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  • Le Manitoba est l’une des deux provinces où le VIH est surtout associé à l’usage de drogues et à la transmission hétérosexuelle
  • Une équipe a analysé des données se rapportant à la santé de personnes séropositives dans deux villes manitobaines
  • L’inhibition virale était moins probable chez les personnes en situation d’itinérance et les personnes utilisant la méthamphétamine

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Il y a une décennie, le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) a exhorté les villes et les pays du monde à atteindre les objectifs suivants pour le bien de leur population séropositive avant 2020 :

  • 90 % des personnes séropositives connaissent leur statut
  • 90 % des personnes séropositives suivent un traitement contre le VIH
  • 90 % des personnes séropositives sous traitement ont une charge virale indétectable

Comme de nombreux pays ont maintenant atteint ou dépassé ces objectifs, l’ONUSIDA et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ont fixé de nouvelles cibles à atteindre d’ici 2025 :

  • 95 % des personnes séropositives connaissent leur statut
  • 95 % des personnes séropositives suivent un traitement contre le VIH
  • 95 % des personnes séropositives sous traitement ont une charge virale indétectable

L’atteinte de ces objectifs en matière de dépistage, d’accès au traitement et d’inhibition virale (charge virale indétectable) permet d’améliorer la santé globale des personnes vivant avec le VIH. Les scientifiques prévoient une espérance de vie quasi normale pour de nombreuses personnes séropositives dont la charge virale est indétectable. De plus, des études rigoureuses ont révélé que les personnes séropositives dont la charge virale était inhibée (grâce au traitement) ne transmettaient pas le virus à leurs partenaires lors des relations sexuelles.

Discrimination et traumatisme historique

Depuis des siècles, les peuples autochtones du Canada vivent aux prises avec les conséquences du racisme et du colonialisme. Déplacés de force de leurs terres ancestrales, ils ont vécu de nombreuses injustices alors que l’État tentait d’effacer leurs langues et leur culture, et ils font encore face à des disparités quant à l’accès aux services. Des politiques nuisibles et génocidaires ont causé des traumatismes transgénérationnels chez les Autochtones, les laissant vulnérables à des problèmes de santé et aux dépendances. Les taux de troubles de santé mentale sont conséquemment élevés de nos jours dans de nombreuses communautés autochtones.

Même si de nombreuses provinces canadiennes ont réussi à progresser vers l’atteinte des objectifs 90-90-90, certaines populations, notamment les Autochtones et les personnes qui utilisent des drogues, ne parviennent pas à avoir la meilleure santé possible.

Nouvelles infections par le VIH au Manitoba

Au Manitoba, des chefs de file de la recherche ont constaté que le nombre de nouveaux cas de VIH diagnostiqués a fait un bond entre 2018 et 2021. Dans le reste du Canada, la plupart des cas de VIH touchent des hommes gais, bisexuels et d’autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (hommes gbHARSAH). Au Manitoba, toutefois, les scientifiques ont constaté que 45 % des nouveaux cas de VIH dans la province concernaient des femmes. De plus, 76 % des personnes récemment diagnostiquées s’identifiaient comme des Autochtones. La plupart des nouveaux diagnostics (61 %) concernaient des personnes s’identifiant comme hétérosexuelles, et 72 % des personnes récemment diagnostiquées disaient s’injecter de la drogue, principalement de la méthamphétamine. Notons aussi que de nombreuses personnes récemment diagnostiquées n’avaient pas de logement stable.

Parmi les personnes diagnostiquées séropositives, les femmes étaient plus susceptibles que les hommes de s’injecter des drogues, d’utiliser la méthamphétamine et de ne pas avoir de logement stable. Ce constat porte à croire que les femmes constituent une population particulièrement vulnérable au Manitoba.

Comme l’usage de méthamphétamine et la précarité du logement sont des problèmes croissants partout au Canada, il est possible que la situation au Manitoba soit un précurseur de ce qui arrivera au cours de la prochaine décennie dans les autres provinces et les autres pays à revenu élevé.

Cette étude manitobaine souligne la nécessité d’interventions exhaustives entreprises en collaboration avec les peuples autochtones pour combattre les problèmes contribuant à l’amalgame du VIH, de l’itinérance, des maladies mentales et de l’usage de méthamphétamine.

Détails de l’étude

L’équipe de recherche a fait appel à la communauté locale de Winnipeg et de Brandon pour l’aider à orienter son étude. Elle a passé en revue des données extraites de dossiers médicaux.

Les participant·e·s avaient le profil moyen suivant :

  • 47 % d’hommes cisgenres, 40 % de femmes cisgenres; 4 femmes trans, 2 hommes trans et 3 personnes non binaires
  • âge : 35 ans
  • principaux groupes ethnoraciaux : Autochtones – 76 %; Blanc·he·s – 13 %; Noir·e·s – 5 %
  • 71 % des gens habitaient une région urbaine et 29 %, une région rurale
  • 80 % disaient utiliser des drogues, dont deux variétés ou plus dans la plupart des cas
  • drogues couramment utilisées : méthamphétamine – 62 %; alcool – 61 %; tabac – 55 %; cannabis – 33 %; cocaïne – 21 %; opioïdes – 19 %
  • voies d’administration courantes : s’injecter – 56 %; fumer – 45 %; sniffer – 17 %
  • situation d’itinérance – 35 %

Notons que la somme de ces pourcentages n’est pas toujours 100 parce que certaines données étaient absentes.

Résultats

Différences entre les sexes

Les chiffres dans la liste ci-dessus sont des moyennes. Lorsque l’équipe a examiné les données selon le sexe, elle a constaté que les femmes étaient plus susceptibles de s’injecter des drogues (72 %) que les hommes (43 %). Les femmes étaient également plus nombreuses (76 %) à utiliser la méthamphétamine que les hommes (51 %). Enfin, elles étaient plus susceptibles de vivre une situation d’itinérance, soit 43 % d’entre elles contre 29 % des hommes.

Maladies concomitantes

Selon l’équipe de recherche, les problèmes de santé courants chez ces participant·e·s incluaient des infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) et des maladies mentales. Les femmes étaient plus susceptibles que les hommes de faire l’objet de diagnostics d’ITSS courantes, dont la chlamydiose, la gonorrhée et la syphilis.

Accent sur le VIH et des enjeux connexes

Les nouveaux diagnostics de VIH étaient plus courants chez les femmes (81 %) que chez les hommes (62 %).

Des maladies liées au sida ont été diagnostiquées chez 9 % des participant·e·s. Au moment du diagnostic de VIH, le compte de CD4+ moyen se situait à 419 cellules/mm3. Les comptes de CD4+ initiaux étaient plus élevés chez les femmes que chez les hommes, ce qui laisse soupçonner une infection par le VIH plus récente.

Environ 82 % des participant·e·s ont commencé un traitement contre le VIH (traitement antirétroviral ou TAR) à un moment donné de l’étude. Notons que ce chiffre est inférieur à la cible initiale de l’ONUSIDA de 90 % et à la cible actuelle de 95 %. Le taux d’amorce d’un TAR ne différait pas selon le sexe.

Dans l’ensemble, seulement 65 % des participant·e·s ont réussi à atteindre une charge virale indétectable. La proportion de personnes atteignant une charge virale indétectable était plus faible chez les femmes (61 %) que chez les hommes (68 %).

Le taux d’inhibition virale était plus faible parmi les personnes en situation d’itinérance (57 %).

Parmi les personnes qui s’injectaient des drogues, 60 % ont affiché une charge virale inhibée. Cela se compare au taux d’inhibition virale atteint par les personnes utilisant de la méthamphétamine (61 %).

Points communs et différences

Le nombre de nouveaux diagnostics de VIH a augmenté au Manitoba au cours de cette étude. La plupart des personnes récemment diagnostiquées étaient des adultes relativement jeunes, dont un nombre important de femmes utilisatrices de drogues injectables, dont notamment la méthamphétamine. La plupart des personnes récemment diagnostiquées s’identifiaient comme des hétérosexuel·le·s, et les Autochtones étaient touché·e·s de façon disproportionnée.

L’épidémie de VIH au Manitoba se distingue de celle en cours dans le reste du Canada, de l’Amérique du Nord et de l’Europe occidentale. Dans ces autres endroits, les hommes gbHARSAH sont la population la plus touchée par le VIH, et le virus se transmet le plus souvent par voie sexuelle.

Au Manitoba, un grand nombre de personnes séropositives récemment diagnostiquées n’ont pas encore réussi à atteindre la cible initiale fixée par l’ONUSIDA quant au taux d’inhibition virale, soit 90 %.

Répondre aux besoins des gens

Selon cette équipe de recherche, les méthodes de prestation des services de santé (et autres) doivent être réexaminées afin que ceux-ci puissent mieux répondre aux besoins des personnes récemment infectées par le VIH au Manitoba. L’équipe demande « l’expansion des services de soins sans rendez-vous, la résolution des problèmes de logement, la prestation de services de réduction des méfaits et de traitement des troubles liés à l’usage de substances et des interventions spécifiques aux sexes et aux genres dans une approche intégrée ».

L’âge moyen dans cette étude était de 35 ans. Or, lorsque l’équipe de recherche s’est concentrée sur le groupe des 18 à 30 ans, elle a constaté que moins de 60 % des personnes en situation d’itinérance avaient une charge virale indétectable.

Ce dernier résultat fait écho à une étude menée récemment à Vancouver où les personnes en situation d’itinérance se révélaient moins susceptibles de suivre un TAR et/ou d’atteindre l’inhibition virale.

Selon l’équipe de recherche manitobaine, « traiter isolément le VIH [sans tenir compte des déterminants sociaux de la santé] ne donne pas lieu à de meilleurs résultats sur le plan de la santé ».

Personnes qui s’injectent des drogues

De nombreuses personnes figurant dans cette étude manitobaine s’injectaient des drogues, principalement de la méthamphétamine. Selon l’équipe de recherche, « les hospitalisations liées à la méthamphétamine ont augmenté de 600 %, et les décès par surdose de méthamphétamine ont fait un bond de 170 % entre 2015 et 2017. Même si la méthamphétamine est très utilisée au Manitoba, son usage se répand aussi partout en Amérique du Nord et en Europe ». L’équipe de recherche a souligné que les problèmes associés à l’usage de drogues que connaît le Manitoba « pourraient bientôt surgir dans d’autres régions ».

L’équipe demande la tenue d’études pour déterminer des moyens d’améliorer l’engagement dans les soins des personnes séropositives atteintes d’un trouble lié à l’usage de méthamphétamine.

L’équipe réclame également l’adoption d’approches fondées sur des données probantes pour réduire « les méfaits associés à l’usage de substances, et plus particulièrement de drogues par injection ». Selon l’équipe, les approches en question devraient inclure « des programmes de seringues et d’aiguilles et des services d’injection supervisée ». L’équipe encourage également l’intégration de l’offre du TAR dans les services de réduction des méfaits.

Peuples autochtones

Comme nous l’avons mentionné plus tôt, les peuples autochtones étaient surreprésentés (76 %) dans les données se rapportant aux nouveaux diagnostics de VIH dans cette étude. L’équipe de recherche a fait remarquer que les Autochtones composent environ 18 % de la population du Manitoba.

D’après l’équipe de recherche, la surreprésentation des Autochtones vivant avec le VIH « reflète des obstacles sociaux et structurels complexes auxquels font face de nombreuses personnes autochtones comme conséquence de l’oppression systématique exercée par tous les paliers de gouvernement depuis des générations ». L’équipe a évoqué les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR), lesquels visent à réparer les nombreux préjudices infligés aux peuples autochtones. En particulier, l’équipe a paraphrasé l’exhortation de la CVR pour que « tous les paliers de gouvernement reconnaissent les disparités de la santé défavorisant les peuples autochtones, qu’ils soutiennent et mettent en œuvre des stratégies dirigées par des Autochtones et qu’ils écoutent les peuples autochtones et collaborent et s’entretiennent de manière significative avec eux afin de combler les lacunes du système de santé ».

Femmes

L’équipe de recherche a affirmé qu’environ le tiers des personnes vivant avec le VIH en Amérique du Nord sont des femmes. Cependant, dans cette étude, près de la moitié des personnes séropositives récemment diagnostiquées au Manitoba étaient des femmes.

Selon l’équipe de recherche, « les femmes font face à des obstacles particuliers, y compris une responsabilité disproportionnée des soins aux enfants, des expériences de violence conjugale et un moindre accès aux services de soutien à la santé sexuelle et mentale ».

L’équipe de recherche a souligné que les femmes figurant dans cette étude affichaient « des taux plus élevés d’itinérance, d’usage de méthamphétamine, d’usage de drogues injectables, de problèmes de santé mentale et d’ITSS, ce qui laisse croire qu’il s’agit d’un groupe particulièrement vulnérable ». Et d’ajouter l’équipe, « les services et interventions qui combattent particulièrement les obstacles spécifiques aux femmes, telle l’approche décrite dans le Modèle de soins du VIH centrés sur les femmes, ont le potentiel d’exercer un grand impact dans cette population particulièrement vulnérable et sont nécessaires d’urgence ».

À retenir

Cette étude manitobaine est importante et met en évidence les difficultés qu’éprouvent certaines populations et régions à atteindre les objectifs de l’ONUSIDA.

De plus, les enjeux exposés par l’équipe manitobaine, notamment l’association entre le VIH, l’itinérance, les troubles de santé mentale et l’usage de méthamphétamine, pourraient annoncer ce qui arrivera dans d’autres parties du Canada et d’autres pays à revenu élevé au cours de la prochaine décennie.

—Sean R. Hosein

Ressources

CAAN Communautés, alliances et réseaux

Donner suite aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliationGouvernement du Canada

Soins du VIH centrés sur les femmesCHIWOS

Des personnes qui s’injectent des drogues signalent des obstacles particuliers au traitement de l’hépatite CNouvelles CATIE

On constate des améliorations de la survie, mais des changements dans les causes de décès en AlbertaNouvelles CATIE

Des scientifiques encouragent le dépistage simultané de trois virus : VIH, VHB et VHCNouvelles CATIE

2025 AIDS TargetsONUSIDA (en anglais seulement)

Comprendre les mesures des progrès réalisés pour atteindre les objectifs 95-95-95 en matière de dépistage, de traitement et de suppression virale du VIHONUSIDA

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