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  • Des scientifiques du Québec ont mené une étude auprès de 16 000 personnes qui s’injectaient des drogues
  • L’équipe a constaté une baisse des infections par le VIH et du partage du matériel d’injection entre 1995 et 2020
  • Les taux d’exposition à l’hépatite C n’ont toutefois pas baissé autant

Le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) considèrent les personnes qui s’injectent des drogues comme une population prioritaire à cibler pour freiner la propagation des infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS). Le VIH et le virus de l’hépatite C (VHC) causent des ITSS importantes chez cette population. Ces virus (et d’autres microbes) peuvent se transmettre lorsqu’une personne s’injecte des drogues en utilisant du matériel (aiguilles, seringues, etc.) ayant déjà servi à quelqu’un d’autre. 

Une équipe de scientifiques québécoise a établi un réseau appelé SurvUDI. Ce réseau recrute des personnes qui s’injectent des drogues pour participer à des enquêtes périodiques. Les participant·e·s remplissent des questionnaires se rapportant à leurs comportements liés à l’usage de drogues. Des tests de dépistage du VIH et du VHC ont également lieu dans le cadre de l’étude. 

Les données recueillies lors des enquêtes périodiques permettent de suivre les tendances des infections chez les personnes qui utilisent des drogues. Ces données sont utilisées pour évaluer et adapter les programmes de réduction des méfaits, ainsi que la planification et la prestation de services visant à améliorer la santé de cette population. L’information glanée par les questionnaires sert de complément aux mesures de santé publique destinées à suivre les tendances des ITSS.

Selon l’équipe de recherche québécoise, les participant·e·s à leur étude sont généralement « difficiles à atteindre [et] la plupart ne suivent pas de traitement (contre des troubles liés à l’usage de substances) ».

Aux fins de son rapport le plus récent, l’équipe SurvUDI s’est concentrée sur des données recueillies auprès de quelque 16 000 personnes entre 1995 et 2020. Elle a constaté que le taux de nouvelles infections par le VIH avait baissé au fil du temps. En revanche, le taux de nouvelles infections par le VHC a baissé initialement puis s’est stabilisé. L’équipe a également constaté des changements dans les comportements liés à l’usage de drogues.

Détails de l’étude

Établi en 1995, le réseau SurvUDI a recruté la plupart de ses participant·e·s dans des centres où l’on offrait des services de réduction des méfaits. Ces derniers incluaient la distribution de seringues et d’aiguilles neuves et des services de consommation supervisée. Selon l’équipe, les autres lieux de recrutement incluaient « centres de jour, centres de détention, cliniques de désintoxication, cliniques ITS et programmes de réadaptation ».

En plus de remplir des questionnaires, les participant·e·s donnaient des échantillons de salive. Les échantillons étaient envoyés au Laboratoire de santé publique du Québec pour faire l’objet de tests visant la détection d’anticorps contre le VIH et le VHC. Rappelons que la présence d’anticorps contre le VHC indique que la personne en question a été exposée au virus à un moment dans le passé, mais cela ne peut déterminer si l’infection s’est résorbée ou si elle est active. Pour dépister une infection active par le VHC, une analyse de sang doit être effectuée pour vérifier la présence de matériel génétique du virus.

Voici un bref profil moyen des participant·e·s lors de leur admission à l’étude : 

  • 75 % d’hommes et 25 % de femmes, selon le sexe assigné à la naissance
  • âge : 37 ans
  • près de 40 % vivaient une situation de logement instable
  • échange de sexe contre drogues : femmes – 33 %; hommes – 7 % 

Résultats

Au cours des 25 années de cette étude, l’équipe de recherche a constaté diverses tendances, que voici : 

Nouvelles infections par le VIH

Le taux de nouvelles infections par le VIH a chuté considérablement, soit par un facteur de 12.

Nouvelles expositions au VHC

Initialement, la proportion de personnes présentant des anticorps contre le VHC a baissé entre 1998 et 2011. Le nombre d’expositions s’est ensuite stabilisé.

Tendances des comportements liés à l’usage de drogues

Selon les rapports, le taux d’utilisation d’aiguilles et de seringues ayant déjà servi à d’autres personnes a baissé considérablement, passant de 43 % en 1995 à 12 % en 2019. 

Tendances d’utilisation de drogues spécifiques

La fréquence de l’usage de cocaïne/crack par injection a baissé considérablement. En revanche, l’usage d’opioïdes injectables autres que l’héroïne a augmenté. 

L’usage d’amphétamine ou de méthamphétamine par injection a augmenté considérablement entre 2001 et 2019. À partir de 2001, l’usage quotidien d’amphétamine ou de méthamphétamine par injection a augmenté de façon importante. 

Facteurs liés à l’obtention d’un résultat positif aux tests de dépistage viral

Selon l’équipe de recherche, les facteurs suivants étaient liés à un risque accru de recevoir un résultat positif au test de dépistage du VIH : 

  • « injection effectuée avec une seringue ayant déjà servi à quelqu’un d’autre »
  • cocaïne comme drogue la plus fréquemment injectée

Les facteurs associés à un risque accru de recevoir un résultat positif au test de dépistage d’anticorps contre le VHC incluaient les suivants : 

  • injection d’opioïdes autres que l’héroïne
  • injection de cocaïne/crack
  • 100 injections ou davantage dans le dernier mois
  • antécédents d’injection de drogues depuis trois ans seulement
  • réutilisation du matériel d’autrui pour s’injecter
  • échange de sexe contre drogues

À retenir

Des études antérieures ont révélé que des éclosions d’ITSS peuvent se déclarer et se propager rapidement parmi les personnes qui s’injectent des drogues. 

Les études menées auprès de cette population peuvent générer des idées précieuses concernant les moyens de prévenir la propagation d’infections virales. Selon l’équipe de recherche, les mesures suivantes ont fait la preuve de leur efficacité quant à la prévention du VIH : 

  • distribution d’aiguilles/seringues neuves
  • services d’injection supervisée
  • traitement des troubles liés à l’usage de drogues (surtout le recours aux traitements de substitution aux opiacés reposant sur la buprénorphine ou la méthadone)
  • information fournie à la communauté
  • offre d’un traitement contre le VIH

L’équipe de recherche québécoise a souligné des commentaires faits par des scientifiques américain·e·s qui étudient la propagation de virus parmi les personnes qui s’injectent des drogues : « La prévention d’épidémies de VIH parmi les personnes qui s’injectent des drogues ne devrait pas être considérée comme une tâche à accomplir une seule fois, mais comme un travail nécessitant des efforts continus ».

Selon l’équipe québécoise, « il est particulièrement important de soutenir les capacités et l’accessibilité des programmes de réduction des méfaits et d’autres interventions fondées sur des données probantes et d’adapter ces programmes pour répondre aux besoins de la population ».

À l’avenir

Selon l’équipe de recherche, il est probable que la distribution d’aiguilles et de seringues neuves a contribué à réduire la propagation du VIH dans la population étudiée. Cependant, malgré cette baisse, l’équipe a constaté que l’incidence de la réutilisation du matériel d’autrui est restée relativement élevée lors des dernières années de l’étude. Des études sont nécessaires pour déterminer les raisons de ce phénomène et pour concevoir des interventions susceptibles de réduire la réutilisation du matériel d’injection.

Des études sont également nécessaires pour comprendre pourquoi les taux d’exposition au VHC ne diminuent pas plus. L’équipe de recherche se doute que la fréquence élevée de l’usage de drogues et du partage du matériel d’injection contribue à ce phénomène.

Le réseau SurvUID a récemment instauré un service de collecte et d’analyse de gouttes de sang séché destiné à ses participant·e·s. Les gouttes de sang sont analysées pour détecter la présence du VIH et de matériel génétique du VHC (ARN). Espérons que des analyses de sang séché ciblant d’autres ITSS seront disponibles à l’avenir. 

Même si cette équipe de recherche a constaté des tendances à la baisse prometteuses quant aux nouvelles infections par le VIH et au partage du matériel d’injection, les taux d’exposition au VHC n’ont pas diminué autant. Cela laisse croire à la nécessité d’investissements continus dans le renforcement des services de réduction des méfaits et la surveillance des ITSS chez les personnes qui s’injectent des drogues.

—Sean R. Hosein

Ressources

Regroupement du dépistage et de la prise en charge de l’hépatite C dans un service de consommation supervisée – Connectons nos programmes

L’essentiel de l’hépatite C – CATIE

Dépistage et diagnostic de l’hépatite C – CATIE

Médicaments anti-hépatite C – CATIE

Modèle directeur pour guider les efforts d’élimination de l’hépatite C au Canada – Réseau Canadien sur l’Hépatite C

Les bases de la réduction des méfaits : trousse pour prestataires de services – CATIE

Une étude d’envergure aborde la question de l’alcool et du traitement de l’hépatite C – Nouvelles CATIE

Atténuation des symptômes de dépression après guérison de l’hépatite C chez des personnes séropositives – étude canadienne – Nouvelles CATIE

Une équipe albertaine trouve des taux élevés d’hépatite C et de syphilis concomitantes durant la grossesse – Nouvelles CATIE

Une équipe de recherche souligne la nécessité de tests de pointe pour détecter l’infection aiguë au virus de l’hépatite C – Nouvelles CATIE

RÉFÉRENCE :

Blouin K, Blanchette C, Leclerc P et al. HIV and HCV seroincidence, associated factors and drug use in people who inject drugs, SurvUDI network, eastern central Canada, 1995-2020. International Journal of Drug Policy. 2024; sous presse.