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CATIE
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  • Une équipe canadienne a examiné des données de pharmacies se rapportant à 19 000 personnes séropositives
  • Une analyse a révélé un taux d’observance sous-optimal chez près de la moitié de ces personnes entre 2010 et 2020
  • L’équipe souhaite la tenue d’études pour mieux éclairer les facteurs à l’origine de la non-observance

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Lorsqu’il est utilisé comme il se doit, le traitement du VIH (TAR) réduit la quantité de VIH dans le sang. Grâce à la prise continue de médicaments, la quantité de VIH devient minime ou inhibée au fil du temps chez la vaste majorité des personnes sous traitement. On qualifie couramment d’« indétectable » ce faible niveau de virus.  

En maintenant l’inhibition du VIH grâce à une bonne observance thérapeutique, on permet au système immunitaire de se réparer, et le risque d’infections liées au sida devient conséquemment extrêmement faible. Le TAR est tellement puissant que les scientifiques prévoient une espérance de vie quasi normale pour de nombreuses personnes suivant ce genre de traitement.

Certaines personnes séropositives font toutefois face à de nombreux problèmes, notamment des périodes d’anxiété et de dépression, de dépendance, d’insécurité alimentaire, de violence et d’itinérance. En raison de ces facteurs et d’autres, une personne peut avoir de la difficulté à suivre fidèlement son traitement et à maintenir une charge virale inhibée.

Une équipe de recherche canadienne a examiné des bases de données se rapportant à l’exécution et au renouvellement d’ordonnances pour le TAR chez plus de 19 000 personnes vivant avec le VIH. L’analyse de ce genre de données, une méthode validée depuis deux décennies par des scientifiques de la Colombie-Britannique, permet d’estimer grosso modo les taux d’observance du TAR.

L’équipe responsable de cette étude canadienne a constaté que 45 % des personnes sous TAR ne renouvelaient pas leurs ordonnances aux dates prévues (causant ainsi des interruptions de leur approvisionnement en médicaments) et vivaient donc des périodes où elles ne prenaient pas leur traitement.

Une analyse statistique a révélé que les personnes faisant preuve d’une observance sous-optimale étaient généralement plus jeunes et plus susceptibles de suivre un schéma thérapeutique nécessitant plusieurs prises de comprimés par jour.

Il est probable que cette analyse de données se rapportant au renouvellement d’ordonnances relève d’une méthode imparfaite. Cependant, les résultats révélant une observance sous-optimale chez certains sous-groupes de personnes sont sans doute fiables et font écho aux données d’autres études. Notons à ce propos que des études menées antérieurement dans d’autres pays ont révélé que les jeunes étaient plus susceptibles de connaître des problèmes d’observance que les personnes plus âgées. Par ailleurs, des études menées aux États-Unis ont permis de constater que les personnes suivant un schéma thérapeutique comportant la prise d’un seul comprimé par jour faisaient preuve d’une meilleure observance thérapeutique que les personnes dont le traitement exigeait la prise de plusieurs comprimés.

La non-observance peut entraîner de nombreuses conséquences, notamment l’échec du traitement, l’apparition de souches virales multirésistantes, le déclin de la santé et, dans certains cas, une réduction de l’espérance de vie. Même si l’étude canadienne ne traite pas de ces conséquences éventuelles, elle soulève la nécessité d’études sur les facteurs à l’origine de la non-observance et d’interventions susceptibles d’aider les gens à se remettre dans la bonne voie par rapport à la prise des médicaments. Si les patient·e·s ne reçoivent pas de soutien à l’observance, les bienfaits du TAR quant à la prolongation de la vie ne pourront être connus de tous et de toutes de manière équitable.

En ce qui concerne la non-observance, les données canadiennes font écho à une étude menée auprès de plus de 200 000 personnes séropositives aux États-Unis. Lors de celle-ci, l’équipe de recherche a constaté des taux de non-observance plus élevés que prévus. Des détails concernant cette étude américaine se trouvent plus loin dans ce bulletin de Nouvelles CATIE.

Détails de l’étude

L’équipe de recherche canadienne s’est concentrée sur plusieurs bases de données, dont les suivantes :

  • Système national d’information sur l’utilisation des médicaments prescrits (SNIUMP); (système en vigueur dans plusieurs provinces)
  • Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ); (Québec seulement)
  • Pharmaceutical Information Network (PIN); (Alberta seulement)

L’équipe a recueilli des données sur l’utilisation du TAR et le renouvellement d’ordonnances dans les provinces suivantes :

  • Alberta
  • Saskatchewan
  • Manitoba
  • Ontario
  • Québec
  • Nouveau-Brunswick
  • Terre-Neuve-et-Labrador

Se fondant sur des bases de données de pharmacies, l’équipe de recherche a pu estimer le nombre de jours où les participant·e·s ne disposaient pas de médicaments du TAR (elle classait ceux-ci comme des jours de non-observance). Plus le nombre de jours sans TAR était élevé, plus le degré de non-observance attribué aux participant·e·s augmentait.

Tou·te·s les participant·e·s étaient des adultes, dont une majorité d’hommes (74 %). La plupart avaient entre 35 et 64 ans, et 25 % de la cohorte avaient moins de 35 ans.

Outre le TAR, nombre de participant·e·s prenaient des médicaments prescrits pour les problèmes suivants :

  • dépression
  • problèmes de sommeil
  • hypertension
  • anomalies lipidiques dans le sang

L’équipe de recherche a analysé des données recueillies entre 2010 et 2020.

Résultats

L’équipe de recherche a déterminé que 55 % des participant·e·s renouvelaient leurs ordonnances en temps opportun. Ces personnes se faisaient attribuer un taux d’observance de 95 % ou plus.

L’équipe a réparti le reste des participant·e·s selon leur taux d’observance estimé, comme suit :

  • 90 % à 94 % : 20 % des participant·e·s
  • 85 % à 89 % : 10 %
  • 80 % à 84 % : 6 %
  • 60 % à 79 % : 8 %
  • 40 % à 59 % : 1 %

Facteurs liés à la non-observance

Une analyse statistique a révélé que, dans l’ensemble, les personnes qui ne renouvelaient pas leurs ordonnances en temps opportun avaient tendance à être plus jeunes et/ou à suivre un schéma thérapeutique comportant plusieurs comprimés.

Lors d’une analyse portant spécifiquement sur trois provinces (Alberta, Saskatchewan et Manitoba) dont les bases de données contenaient beaucoup de détails sur l’usage de médicaments non liés au VIH, l’équipe de recherche a constaté que l’observance avait tendance à être sous-optimale chez les personnes auxquelles on prescrivait des médicaments pour les maladies suivantes :

  • trouble lié à l’utilisation d’une substance
  • hypercholestérolémie
  • diabète

D’autres analyses de données provenant de ces provinces ont indiqué que les facteurs suivants étaient également liés à l’observance sous-optimale du TAR :

  • sexe féminin
  • âge plus jeune
  • présence d’autres problèmes de santé (comorbidités)

À retenir

On devrait considérer cette étude canadienne comme un bon début en ce qui concerne l’exploration de l’observance du TAR chez une population très nombreuse. L’observance thérapeutique est un comportement complexe et dynamique qui est difficile à étudier. Notons, entre autres, que le fait d’avoir fait exécuter une ordonnance ne signifie pas nécessairement qu’une personne ait pris tous ses médicaments, ou même quelques-uns.

Notons de plus que l’équipe de recherche n’a pas été en mesure d’obtenir des données sur les antécédents médicaux, les résultats de tests en laboratoire (telle la charge virale) et les résultats cliniques (telles les infections et les décès).

Il importe toutefois de souligner que des études menées en Colombie-Britannique au cours des 20 dernières années ont fait le lien entre une mauvaise observance thérapeutique et une plus grande probabilité de non-inhibition de la charge virale, de mauvaises conséquences sur la santé et, dans certains cas, d’une réduction de l’espérance de vie.

Comme les participant·e·s à cette étude n’ont pas été interrogé·e·s, il est impossible de préciser les raisons de leur non-observance apparente.

Il ressort quand même clairement de cette étude que les schémas thérapeutiques nécessitant la prise de plusieurs comprimés sont associés à une observance thérapeutique sous-optimale chez certaines personnes. Aux États-Unis, de nombreuses études menées auprès de personnes séropositives ont confirmé que l’observance était plus facile si le schéma thérapeutique comportait un seul comprimé.

Lors d’une étude menée antérieurement en Alberta, on a demandé aux participant·e·s séropositif·ve·s d’expliquer les raisons de leur non-observance. L’équipe de recherche en question a affirmé ceci : « La principale cause de la non-observance donnée fut la difficulté à se rappeler [les prises], suivie d’un schéma posologique peu commode et d’une difficulté à planifier [l’heure de la prise de médicaments] en fonction des repas ».

De nos jours au Canada (et dans d’autres pays à revenu élevé), les associations de médicaments puissants et bien tolérés les plus utilisées se prennent sous forme de comprimé unique, y compris les suivantes :

  • Biktarvy : bictégravir + TAF + FTC
  • Dovato : dolutégravir + 3TC
  • Delstrigo : doravirine + 3TC + TDF
  • Triumeq : dolutégravir + 3TC + abacavir

Il existe aussi un schéma thérapeutique à longue durée d’action appelé Cabenuva, lequel consiste en formulations injectables des médicaments cabotégravir et rilpivirine. Administré par injection une fois par mois ou aux deux mois, Cabenuva est approuvé depuis plusieurs années.

Il importe de signaler que les schémas thérapeutiques à comprimé unique et les médicaments injectables énumérés ci-dessus n’étaient pas disponibles au début de la période à l’étude ici (2010). Notons aussi que de nombreux traitements utilisés de nos jours sont sans doute mieux tolérés que ceux utilisés en 2010 ou durant les quelques années qui ont suivi. Il est vraisemblable que certain·e·s patient·e·s aient pris à l’époque des congés thérapeutiques non supervisés à cause des effets toxiques de leur schéma thérapeutique du moment. Cette question n’a toutefois pas été abordée dans le cadre de la présente étude.

Il est possible qu’un certain nombre de patient·e·s qui suivent encore un traitement comportant plusieurs comprimés ou un traitement plus ancien puissent bénéficier de passer à un schéma thérapeutique à comprimé unique contenant de nouveaux médicaments ou encore à un TAR injectable.

D’autres études sur la non-observance sont nécessaires au Canada afin que les professionnel·le·s de la santé puissent répondre aux besoins de leurs patient·e·s et les aider à améliorer leur santé de façon durable.

Aux États-Unis

Lors d’une étude américaine menée à propos de plus de 200 000 personnes séropositives, une équipe de recherche s’est penchée sur la période allant de juillet 2017 à septembre 2018. Les participant·e·s à cette étude venaient de tous les états du pays. L’équipe de recherche a examiné des dossiers se rapportant au renouvellement d’ordonnances et constaté que plus de 60 % des participant·e·s affichaient un taux d’observance inférieur à 90 %. Les personnes en question ne semblaient pas renouveler leurs ordonnances quand il le fallait et passaient donc des périodes sans traitement. Comme cette étude était fondée sur l’examen de dossiers de pharmacies, l’équipe de recherche ne pouvait préciser les raisons de la non-observance. Notons de plus que les données analysées lors de cette étude avaient été recueillies antérieurement à une fin différente. Il est possible que ce genre d’analyse rétrospective ait amené l’équipe à surestimer l’observance thérapeutique, d’autant plus qu’elle n’a pas été en mesure d’analyser des données se rapportant à la prise des médicaments.

Comme nous l’avons mentionné plus tôt, la non-observance peut avoir de graves conséquences pour les patient·e·s, y compris l’apparition de souches du VIH pouvant résister partiellement ou complètement à certains traitements. Une autre équipe de recherche américaine qui a exploré la question de la non-observance a trouvé que les taux de résistance aux traitements variaient entre 20 % et 54 %, selon l’état. Qui plus est, la même équipe a constaté que les états où les taux de résistance virale étaient les plus élevés avaient tendance à compter une population séropositive affichant des taux d’observance thérapeutique sous-optimaux.

Les données canadiennes et américaines se ressemblent beaucoup. L’ensemble des données conduisent fortement à croire que d’autres travaux seront nécessaires pour éclairer les facteurs à l’origine de la non-observance. Ces travaux devraient inclure des entrevues auprès des patient·e·s afin que des interventions puissent être élaborées pour aider les gens à prendre leurs médicaments (ou à recevoir leurs injections) de façon régulière.

—Sean R. Hosein

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