restés ainsi pendant les 72 heures suivantes (après quoi les tests n’ont pas été répétés). Aucune nouvelle lésion ne s’est manifestée après le début du traitement antiviral. Des analyses exhaustives d’échantillons de sang et d’urine, ainsi qu’une interrogation, n’ont révélé aucune toxicité liée au técovirimat. La patiente a reçu son congé après une semaine de traitement par técovirimat à l’hôpital, puis a poursuivi la deuxième semaine du traitement chez elle. La patiente est restée en bonne santé par la suite.
Toutes les personnes ci-dessus ont fini par être déclarées complètement guéries.
À retenir
Cette série de cas fait la lumière sur l’évolution de la variole simienne chez des personnes hospitalisées au Royaume-Uni au cours des années récentes. Même si personne n’est décédé, les lésions, et dans certains cas d’autres complications, ont été très douloureuses pour certaines personnes.
Données insuffisantes
Il importe de souligner que le nombre de personnes hospitalisées était trop faible pour pouvoir en tirer des conclusions définitives sur l’effet des traitements antiviraux ou encore sur l’évolution de la variole simienne elle-même.
Malgré la faible quantité de données, les résultats se rapportant au brincidofovir incitent à la réflexion. Lors d’une expérience sur des chiens de prairie gravement atteints de la variole simienne, le brincidofovir « a conféré un bienfait modeste quant à la survie » lorsqu’il était administré le jour après l’infection, selon l’équipe de recherche. On est arrivé à cette conclusion parce que 29 % des animaux traités par brincidofovir ont survécu, comparativement à 14 % des animaux traités par placebo.
Bien que les résultats obtenus auprès de la femme traitée par técovirimat (patiente 7) soient prometteurs, il s’agit d’une seule personne, et l’équipe de recherche ne peut être certaine que les effets observés étaient attribuables au médicament. Il est possible que la maladie n’ait fait que suivre son évolution naturelle.
Lien manquant
Des essais cliniques randomisés d’envergure seront nécessaires pour mieux comprendre le potentiel du técovirimat et le rôle qu’il jouera éventuellement dans le traitement de la variole simienne à l’avenir. Les scientifiques devront également déterminer les risques de résistance associés au técovirimat et au virus de la variole simienne.
Complications
Selon l’équipe de recherche, d’autres rapports décrivant des cas de variole simienne faisaient état de graves réactions inflammatoires causées par d’intenses infections bactériennes survenues après l’apparition de la variole simienne. D’autres rapports antérieurs indiquaient que certaines personnes atteintes de variole simienne avaient présenté une grave inflammation pulmonaire. Aucune de ces complications ne s’est produite durant l’étude britannique.
Test PCR positif et virus
Le fait que les tests PCR effectués sur les prélèvements nasaux ou de la gorge des patient·e·s 2 et 3 auraient pu être positifs encore après la disparition des lésions de la variole simienne est intéressant. Cependant, lors des études futures, il faudra confirmer les résultats des tests PCR par des analyses de coculture virale (culture du virus en laboratoire) afin de déterminer si un résultat positif au test PCR signifie réellement la présence de virus actif. Il est possible que les tests PCR effectués dans le cadre de cette étude aient détecté des fragments résiduels de virus plutôt que la production active de virus. Cela aurait pu se produire si des fragments viraux avaient persisté dans certains tissus pendant quelques jours ou semaines après que l’infection a été maîtrisée.
Problèmes de santé mentale
Il est possible que l’humeur déprimée signalée par au moins trois personnes dans cette étude ait été causée par l’isolement prolongé qu’elles ont vécu à l’hôpital et par le refus du personnel hospitalier d’admettre des visiteur·euse·s afin de restreindre la propagation du virus. Cependant, il se pourrait aussi que la stigmatisation et la peur éprouvée à l’idée d’être atteintes d’une maladie relativement nouvelle (au Royaume-Uni) et inhabituelle ait contribué à la baisse de l’humeur de ces personnes. À ce propos, l’équipe de recherche a souligné que « le propriétaire du logement [d’une personne] a tenté de l’expulser pendant son [hospitalisation] ». Il est donc possible que la stigmatisation du diagnostic de variole simienne ait contribué à l’humeur déprimée de cette personne. Espérons que les équipes médicales qui soigneront des personnes touchées par l’éclosion actuelle de variole simienne (ou toute éclosion future) resteront vigilantes afin de pouvoir détecter des changements d’humeur et intervenir si cela est nécessaire.
—Sean R. Hosein
Ressources
Une éclosion de variole simienne frappe le Canada et d’autres pays –Nouvelles CATIE
Premières mesures prises à Montréal pour faire face à l’éclosion du virus de la variole du singe ayant touché plusieurs pays – Blogue de CATIE
Variole simienne : Mise à jour sur l’éclosion – Agence de la santé publique du Canada
Monkeypox – Centers for Disease Control and Prevention
RÉFÉRENCE :
Adler H, Gould S, Hine P. Clinical features and management of human monkeypox: a retrospective observational study in the UK. Lancet Infectious Diseases. 2022; sous presse.