Les personnes exposées sexuellement au VIH qui commencent un traitement contre le virus dans les 72 heures suivant l’exposition et qui continuent de prendre leurs médicaments tous les jours pendant 28 jours réduisent considérablement leur risque d’être infectées par le VIH. Lorsqu’on utilise des médicaments de cette façon pour prévenir l’infection par le VIH, il s’agit d’une prophylaxie post-exposition (PPE).
Typiquement, les gens obtiennent la PPE dans le service des urgences d’un hôpital, parfois à la suite d’une consultation avec un spécialiste des maladies infectieuses. Cependant, se présenter à l’urgence peut être intimidant pour certaines personnes, de sorte que l’urgence elle-même devient par inadvertance un obstacle à l’accès.
Pendant deux ans, des chercheurs d’Ottawa ont mené une étude dans des cliniques de santé sexuelle communautaires où des infirmières dirigeaient des programmes destinés à évaluer la demande pour la PPE et son utilisation. Au cours de cette période, 112 personnes ont demandé la PPE, et 72 d’entre elles l’ont commencée. La plupart des personnes qui ont commencé la PPE étaient des hommes (93 %), et la majorité de ces derniers (88 %) étaient gais, bisexuels ou des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH). Parmi les hommes qui étaient séronégatifs au moment de demander la PPE, qui ont commencé celle-ci et qui sont retournés pour des tests de contrôle et d’autres évaluations six et 16 semaines plus tard, aucun n’est devenu séropositif au cours de cette période.
Les chercheurs ont conclu que « la PPE anti-VIH administrée par des infirmières peut être un moyen efficace de fournir des services de prévention du VIH aux personnes à risque élevé ».
Détails de l’étude
Des chercheurs à l’Université d’Ottawa ont collaboré avec deux cliniques communautaires relevant de Santé publique Ottawa, soit le Centre de santé-sexualité et GayZone. Les chercheurs ont recruté des infirmières qui avaient déjà une expertise en ce qui concerne la prise en charge des infections transmissibles sexuellement (ITS) et les ont formées et éduquées sur l’usage de la PPE contre le VIH. L’équipe de recherche a ensuite « autorisé [les infirmières], sous directives médicales, à fournir la PPE » aux personnes qui la demandaient si celles-ci répondaient aux critères suivants :
- potentiellement à risque élevé d’infection par le VIH (principalement en raison de rapports sexuels anaux ou vaginaux sans condom et/ou de partage de matériel de consommation de drogues)
- absence d’anticorps anti-VIH au moment du dépistage et absence de symptômes de l’infection au VIH très précoce (séroconversion)
Les infirmières dispensaient ensuite une « trousse de départ » de PPE contenant les médicaments anti-VIH suivants :
- raltégravir (Isentress)
- combinaison à doses fixes de deux médicaments : ténofovir + emtricitabine (Truvada)
Les infirmières ont également administré des tests de dépistage d’ITS courantes (chlamydia, gonorrhée et syphilis).
Les infirmières ont également dirigé les participants vers des ressources additionnelles, tels qu’un service de counseling offert par un organisme en VIH communautaire ou un service de conseils assuré par un pharmacien.
Les participants ont reçu une trousse de départ afin d’avoir des réserves suffisantes de médicaments en attendant de voir un spécialiste des maladies infectieuses. Ensuite, ce dernier discutait d’enjeux additionnels, comme la possibilité d’effets secondaires, conseillait les participants au sujet des risques et demandait d’autres tests de laboratoire (y compris des évaluations de la santé du foie et des reins).
Accès
Les ministères provinciaux et territoriaux de la santé subventionnent certains médicaments pour certains problèmes de santé. Cependant, la couverture de la PPE pour les expositions au VIH survenues lors de rapports sexuels consensuels est inégale d’un bout à l’autre du Canada. Dans ce cas, si le traitement n’était pas couvert par les assurances privées des participants, l’étude payait la PPE à raison d’environ 1 600 $ par personne.
Résultats : demandes pour la PPE
Au cours de l’étude, 112 personnes ont demandé la PPE. Elles avaient en moyenne 33 ans et étaient majoritairement des hommes. Ils ont habituellement demandé la PPE dans les 32 heures suivant leur exposition potentielle au VIH.
Un total de 72 participants ont commencé la PPE. Chez les participants qui n’ont pas suivi de PPE, les principales raisons pour ne pas le faire ont été les suivantes :
- Les participants ont demandé la PPE plus de 72 heures après l’exposition potentielle au VIH.
- Les participants ont reçu un résultat réactif au test administré au point de services au moment où la demande pour la PPE a été faite (on peut considérer un tel résultat comme un indice préliminaire de séropositivité). Même si les infirmières faisaient ensuite un prélèvement sanguin en vue d’un test de dépistage du VIH standard effectué dans un laboratoire de référence, un résultat réactif portait fortement à croire que la personne était déjà infectée par le VIH et que la PPE serait inutile.
- Les participants ont décidé de ne pas demander la PPE après avoir été renseignés par les infirmières sur la complexité relative de la PPE, c’est-à-dire la nécessité de la prendre pendant 28 jours consécutifs, la possibilité d’effets secondaires, et la nécessité de passer des tests de dépistage du VIH avant de commencer la PPE et de nouveau après l’avoir terminée.
Résultats des dépistages du VIH et des autres tests
Tous les participants ont passé un test de dépistage à la fois au point de service (PDS) et des tests sanguins standards. On a déterminé que six participants qui ont demandé la PPE étaient déjà séropositifs. Dans quatre cas, les tests effectués aux PDS ont donné ces résultats, alors que la séropositivité de deux participants a été déterminée par des tests sanguins standards. Pour comprendre pourquoi il y avait une différence entre les résultats du test de dépistage au point de service et aux tests sanguins standards, veuillez consulter le Feuillet sur les technologies de dépistage du VIH.
Les participants qui ont commencé la PPE étaient censés retourner aux cliniques communautaires pour des dépistages du VIH et des évaluations additionnelles six et 16 semaines après la fin de la PPE. Seulement 36 % des utilisateurs de la PPE sont retournés aux cliniques pour ces dépistages et évaluations. Il n’empêche que tous les participants qui sont retournés pour des dépistages de suivi aux moments prévus se sont révélés séronégatifs.
Un an après la fin de la PPE (et l’obtention du résultat négatif au test de dépistage du VIH), quatre hommes ont reçu un résultat positif pour le VIH lors d’un dépistage d’ITS de routine.
Aucun participant n’a reçu de résultat positif pour la chlamydia, la gonorrhée ou la syphilis.
Résultats clés
Cette étude menée à Ottawa a permis de constater qu’il est faisable de mettre sur pied des cliniques PPE dirigées par des infirmières en dehors des contextes hospitaliers. De plus, la clinique en question a réussi à intégrer le dépistage du VIH et des ITS.
Comme les participants ont passé un test de dépistage du VIH avant d’avoir accès à la PPE, les infirmières ont découvert des cas d’infection au VIH parmi des hommes qui ne se croyaient pas infectés. Cela laisse croire que le fait de rendre la PPE accessible dans les contextes communautaires pourrait aussi augmenter les taux de dépistage du VIH et d’obtention de soins (notons que les hommes séropositifs ont été rapidement orientés vers un spécialiste des maladies infectieuses durant cette étude).
Quatre hommes qui ont reçu des résultats négatifs avant et peu de temps après la fin de leur PPE ont reçu subséquemment un test positif pour le VIH un an plus tard. Cela laisse soupçonner la continuation de comportements à risque élevé, comme on l’a découvert lors d’une étude sur la PPE à Boston. Selon l’équipe d’Ottawa, les infections subséquentes survenues lors de leur étude « soulignent la nécessité de faire un suivi à long terme auprès des patients qui utilisent la PPE, ainsi que la nécessité d’envisager une prophylaxie pré-exposition (PrEP) contre le VIH. »
L’équipe de recherche a également fait valoir qu’un programme de PPE dirigé par des infirmières était susceptible d’assurer des économies au système de santé.
Les chercheurs ont conclu leur rapport avec la déclaration suivante :
« Les mesures visant l’élimination des barrières à la PPE, telles que la réduction du coût et l’amélioration de l’accessibilité, devraient être considérées comme des éléments importants de la prévention du VIH et de la réduction des taux globaux d’infection dans la communauté. »
Remerciement
Nous remercions le spécialiste des maladies infectieuses Paul MacPherson, M.D., Ph. D., pour nos discussions utiles, son assistance à la recherche et l’expertise prêtée à l’examen de cet article.
Ressources
La prophylaxie post-exposition (PPE) – Feuillet d’information de CATIE
Updated PEP guidelines in cases of sexual, injecting drug use or other non-occupational exposure to HIV – U.S. Centers for Disease Control and Prevention (CDC), 2016 (en anglais seulement)
On découvre un taux élevé de problèmes de santé mentale parmi certains utilisateurs de la PPE – Nouvelles CATIE
Le programme de PPE – Étude de cas, Connectons nos programmes
Guide pour la prophylaxie après une exposition au VIH, au VHB et au VHC dans un contexte non professionnel : Résumé 2e édition – Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, 2013
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCES :
- O’Byrne P, MacPherson P, Roy M, et al. Community-based, nurse-led post-exposure prophylaxis: results and implications. International Journal of STD & AIDS. 2016; in press.
- Thomas R, Galanakis C, Vézina S, et al. Adherence to post-exposure prophylaxis (PEP) and incidence of HIV seroconversion in a major North American Cohort. PLoS One. 2015 Nov 11;10(11):e0142534.
- Jain S, Oldenburg CE, Mimiaga MJ, et al. High levels of concomitant behavioral health disorders among patients presenting for HIV non-occupational post-exposure prophylaxis at a Boston community health center between 1997 and 2013. AIDS and Behavior. 2016 Jul;20(7):1556-63.
- Henderson DK, Gerberding JL. Prophylactic zidovudine after occupational exposure to the human immunodeficiency virus: an interim analysis. Journal of Infectious Diseases. 1989 Aug;160(2):321-7.