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Composer avec les traumatismes historiques dans les soins de santé entourant le VIH et l’hépatite C

La navigation par les pairs est un service de soutien en matière de santé qui est offert par des personnes ayant un vécu similaire à celui des bénéficiaires. Ce service promet d’aider les personnes à surmonter les difficultés d’accès aux soins de santé et à améliorer leur santé1,2,3,4,5,6. Mais peut-il tenir cette promesse aux femmes autochtones cisgenres et transgenres qui vivent avec le VIH ou l’hépatite C et à celles qui suivent un traitement (FAVT) en Colombie-Britannique?

Bien qu’elles reconnaissent la valeur du service de pairs navigateurs, de nombreuses FAVT ne l’utilisent pas. « Le soutien par les pairs est très important » et « Je n’utilise pas le soutien par les pairs » sont deux messages couramment entendus chez les FAVT de la communauté Peers4Wellness. Ce fossé indique une occasion manquée, laquelle a été attribuée aux traumatismes historiques subis dans les soins de santé. Précisons que les soins de santé sont des services institutionnalisés visant à améliorer ou maintenir la santé7. Par traumatisme historique, on entend les préjudices actuels et transgénérationnels subis collectivement par les peuples autochtones depuis le premier contact8,9. Et ces préjudices se perpétuent dans les soins de santé. Dans une volonté de réconciliation, cet article met en lumière les traumatismes historiques dans les soins de santé et la façon dont ils peuvent compromettre les services de pairs navigateurs en contextes autochtones.

Tisser les vérités

Le présent article fait partie de Peers4Wellness, un projet de recherche communautaire mené par des Autochtones et des pairs en Colombie-Britannique, sur le territoire non cédé des Salish de la côte. Le savoir présenté dans l’article a été recueilli dans le cadre d’une évaluation des besoins (2017–2021) auprès de la communauté Peers4Wellness et à partir de lectures d’une sélection de documents. L’article est un éventail d’opinions de la communauté Peers4Wellness (les personnes qui disent la vérité) et de celles de la première autrice et de l’autrice en chef (personnes qui communiquent la vérité). Les citations sont tirées directement des paroles de la communauté Peers4Wellness. Le texte non cité reflète les connaissances qu’ont tirées la première autrice et l’autrice en chef en écoutant la communauté Peers4Wellness et en lisant la documentation.

Vérités

Les FAVT et leurs allié·e·s sont fort·e·s et résilient·e·s. Guidé par ces attributs, le chemin à parcourir implique d’exprimer et d’écouter de dures vérités. « Nous devons rendre dignité et respect à ce qui est arrivé aux personnes qui ont été maltraitées par le système. » C’est une étape nécessaire dans « un processus de réciprocité et de réconciliation pour les femmes qui ont été si profondément lésées par le système de soins de santé. »

Les dures vérités présentées dans cet article n’ont pas pour but d’éclipser les vérités plus positives sur le système de soins de santé et son personnel. « Du point de vue médical, tout est pris en charge » est une déclaration qui reflète l’expérience de quelques FAVT de la communauté Peers4Wellness, qui étaient satisfaites des soins reçus pour le VIH et l’hépatite C. Les FAVT de la communauté ont également reconnu le rôle d’allié·e·s des prestataires de soins de santé, qui « offrent vraiment beaucoup d’aide » et qui « sont compréhensifs et collaboratifs et [qui] ne posent pas de jugement ».

Reconnaissant ces forces et cherchant la réconciliation, la communauté Peers4Wellness a exprimé dix grandes vérités :

  1. Dans les soins de santé, les traumatismes historiques sont perpétués par le racisme envers les Autochtones. C’est ce qu’on appelle le traumatisme historique lié aux soins de santé.
  2. Le racisme envers les Autochtones dans le système de soins de santé se traduit par de la discrimination à leur égard, la dévalorisation de leur vécu, le peu d’attention accordé aux soins communautaires et la sous-représentation des pratiques de guérison autochtones, des soignant·e·s autochtones et des espaces de soins autochtones.
  3. Le travail des pairs navigateurs n’est pas très valorisé dans le système de soins de santé. Les pairs manquent de ressources et de l’autorité nécessaires à l’accomplissement de leur travail, ce qui les empêche de bien le faire. Il s’agit là d’un produit du racisme envers les Autochtones et d’un symptôme des traumatismes historiques liés aux soins de santé.
  4. Le racisme envers les Autochtones dans les soins de santé entraîne des effets négatifs sur les FAVT et les pairs navigateurs.
  5. Le racisme envers les Autochtones dans les soins de santé éloigne les FAVT et les pairs navigateurs des soins du VIH et de l’hépatite C. Certaines FAVT abandonnent les soins de santé pour éviter d’être retraumatisées. Les pairs navigateurs s’épuisent à cause des traumatismes historiques liés aux soins de santé.
  6. La plupart des FAVT de la communauté Peers4Wellness n’ont pas eu recours aux services de navigation par les pairs. Les raisons : 1) il y a des disparités entre ce dont les FAVT ont besoin et ce que les pairs navigateurs peuvent offrir; 2) la fonction de pair navigateur n’est parfois qu’une mesure de façade, et certaines FAVT n’ont pas trouvé le service utile; et 3) les pairs navigateurs qui sont épuisé·e·s peuvent involontairement faire du tort aux FAVT.
  7. Les FAVT ont besoin de soins de santé exempts de traumatismes historiques. Pour répondre à ce besoin, il faut plus que de la navigation par les pairs.
  8. Les pairs navigateurs peuvent aider les FAVT à affronter les traumatismes historiques liés aux soins de santé, mais ils ne peuvent pas les en protéger. Au mieux, les pairs navigateurs peuvent atténuer ces traumatismes historiques.
  9. Pour régler les traumatismes historiques liés aux soins de santé, il faudra une transformation systémique complète, qui implique d’équilibrer les ressources et les responsabilités entre le système occidental (institutions et professions) et les systèmes autochtones (communautés et pairs).
  10. La navigation par les pairs promet de rendre les soins de santé plus accessibles. Afin qu’elle puisse tenir cette promesse aux FAVT, elle doit être intégrée dans des milieux de soins de santé exempts de traumatismes historiques. Cela nécessitera des politiques en matière de soins de santé et des pratiques souples déterminées pour qu’une réelle réconciliation ait lieu.

Un double coup dur : les traumatismes historiques liés aux soins de santé

Par traumatisme historique, on entend les préjudices coloniaux transgénérationnels subis par les Autochtones au Canada et ailleurs dans le monde8,9,10. Dans le domaine des soins de santé, les traumatismes historiques se perpétuent en raison du racisme envers les Autochtones11. C’est ce qu’on appelle les traumatismes historiques liés aux soins de santé. 

Le racisme envers les Autochtones est un type particulier de racisme. Il « perpétue la colonisation et est lui-même colonisateur », et fonctionne grâce à l’« invisibilité culturelle » et la « hiérarchie sociale ». L’invisibilité culturelle est vécue comme une sous-représentation des pratiques de guérison, des soignant·e·s et des espaces de soins autochtones. Ainsi, comme l’a fait remarquer une personne membre de la communauté Peers4Wellness, les Autochtones « ne trouvent pas beaucoup de ressources adaptées à la culture ou à la manière dont [ils aimeraient] être soutenus. On dirait qu’on nous dit voilà, c’est tout ce qu’il y a, et si ça ne nous convient pas, eh bien c’est dommage, on n’aura pas de soutien ». La hiérarchie sociale est perçue comme de la discrimination à l’égard des FAVT, en particulier celles qui utilisent des drogues ou qui vivent dans le Downtown Eastside de Vancouver. Les FAVT ont besoin de soins. Au lieu de cela, comme l’a noté l’une d’entre elles, elles reçoivent « des remarques condescendantes et un manque de compassion – ils nous regardent, ils me regardent, moi et ma peau brune – parce que je suis une personne ayant une dépendance et que j’ai des problèmes de santé mentale et tout ça, et ils me provoquent dès le départ. » De plus, « nos femmes du Downtown Eastside, si elles ont le code postal du quartier et que vous les amenez à [nom de l’hôpital], beaucoup d’infirmier·ère·s et de médecins les traiteront différemment. »

Le racisme envers les Autochtones dans les soins de santé est (re)traumatisant. « Pour un·e Autochtone dans ce système, c’est comme si on vous rejetait en tant qu’être humain. C’est une blessure à l’âme qui persiste, après avoir été tellement maltraité·e, de génération en génération. » Cette blessure est encore plus profonde pour les FAVT qui vivent avec le VIH et/ou l’hépatite C, car elle est exacerbée par « la honte liée au fait d’avoir une maladie du sang ». Les souffrances résultant des soins de santé alimentent le cycle du traumatisme historique.

Malgré leur résilience, les FAVT sont doublement affectées par les traumatismes historiques liés aux soins de santé. Les traumatismes causent de la détresse émotionnelle, qui peut déclencher une dépendance « adaptative » pouvant, à son tour, augmenter les risques de VIH et d’hépatite C : il y a donc préjudices directs8,11. Et parfois, ces risques coûtent des vies. Une FAVT de la communauté Peers4Wellness a expliqué : « Ce médecin est entré, m’a regardée, et m’a dit “Tout ce que vous voulez, c’est plus de pilules”, pour ensuite jeter le dossier sur la table et me dire de sortir. Eh oui. Encore une fois, le Créateur en est témoin, je n’aurais pas rechuté si cela ne s’était pas produit. »  Une autre femme autochtone : « Je les ai tous vus mourir du sida. J’ai vu ma mère mourir et beaucoup d’autres mourir de l’hépatite C. Et ça me brise le cœur parce qu’ils ne croyaient qu’en ce médecin, qui leur disait : “Eh bien, nous ne pouvons pas vous traiter, car vous n’avez pas de résidence fixe.” J’ai vu tant de personnes mourir inutilement. »

Certains préjudices indirects résultent de l’évitement des traumatismes. Bien que considéré comme une réponse adaptative normale, l’évitement des traumatismes peut se traduire par l’abandon des soins de santé10,11. Beaucoup de FAVT ont cessé d’aller chercher des soins de santé et ont renoncé à leur santé pour échapper aux traumatismes historiques liés aux soins de santé8,10,11. Selon une personne membre de la communauté Peers4Wellness : « Ce système de soins de santé nous rejette sans cesse. Pourquoi voudrais-je y retourner? C’est certain que je ne prendrai pas mes médicaments. » La déconnexion qui en résulte peut éloigner les FAVT et les pairs navigateurs, car en fuyant les soins de santé, les FAVT de la communauté Peers4Wellness ont également évité les programmes de pairs navigateurs qui y étaient associés. Et si les FAVT n’ont pas utilisé ces programmes, c’est aussi qu’elles n’en avaient pas besoin lorsqu’elles ont cessé de s’occuper de leur santé. Selon l’une d’entre elles : « Je n’ai pas vraiment utilisé le soutien par les pairs. En fait, je n’ai rien utilisé du tout. Parce que je n’ai pas pris soin de ma santé. »

Le traumatisme historique lié aux soins de santé représente un double coup dur pour ces personnes. « Bien souvent, pour nos femmes, le système est aussi toxique que la maladie elle-même », et cela peut conduire les FAVT à complètement éviter les soins de santé, y compris les services de pairs navigateurs.

Une incompatibilité : les services de pairs navigateurs pour surmonter les difficultés d’accès aux soins de santé

Les FAVT ont besoin de soins de santé qui ne sont pas (re)traumatisants, et donc exempts de racisme envers les Autochtones8,11,12,13. Pour atteindre ce niveau de soins, tout le monde doit s’impliquer, et pas seulement les pairs navigateurs5,14.

Le racisme envers les Autochtones est un obstacle systémique11. Pour l’éliminer, il faut donc un « réel changement radical global… plutôt un changement systémique, qui permettra aux personnes d’évoluer dans un environnement sécuritaire au quotidien8,11,12,14 ». Il faut donc des interventions à l’échelle du système pour concrétiser les appels à l’action (Commission de vérité et réconciliation), les appels à la justice (Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées) et les recommandations du rapport In Plain Sight11.

Mais avec la navigation par les pairs, « on se concentre sur le niveau individuel1,2,3,4,5,6,14 ». Cela suppose d’aider les FAVT à affronter les traumatismes historiques liés aux soins de santé, comme les accompagner à leurs rendez-vous médicaux, leur proposer des soins adaptés à leur culture et offrir de les écouter1,2,3,4. Bien qu’elles soient utiles, ces mesures de soutien par les pairs ne peuvent pas mettre fin à elles seules au racisme envers les Autochtones ou éviter que les FAVT ne soient (re)traumatisées dans les soins de santé5.

Par exemple, les FAVT de la communauté Peers4Wellness reconnaissent que les médecins, infirmier·ère·s et autres membres du personnel soignant doivent être mieux renseigné·e·s et changer afin de « comprendre notre réalité » et « réaliser que nous voulons de la compassion », comme l’ont noté deux d’entre elles. Les services de pairs navigateurs ne peuvent toutefois pas être tenus de changer la perspective, les attitudes et les comportements des professionnel·le·s de la santé. Comme l’a dit un pair navigateur, « les médecins, eh bien, ce sont les expert·e·s, donc ils ou elles peuvent être assez méprisant·e·s. C’est vraiment un élément important : on fait quoi avec les professionnel·le·s merdiques? » C’est ce qu’on appelle le privilège professionnel15, un exemple d’obstacle systémique aux soins de santé que les pairs navigateurs ne peuvent pas supprimer.

Évoquant son recours fréquent aux services de pairs navigateurs pour obtenir des soins de santé, une membre de la communauté Peers4Wellness a fait remarquer qu’« on déploie des efforts pour s’assurer que le pieu rond soit plus solide, mais on continue à essayer de le faire entrer dans un trou carré dans lequel il n’entre pas. Il faut respecter les Autochtones, et il faut aussi nous occuper du trou – du système. » Pour les FAVT, cette incohérence crée un fossé entre ce dont elles ont besoin (prévention des traumatismes historiques) et ce que la navigation par les pairs peut leur offrir (protection contre les traumatismes historiques)5. La première est proactive, la seconde est réactive. C’est pour cette raison que certaines FAVT n’ont pas trouvé utile la navigation par les pairs et l’ont abandonnée. Comme l’a évoqué une femme autochtone, « Je ne pense tout simplement pas qu’il y a d’avantages à avoir l’aide d’un pair navigateur en ce moment dans ma vie. C’est pourquoi je n’ai pas utilisé le service. »

Le fait que la clé (navigation par les pairs) n’entre pas dans la serrure (traumatismes historiques liés aux soins de santé) peut, pour des raisons pratiques, éloigner les FAVT des pairs navigateurs5,14.

Une mission impossible : la navigation par les pairs, une mesure pour sauver les apparences?

« Le travail des pairs est devenu cette sorte de position qui sert à sauver les apparences. » Il y a tokénisme lorsque l’inclusion de pairs navigateurs ne devient qu’une mesure symbolique, de façade, un « cache-misère ». Cette réalité peut empêcher les pairs navigateurs d’accomplir leur travail.

Les pairs navigateurs qui se retrouvent dans cette situation sont dépourvus de ressources pour leur bien-être et de formation, et ils ont peu de pouvoir14. Par exemple, la plupart des pairs navigateurs de la communauté Peers4Wellness n’avaient pas d’avantages sociaux liés à leur emploi14. Beaucoup se demandaient vers qui se tourner et où aller après une dure journée de travail. Par ailleurs, beaucoup de pairs navigateurs ont commencé leur travail sans avoir eu de formation adéquate14. Un commentaire qui revenait souvent était le besoin d’avoir plus de formation et, comme l’a fait remarquer une personne, « plus d’explications sur ce qu’il faut faire, car je n’en avais vraiment aucune idée ». Donner une seule formation et penser que c’est assez est aussi une mauvaise idée. Souvent, les pairs reçoivent une formation qui n’est pas suffisante pour leur permettre de poursuivre leurs apprentissages, et on ne semble pas réaliser qu’il s’agit de prestataires de services qui ont aussi besoin de formation continue14. Des pairs navigateurs ont également raconté avoir été mis de côté par des professionnel·le·s de la santé et d’autres décideurs du domaine14. Par exemple, « les médecins nous lançaient des regards en nous interrompant… comme si on était stupides ». En général, « il n’y avait aucun accès au pouvoir décisionnel, même en tant que personne en position de pouvoir dans une organisation… et encore moins les pairs. »

Pour les pairs navigateurs autochtones, les effets de cette situation étaient amplifiés de deux façons. D’abord, on leur a demandé de fournir du soutien culturel sans qu’ils aient d’aide pour approfondir leurs propres apprentissages culturels14. Pourtant, « une personne autochtone qui offre des services n’est pas nécessairement compétente sur le plan culturel [car] beaucoup de personnes ont été déracinées et n’ont pas grandi dans leur culture. » Deuxièmement, il y a eu beaucoup plus de belles paroles que d’actions pour les programmes de pairs menés par les Autochtones. « Les peuples autochtones ont été sérieusement marginalisés dans notre société, désavantagés à tous les égards et confrontés à d’énormes difficultés. Il faut donc atténuer ces difficultés et améliorer l’accessibilité… pour permettre aux gens de progresser, n’est-ce pas? Il est très important d’avoir des Autochtones à la tête du programme, mais nous ne réussissons pas à donner les outils nécessaires et à former ces futur·e·s leaders. »

L’utilisation de la navigation par les pairs comme d’une mesure de façade est un produit du racisme envers les Autochtones11. Les soins de santé privilégient les systèmes occidentaux (expériences professionnelles et institutions) par rapport aux systèmes autochtones (savoir expérientiel et communauté)8,16,17,18. Par exemple, « les pairs détiennent une telle sagesse, mais nous sommes limité·e·s par nos pratiques occidentales et trop colonisé·e·s pour puiser dans cette sagesse. » Par ailleurs, le « système occidental s’est accaparé toutes les ressources », laissant peu de choses aux personnes possédant un savoir expérientiel et à la communauté. Par exemple, « les ressources des professionnel·le·s du système de soins de santé sont sans commune mesure avec celles des pairs », car les professionnel·le·s reçoivent et accumulent la plupart des fonds destinés aux soins de santé. Cela inclut le financement direct et indirect. « Le financement direct est celui des programmes, et le financement indirect, celui des associations et des congrès. » Ce déséquilibre est visible dans le financement non viable des initiatives menées par les pairs et du recrutement de pairs, qui dépendent de subventions ou de financement ponctuel.

En limitant l’accès des pairs navigateurs aux ressources et aux responsabilités nécessaires, le tokénisme les a empêchés de remplir leurs fonctions. Selon les FAVT de la communauté Peers4Wellness, cela a nui à l’efficacité de la navigation par les pairs et a contribué au fait que « les pairs navigateurs ne peuvent pas faire grand-chose pour moi ».

Cette façon de considérer leur travail est un symptôme du traumatisme historique lié aux soins de santé. Elle peut rendre le travail de navigation par les pairs une « mission impossible14 ». Pour les FAVT, elle peut compromettre l’efficacité et, de ce fait, l’utilité de la navigation par les pairs.

Un effet domino : l’épuisement des pairs navigateurs

Les traumatismes historiques liés aux soins de santé provoquent des effets en chaîne. Comme l’a fait remarquer une personne membre de la communauté Peers4Wellness, « parfois, le stress se répercute partout du sommet à la base », du système de soins de santé aux pairs navigateurs, puis vers les FAVT.

Les pairs navigateurs portent une « lourde charge ». On leur demande de s’attaquer au problème systémique des traumatismes historiques liés aux soins de santé, et on s’attend à ce qu’ils le fassent sans les ressources et les responsabilités nécessaires14. Les pairs navigateurs de la communauté Peers4Wellness ont dit que « cela met trop de pression sur le personnel et les travailleur·euse·s de soutien, qui essaient de combler les lacunes », et qu’« il y a beaucoup de traumatismes vicariants », car ils et elles sont constamment confronté·e·s aux préjudices subis par les FAVT dans le système de soins de santé19,20. Cette situation rend la navigation par les pairs « très stressante et épuisante14 ».

L’épuisement professionnel est une réponse normale au stress et aux traumatismes liés au travail19,20. Il est toutefois associé à des conséquences néfastes, comme l’agressivité et l’utilisation de substances19,20,21,22. Par exemple, « il y a des personnes dans le domaine du soutien par les pairs, et des bénévoles, qui sont agressives verbalement envers les autres femmes et les hommes, et parfois ça en vient aux coups ». De plus, les pairs navigateurs peuvent rechuter « parce qu’ils n’avaient pas de soutien ».

En plus de faire du tort aux pairs navigateurs, l’épuisement professionnel peut détériorer encore plus les relations entre les FAVT, les pairs navigateurs et le système de soins de santé14. Il peut pousser les pairs navigateurs à porter préjudice, sans le vouloir, à des FAVT dont ils s’occupent14. C’est quelque chose qui préoccupe les FAVT de la communauté Peers4Wellness14. L’une d’entre elles explique : « Si je sais que la personne [de soutien] qui est là a peut-être des drogues ou de l’alcool sur elle, ou qu’elle en a consommé avant de venir, ou même qu’elle en consommera après, c’est très dangereux pour moi et mon rétablissement. Donc je ne peux même pas me risquer, ça ne peut pas marcher comme ça. » Pour les FAVT de la communauté Peers4Wellness, éviter de tels préjudices peut vouloir dire éviter la navigation par les pairs14.

De plus, l’épuisement professionnel peut couper les pairs navigateurs du système de soins de santé, et ce, de deux façons. Sans soutien du système, certains pairs navigateurs « ne voient pas comment ils pourraient continuer à faire leur travail ». Cette situation peut entraîner un roulement élevé20, car les pairs navigateurs se voient forcés de quitter leur travail14. L’accès au service devient alors « vraiment difficile, car il n’y a plus personne pour le faire ». Deuxièmement, certains pairs navigateurs protègent les FAVT en les éloignant des soins de santé traumatisants. Autrement dit, « si un pair navigateur est en colère contre le système de soins de santé, il ne voudra pas y envoyer de gens ». C’est pourquoi les FAVT ne reçoivent pas toujours de soins liés au VIH et à l’hépatite C même si elles sont en contact avec des pairs navigateurs. Dans les deux scénarios, l’épuisement professionnel peut compromettre la disponibilité et l’efficacité de la navigation par les pairs pour les FAVT.

L’épuisement des pairs navigateurs est un autre symptôme des traumatismes historiques liés aux soins de santé, et ses effets peuvent se répercuter sur les FAVT. « C’est comme un effet domino. » La conséquence : une désintégration des liens entre les FAVT, les pairs navigateurs et le système de soins de santé5,13.

Réconciliation

En vérité, les communautés autochtones, les FAVT et les pairs navigateurs sont des personnes fortes et résilientes. Elles affrontent les traumatismes historiques liés aux soins de santé avec autonomie, ténacité et solidarité. « J’y ai fait face moi-même. » : voilà une réponse donnée par beaucoup de FAVT. « Nous continuerons jusqu’à ce que notre travail soit terminé », ont dit de nombreux pairs navigateurs en parlant de leur travail. « Ce n’est pas seulement une communauté, c’est une famille que vous n’auriez jamais eue dans votre vie. Et c’est comme ça que nous tissons des liens. »

L’une des vérités, c’est que le système de soins de santé rate l’occasion de profiter des forces des pairs navigateurs pour aider les FAVT à aller chercher des soins liés au VIH et à l’hépatite C. Une autre vérité, c’est que la navigation par les pairs peut tenir ses promesses aux FAVT si elle est soutenue par des milieux de soins de santé exempts de traumatismes historiques.

Combinées, les vérités de la communauté appellent à débarrasser le système de soins de santé des traumatismes historiques. Pour y parvenir, il faudra appliquer le « principe fondamental de la réconciliation afin de créer des ressources ancrées dans la culture, dans la cérémonie, et qui restaurent l’image [autochtone] en corrigeant l’histoire ». Dans cette optique, la communauté Peers4Wellness a proposé une « vision autochtone » des soins liés au VIH et à l’hépatite C14. Des soins de santé qui ne reproduisent pas les traumatismes historiques, dans lesquels les FAVT et les pairs navigateurs sont appuyé·e·s et outillé·e·s pour favoriser la guérison de l’hépatite C et le traitement du VIH. Cette vision fera l’objet de la deuxième partie (Réconciliation) de cette série d’articles, qui sera publiée dans Point de mire sur la prévention à l’automne 2023.

Définitions

Navigation par les pairs : Navigation de la santé offerte par des pairs aidants1,2. Ce service consiste à aider les bénéficiaires à surmonter les difficultés d’accès aux soins de santé1,2,3,4,5,6. Les pairs aidants sont des soignant·e·s dont la caractéristique principale est d’avoir un vécu similaire à celui des bénéficiaires2,3,4,5,6,25.

Traumatisme historique : Les préjudices actuels et transgénérationnels subis collectivement par les Autochtones8,9. Le mot « historique » reconnaît les origines coloniales de ce traumatisme, qui perdure encore8,9. Au Canada, le traumatisme historique est le résultat de la colonisation et des politiques et pratiques subséquentes, notamment la dépossession des Autochtones de leurs terres, le système des pensionnats, la rafle des années soixante, les services de protection de l’enfance, le système correctionnel, le racisme, l’exclusion sociale et la violence envers les femmes autochtones8,23. Au niveau personnel, le traumatisme historique cause un stress cumulatif8,9,23,24, qui a des effets physiques, psychologiques, émotionnels et spirituels8,9,23. Pour affronter ces préjudices, certaines personnes ont recours à des pratiques non souhaitables telles que l’utilisation de substances ou l’évitement de lieux traumatisants comme les établissements de soins de santé8,9,10,223.

Soins de santé : Les services visant à améliorer ou à entretenir la santé7. La portée des soins de santé est déterminée par les politiques et dépend de la définition de santé. Les fonctions des soins de santé s’inscrivent dans un continuum allant de la santé publique aux soins médicaux7.

Bien-être : Un concept qui englobe les aspects physiques, sociaux, émotionnels et spirituels, pour tant à l’échelon de la personne que de la communauté12,23.

Soins de santé exempts de traumatismes historiques : Un concept qui décrit les milieux de soins de santé qui ne perpétuent pas les traumatismes historiques. Il suppose des politiques visant à prévenir que les Autochtones et leurs alliée·s soient traumatisé·e·s et (re)traumatisé·e·s dans les établissements de soins de santé. Ce concept fait appel à la proactivité et au principe sécurisant des soins tenant compte des traumatismes5,25.

Références

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À propos des auteur·trice·s

Sadeem Fayed

Je m’appelle Sadeem Fayed. Je suis une femme et une nouvelle arrivante sur les terres traditionnelles des peuples autochtones du Canada. J’habite sur le territoire non cédé des Salish de la côte à Vancouver, en Colombie-Britannique. Je travaille avec Pewaseskwan (the Indigenous Wellness Research Group), un groupe de recherche sur le bien-être des Autochtones. Je suis également étudiante au doctorat à la Faculté des sciences de la santé de l’Université Simon Fraser. J’étudie et je travaille dans le domaine de la recherche sur la santé et le bien-être des Autochtones depuis 2017. Je me concentre sur le projet Peers4Wellness, dans lequel je joue le rôle d’invitée externe à la communauté. Mon travail avec Peers4Wellness a été guidé par le mentorat de la Dre Alexandra King et du professeur Malcolm King. J’ai aussi travaillé en collaboration avec Sharon Jinkerson-Brass et Candice Norris, mes partenaires de recherche autochtones – nous nous appelons « le Clan ». En tant que première autrice de l’article, je bénéficie de la confiance des King, du Clan et du reste de la communauté Peers4Wellness. Je prends cette responsabilité au sérieux et avec courage. Dans ce rôle, je suis non seulement redevable à la communauté, mais aussi à toutes mes relations en tant que musulmane dont le Créateur « a proposé aux cieux, à la terre et aux montagnes la responsabilité […], et ils ont refusé de la porter et en ont eu très peur ». (Coran, verset 33:73).

L’un des grands apprentissages que j’ai faits, c’est que la recherche autochtone doit être axée sur les forces. J’ai toutefois eu du mal à relayer les voix de la communauté avec un ton positif. L’article porte sur les expériences des FAVT et des pairs navigateurs avec les soins de santé, et la plupart du temps, ces expériences ont été négatives. C’est ce que j’ai entendu (nous avons entendu) clairement lors des cercles de partage de Peers4Wellness. Mais je me suis posé les questions suivantes : comment puis-je relater ces vérités? Est-ce que je les exprime fidèlement? Ou est-ce que j’applique un filtre positif? Selon moi, la première approche risquait d’être perçue comme étant axée sur les insuffisances et donc insensible à la culture. La seconde risquait d’être vue comme manquant d’authenticité et également insensible à la culture. J’étais donc indécise.

Lorsqu’elle a lu mon premier jet, la Dre Alexandra King a écrit ceci : « La première section (sur les traumatismes historiques liés aux soins de santé) est tellement lourde et négative que je crains que les gens ne lisent pas jusqu’au bout. » Une partie de ma réponse : « Les vérités exprimées dans cet article sont douloureuses. Mais je crois qu’elles doivent être dites. Je m’inquiète plutôt du fait que la narratrice (moi) n’est pas autochtone. Le fait de rapporter certaines vérités négatives risque de me faire passer pour une autre étrangère qui peint un portrait rempli d’insuffisances. Mais je ne suis pas à l’aise non plus avec la rectitude politique. Je veux que ma voix se fasse l’écho des voix de la communauté qui sont citées dans le document. » J’ai donc préféré raconter les vérités telles que je les ai entendues. J’étais particulièrement en paix avec ma position, parce que les insuffisances cernées dans la discussion concernent le système de soins de santé – elles sont extérieures à la communauté Peers4Wellness. Le document que nous avons finalement publié reflète le terrain d’entente auquel nous sommes arrivé·e·s après nous être engagé·e·s à nous situer dans l’« espace éthique ».

Bien que lourdes et négatives, les vérités rapportées dans cet article sont nécessaires. Mais elles ne disent pas tout. Il s’agit aussi d’une histoire de résilience, qui témoigne des forces des communautés autochtones, des FAVT, des pairs navigateurs et de leurs allié·e·s dans le système de soins de santé. L’histoire commence (la première partie de cette série d’articles) par décrire les conditions difficiles du système de santé avec lesquelles la communauté Peers4Welllness doit composer. Elle se terminera (la deuxième partie de la série) en décrivant la vision de la communauté pour transformer les lacunes systémiques en occasions de changement positif. Pour entendre toute l’histoire, le public devra affronter quelques dures vérités (partie 1), avant d’atteindre le point culminant de la réconciliation (partie 2). Je m’attends à ce que la lecture soit mouvementée au début, mais inspirante à la fin.

Communauté Peers4Wellness

Cet article est guidé par les voix de la communauté Peers4Wellness en Colombie-Britannique, sur le territoire non cédé des Salish de la côte. Cinquante-trois personnes en font partie : des femmes autochtones (cisgenres et transgenres) qui vivent avec le VIH ou qui ont un savoir expérientiel de l’hépatite C; des pairs navigateurs autochtones et non autochtones, notamment des intervenant·e·s de première ligne, des organismes communautaires et des matriarches autochtones, dont Sharon Jinkerson-Brass, détentrice de savoir et associée de recherche communautaire; Candice Norris, travailleuse de soutien culturel et associée de recherche par les pairs; et la Dre Alexandra King, médecin interniste et chercheuse principale. La Dre Alexandra King est également l’autrice en chef de l’article.

Dre Alexandra King

Je m’appelle Alexandra King. C’est du moins le nom que reconnaît le gouvernement et que j’utilise au quotidien. J’ai toutefois été dotée de deux noms spirituels qui me rattachent profondément à mes ancêtres et à toutes mes relations. Je suis membre de la Première Nation Nipissing, qui est située dans ce qui est maintenant connu comme l’Ontario. Mes ancêtres autochtones sont du côté de ma mère, tandis que mon père était d’ascendance européenne mixte. J’ai été accueillie par la Première Nation des Mississaugas de Credit, la communauté de mon mari, où j’ai le privilège de résider. Je travaille, la plupart du temps à distance, sur le territoire du Traité no 6 et la terre ancestrale des Métis, sur ce qu’on appelle désormais Saskatoon, à l’Université de la Saskatchewan. J’ai l’honneur d’être titulaire de la chaire Cameco pour la santé et le bien-être des autochtones, qui est avant tout une chaire de recherche. En tant que médecin interniste, je fais aussi du travail clinique. J’ai toujours profondément admiré le savoir expérientiel et la sagesse qu’il peut apporter à un système de soins de santé respectueux des valeurs culturelles et adapté aux cultures. Selon moi, la recherche que fait la communauté Peers4Wellness (financée par les IRSC) est essentielle pour soutenir ce travail.