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Favoriser la réconciliation dans les soins liés au VIH et à l’hépatite C par des changements de paradigme exprimés dans un langage nouveau 

Les soins de santé sont traumatisants pour deux groupes de personnes1. D’une part, les femmes autochtones cisgenres et transgenres qui vivent avec le VIH ou ont un savoir expérientiel de l’hépatite C (FAVT)1. D’autre part, les pairs navigateurs (des prestataires de soins dont le rôle repose sur des expériences vécues qui sont similaires à celles des bénéficiaires de soins1). La partie 2.1 de cette série a montré que ce traumatisme est ancré dans une idéologie coloniale, laquelle est intégrée dans la définition du mot pair dans le domaine des soins de santé et dans la relation avec ces pairs (un groupe qui comprend les FAVT et les pairs navigateurs). Dans l’espoir d’une réconciliation, les FAVT et les pairs navigateurs ont demandé que cette idéologie soit abolie afin que les soins de santé ne causent plus de traumatismes.

La communauté Peers4Wellness (voir plus bas) a posé la question suivante : le secteur des soins de santé peut-il modifier son langage de manière à rétablir les relations avec les femmes autochtones et les pairs navigateurs? 

Voici donc le récit d’une communauté qui fait la promotion du langage de la réconciliation dans les soins de santé. Les grandes lignes : 1) il explique comment l’idéologie coloniale peut se propager dans les mots pairs et égal/égalité, comme le constatent les FAVT et les pairs navigateurs dans les soins de santé; 2) il décrit comment ces mots peuvent participer à la traumatisation des FAVT et des pairs navigateurs dans les soins de santé; et 3) il propose des pistes pour décoloniser et autochtoniser les mots pair et égal/égalité afin d’obtenir des termes sécurisants pour les FAVT et les pairs navigateurs. Faire le travail de réconciliation, c’est aussi parler le langage de la réconciliation. Telle est la devise de notre récit (les termes réconciliation, décolonisation et autochtonisation sont définis dans le corps de l’article). 

Tisser les voix de la réconciliation 

Le présent article fait partie d’une série qui vise à répondre aux Appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation et aux Appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Il présente les enseignements tirés de Peers4Wellness1, un projet de recherche communautaire mené par des Autochtones et des pairs en Colombie-Britannique (C.-B.), sur le territoire non cédé des Salish de la côte. Le savoir présenté dans l’article a été recueilli dans le cadre d’une évaluation des besoins (2017–2021) auprès de la communauté Peers4Wellness (appelée « communauté » dans l’article). L’évaluation a examiné le besoin de programmes de navigation par les pairs selon une vision autochtone en Colombie-Britannique.

L’article applique la méthodologie Braiding Voices (tisser les voix), qui est influencée par le récit autochtone1–3. Les principaux conteurs et conteuses sont des membres de la communauté. La première autrice et l’autrice en chef sont les gardiennes du récit. Le texte est principalement rédigé à la première personne, au moyen de citations qui portent la voix de la communauté et de chercheur·euse·s autochtones. Nous invitons le public à prendre le temps de comprendre les citations et à les comprendre à sa manière. Le texte non cité reflète les enseignements que la première autrice et l’autrice en chef ont tirés de la communauté et de la documentation. La méthodologie Braiding Voices honore et met de l’avant les idées et les voix de la communauté et des Autochtones.

Synopsis : raviver l’essence du mot pair

Les FAVT, les pairs navigateurs et la communauté Peers4Wellness reprennent possession du mot pair et de son essence d’égalité. L’essence du mot se ravive.

Le mot pair se vide de son sens colonial. Pair n’est pas synonyme d’« eux ». Pair désigne à la fois tout le monde et personne. Pair n’est pas synonyme d’inégalité [1] au niveau du statut social et des droits de la personne. Pair veut dire égal. Pair abandonne l’idée de similitude, une condition coloniale préalable à l’égalité. Pair adopte la connexion authentique (une base commune qui intègre la diversité) comme critère autochtone d’égalité. Pair nous enseigne que l’égalité est la façon dont on se lie les uns aux autres, peu importe nos similitudes ou nos différences. Pair est un mot qui n’est pas traumatisant pour les FAVT et les pairs navigateurs. Pair incite le secteur des soins de santé à parler le langage de la réconciliation. Pair se guérit de la colonialité. Pair évoque l’autochtonité de l’être. Pair aide le secteur des soins de santé à décoloniser et à autochtoniser leurs termes traumatisants.

Enseignements

  1. La réconciliation est une démarche visant à guérir les relations entre les pairs (représentant un groupe qui comprend les FAVT et les pairs navigateurs) et les soins de santé. L’un des objectifs de la réconciliation est de mettre fin à la (re)traumatisation des FAVT et des pairs navigateurs par le secteur des soins de santé (c’est-à-dire le traumatisme historique lié aux soins de santé). Pour y parvenir, les soins de santé doivent déraciner la colonialité de l’être (la décolonisation) et planter les graines de l’autochtonité de l’être (l’autochtonisation). 
  2. La colonialité (ou colonialité de l’être) est un générateur invisible de traumatisme historique lié aux soins de santé. Pour ce qui est des soins liés au VIH et à l’hépatite C, la colonialité est ancrée dans la manière dont le secteur des soins de santé définissent le mot pair (en tant qu’identité de groupe) et interagissent avec les pairs (les membres du groupe des pairs). 
  3. L’autochtonité de l’être fait référence aux croyances, aux attitudes et aux relations qui représentent la filiation, la complétude et la relationnalité autochtones. L’autochtonité de l’être protège contre le traumatisme historique lié aux soins de santé. 
  4. Dans le cadre des soins liés au VIH et à l’hépatite C, les FAVT et les pairs navigateurs peuvent ressentir le mot pair comme étant marginalisant et traumatisant. 
  5. Pour décoloniser le langage des soins de santé, la communauté a rejeté la logique et le symbolisme coloniaux du mot pair.
  6. Par essence, pair incarne une identité collective qui unit, renforce et guérit.
  7. Pour autochtoniser le langage des soins de santé, la communauté s’est réapproprié l’essence du mot pair. Certains membres de la communauté ont proposé de désigner par le terme pair toutes les personnes du secteur de la santé qui entretiennent des relations sécuritaires (non traumatisantes) et propices à la guérison.
  8. Dans le secteur des soins de santé, le mot pair peut vouloir dire que les FAVT et les pairs navigateurs sont égaux. En revanche, le terme pair peut aussi impliquer que les FAVT et les pairs navigateurs sont inégaux par rapport à tout·e autre prestataire de soins de santé. La communauté rejette cette conception clivante de la notion d’égal/égalité.
  9. Vivre l’égalité (être égal), c’est avoir une base commune. Dans le secteur des soins de santé, cette base commune repose sur la similitude (par exemple, la similitude de l’état de santé, du rôle dans les soins de santé, de la classe sociale à laquelle on appartient). Pour la communauté, la base commune de l’égalité est la connexion authentique (une relation à l’autre qui est profonde, sans égard aux similitudes ou aux différences, en acceptant que notre filiation fait partie du tissu de l’existence). 
  10. Faire le travail de réconciliation (selon la partie 2.3), c’est aussi parler le langage de la réconciliation. La communauté demande au secteur des soins de santé de parler le langage de la réconciliation. 

Réconciliation

De façon générale, la réconciliation peut être définie comme un processus de guérison des relations entre les communautés autochtones et les systèmes de colonialisme de peuplement (ou simplement le colonialisme4). L’un des principaux objectifs de la réconciliation est de réparer les préjudices infligés par le colonialisme et d’y mettre fin4. La réconciliation nécessite un changement systémique1. La marche à suivre est décrite dans les Appels à l’action et les Appels à la justice. Le travail de réconciliation implique la décolonisation (déconstruire le colonialisme) et l’autochtonisation (libérer les systèmes autochtones en vue de favoriser des relations de Nations à Nations 4,5).

Dans ce récit, nous définissons la réconciliation comme un cheminement visant à guérir les relations entre les pairs et les soins de santé. Son objectif est de mettre fin au traumatisme historique lié aux soins de santé (la perpétuation du traumatisme historique subi dans les soins de santé – le traumatisme historique est le traumatisme transgénérationnel que le colonialisme a causé aux peuples autochtones du Canada et du monde entier) (1). La réconciliation exige de s’attaquer aux causes profondes du traumatisme historique dans les soins de santé. Pour parvenir à la réconciliation, « nous avons besoin d’un terreau riche », a prêté [2] un·e membre de la communauté Peers4Wellness. Les soins de santé doivent donc déraciner la colonialité de l’être (la décolonisation) et planter les graines de l’autochtonité de l’être (l’autochtonisation)6.

Colonialité de l’être 

La partie 2.1 de cette série a montré que la colonialité est un générateur invisible de traumatisme historique lié aux soins de santé6. Pour rappel, la colonialité fait référence aux croyances, aux attitudes et aux relations séparatistes qui créent des divisions et des hiérarchies sociales. Dans le cadre des soins liés au VIH et à l’hépatite C, la colonialité se manifeste à travers une conception du mot pair comme une identité dévalorisée et désavantagée. La colonialité s’exprime aussi dans le statut inégal des pairs (seconde classe) par rapport à toutes les autres personnes dans le domaine de la santé, au niveau de la valeur intrinsèque et des droits de la personne. Il en résulte un environnement social (re)traumatisant, qui permet au secteur des soins de santé de refuser aux pairs (en tant que groupe) des droits universels en matière de soins de santé (des normes de base en matière de soins et de travail dont toute la population canadienne est en droit de bénéficier).

Le langage peut cimenter la colonialité en lui donnant une forme symbolique6. Le présent article montre comment les concepts de pair et d’égal dans les soins de santé peuvent contenir une signification coloniale et ainsi propager le traumatisme historique lié aux soins de santé. Enfin, la communauté a incité le secteur des soins de santé à décoloniser les mots pair et égal/égalité (décoloniser les caractéristiques conceptuelles, les limites et les prérequis du mot7).

Autochtonité de l’être 

Nous définissons l’autochtonité de l’être comme des croyances, des attitudes et des relations qui reflètent la filiation, la complétude et la relationnalité des visions du monde autochtones8–11. L’autochtonité de l’être crée un environnement social sécuritaire, dans lequel les droits universels en matière de soins de santé de chaque personne sont protégés et où la perpétuation du traumatisme historique dans les soins de santé est évitée.

La filiation signifie « connexion à tout », a prêté un·e membre 8,11. Chaque personne fait partie d’un « tissu de relations qui est tissé depuis des temps immémoriaux », décrivent Erika Campbell et ses coauteur·trice·s (p. 9)11. Nous sommes intimement lié·e·s dans les dimensions « spirituelles, intellectuelles, physiques, émotionnelles » et holistiques de la vie, comme l’a souligné un·e membre. « Et c’est ainsi que nous connectons » à un niveau rudimentaire, a prêté un·e autre membre. 

La complétude suppose que toutes les parties de la filiation sont égales8,12,13. Nous « sommes comme les abeilles ouvrières », a prêté un·e membre. Chaque personne a la même valeur et mérite de jouir de ses droits. 

La relationnalité signifie se montrer responsable envers « Toutes mes relations », comme l’a dit un·e membre8,11,14,15. La relationnalité s’exprime sous forme de liens sociaux, par lesquels les gens éprouvent un sentiment d’appartenance et agissent solidairement pour protéger les droits de chacun16–18

Cet article décrit comment l’autochtonité de l’être peut trouver sa place dans les mots, lesquels intègrent l’unité de la filiation, l’égalité de la complétude et la solidarité de la relationnalité. La communauté a invité les soins de santé à modifier leur façon de s’exprimer en manifestant l’autochtonité de l’être.

Le pair n’est pas l’autre

La partie 2.1 de cette série a décrit comment la colonialité construit l’identité de pair d’une façon qui est traumatisante pour les FAVT et les pairs navigateurs. « Et il est grand temps que les pairs, que les personnes ayant un savoir expérientiel, fassent ce travail. Que nous fassions valoir notre rôle, que nous définissions notre [titre] et que nous le revendiquions, peu importe où », a déclaré un·e membre. Dans un premier temps, la communauté a cherché à décoloniser le mot pair en déconstruisant sa logique coloniale sous-jacente.

Selon la communauté, pair fait référence à un sous-groupe de personnes au sein du milieu des soins liés au VIH et à l’hépatite C. Au lieu de désigner « des gens comme nous », comme a prêté un·e membre, le mot pair peut distinguer les personnes qui « sont atteintes du VIH ou de l’hépatite C, ou qui utilisent ou ont déjà utilisé des drogues » et qui ne sont pas des « professionnel·le·s », ont dit les membres 1,19. Le terme pair peut aussi être synonyme de déficit et faire résonner « ce ton de jugement, comme s’ils et elles [c’est-à-dire tou·te·s les autres prestataires de soins de santé] étaient bien meilleur·e·s que moi [le pair] », a déclaré un·e membre 1,19. Selon la communauté, la désignation pair peut être empreinte de la stigmatisation liée au VIH et à l’hépatite C et être associée à un manque de compétence.

La logique coloniale derrière cette conception de pair est arbitraire et biaisée pour deux raisons. D’abord, elle impose des délimitations rigides entre la maladie et la personne, entre le vécu et l’expérience professionnelle et entre le rôle d’expert·e et de non-expert·e 1,20–30. Ensuite, elle confère une connotation négative aux limites des pairs, mais épargne les limites de tou·te·s les autres personnes. Explications de la communauté : 

La logique coloniale (telle que nous la voyons) : Lorsqu’on a une maladie, on incarne la maladie. C’est pourquoi la personne qui bénéficie des soins est généralement appelée « patient·e » et non « personne » 31,32.

La réponse de la communauté : « Je ne veux pas me faire appeler patient·e », car « la personne n’est pas définie par la maladie ». « Il s’agit avant tout de personnes; les symptômes et la maladie doivent être relégués au second plan. » « Je veux être considéré·e comme une personne, comme un tout. » 

La logique coloniale (telle que nous la voyons) : Le vécu et l’expérience professionnelle ne se recoupent pas. Par conséquent, le terme pair est réservé aux non-professionnel·le·s (aux personnes possédant un savoir expérientiel).

La réponse de la communauté : Nous avons toutes et tous un vécu, même si nous avons une expérience professionnelle. « En tant qu’êtres humains, nous avons beaucoup plus de choses en commun que de différences. » Et « d’une façon ou d’une autre, nous avons toutes et tous eu affaire au système de soins de santé pour des raisons personnelles, n’est-ce pas? » Notre vécu commun se déploie sur un continuum allant de l’expérience unique à l’expérience universelle. Par exemple, les personnes séropositives ou atteintes de l’hépatite C possèdent des « connaissances personnelles que vous ne trouverez pas auprès du corps médical ». Les personnes séropositives ou atteintes de l’hépatite C ont également en commun des expériences humaines avec les « professionnel·le·s ». Par exemple, à l’époque où un·e membre de la communauté était interne en médecine, « les gens me demandaient si je pouvais servir d’intermédiaire; ils semblaient plus à l’aise de me parler de ce dont ils avaient besoin, et c’est moi qui allais discuter avec les autres professionnel·le·s de la santé ». Peu importe vos titres, « si on vous voit comme un être humain… vous pouvez travailler avec eux et partir de cette base » d’un vécu commun.

La logique coloniale (telle que nous la voyons) : Les rôles d’expert·e et de non-expert·e sont incompatibles. 

La réponse de la communauté : Les rôles d’expert·e et de non-expert·e ne sont pas binaires. Pair et non-expert·e ne sont pas synonymes. Professionnel·le et expert·e non plus. Les pairs sont les « expert·e·s de la communauté », et les professionnel·le·s peuvent être inexpérimenté·e·s à cet égard. Par exemple, « la plupart des médecins n’ont pas la moindre idée de ce qu’implique l’hépatite C » et ne « comprennent pas non plus le point de vue des femmes ».

Pair n’est pas synonyme d’« eux ». Une logique rigoureuse et neutre (une logique décolonisée) voudrait que « peu importe s’ils et elles ont le VIH ou l’hépatite C ou une autre maladie, [le secteur des soins de santé] ne les voit pas (eux/elles) comme étant si distinct·e·s du reste du milieu de la santé ». Une logique décolonisée tiendrait compte de la personne dans son ensemble, de l’éventail de ses expériences et de la fluidité des rôles d’expert·e et de non-expert·e.En cherchant à décoloniser le mot pair dans les soins de santé, la communauté a discrédité la logique coloniale sur laquelle il repose. Non seulement la logique coloniale est insoutenable d’un point de vue collectif, mais elle peut aussi faire du mot pair une source de traumatisme historique lié aux soins de santé.

Le pair est tout le monde et personne à la fois

Les mots ont un effet d’amorçage33–36. Autrement dit, les mots peuvent influencer les gens (par exemple, leurs émotions, leurs pensées, leurs actions) et conditionner leurs relations sociales et leurs comportements33–36. Le mot pair ne fait pas exception.

Dans les soins de santé, le mot pair peut propager la colonialité. La communauté a fait allusion à l’internalisation par les gens du symbolisme colonial dans l’utilisation du mot pair. « Nous sommes devenu·e·s ce qu’on dit que nous sommes : une maladie, un dysfonctionnement », a expliqué un·e membre. Ainsi, dans les milieux de soins de santé, certain·e·s FAVT et pairs navigateurs « n’ont pas la confiance nécessaire » pour faire valoir leurs droits, a prêté un·e membre. « Les pairs ont tellement été dépossédés qu’ils en souffrent. » Sur le plan social, la définition de pair selon le secteur des soins de santé (comme le vivent les FAVT et les pairs navigateurs) peut cimenter les croyances et les attitudes coloniales qui enracinent le traumatisme historique lié aux soins de santé. 

L’essence du mot pair incarne la solidarité de la philosophie « Toutes mes relations » 19,29,37–40. Selon la logique de la communauté, être pair signifie « marcher avec quelqu’un d’autre, qui est aussi en train de guérir ». Cette logique correspond aux fondements théoriques de la pratique de navigation par les pairs, selon laquelle le terme pair désigne une identité collective positive associée à la promotion du bien-être19,29,37–40. En principe, selon la communauté, le mot pair peut évoquer « le sentiment que tout va bien se passer, que tu peux y arriver », car « si tu as besoin de notre soutien, on est là, quoi qu’il arrive ». 

Le mot pair peut être traumatisant. Mais il peut aussi être source de sécurité et de guérison. Certain·e·s membres de la communauté ont déclaré ne « plus vouloir du mot pair dans leur titre ». Pour leur part, d’autres membres de la communauté se sont réapproprié le mot plutôt que de l’abandonner. Ceux et celles qui souhaitaient se réapproprier le mot ont proposé que pair s’applique à toute personne travaillant dans les soins de santé, pour autant qu’elle entretienne des relations sûres (non traumatisantes) et propices à la guérison. 

« Mon pair, c’est ma médecin et son équipe. »

« Les seuls pairs qui me soutiennent sont les infirmier·ère·s de la clinique. »

« Ils m’ont aidé à traverser des épreuves et d’autres choses… L’infirmier de l’hôpital et la pharmacienne. Je les appelle l’équipe de rêve… Ce sont eux les pairs, mes pairs. »

Ensemble, la communauté a invité le secteur à décoloniser le mot pair ou bien à l’autochtoniser. Après avoir proposé de revoir qui est nommé pair, la communauté a ensuite demandé de revoir la définition des notions d’égal/égalité dans le secteur des soins de santé.

Égal et pair… vont de pair

Lorsqu’il est question des notions d’égal/égalité, le secteur des soins de santé parle un langage qui diffère des définitions des dictionnaires, des politiques publiques et de la communauté. Ce décalage est illustré par la relation entre les mots égal et pair. Explications de la communauté :

Égal et pair, selon le secteur des soins de santé : Les termes égal et pair ont une relation compliquée. Les pairs sont égaux tout en étant inégaux par rapport à toutes les autres personnes qui travaillent dans les soins de santé. « Le pair, c’est leur ami, c’est leur égal. » Mais « les membres du personnel ne sont pas des pairs… la ligne est mince entre le personnel, et les bénévoles et les pairs ». Cette mince ligne entre égal et non-égal est tracée par la colonialité, qui « nous sépare et nous isole les un·e·s des autres » à cause de la diversité des personnes impliquées dans les soins de santé20–23,27–30,41,42.

Égal et pair, selon le dictionnaire : Égal (n.) et pair (n.) sont synonymes. Pair vient du mot latin « par », qui signifie égal. Le pair est une personne qui est sur un pied d’égalité avec l’autre. 

Égal et pair, selon les politiques publiques : Les politiques publiques s’expriment en termes d’égalité relationnelle, ce qui signifie que toutes les personnes sont égales du point de vue de leur valeur intrinsèque et de leurs droits 22,43–48. Dans le langage de l’égalité relationnelle, égal signifie tout le monde. Ainsi, les politiques diraient que les pairs « doivent être traité·e·s sur un pied d’égalité avec les médecins », a prêté un·e membre. 

Égal et pair, selon la communauté : La définition de l’égalité selon le secteur des soins de santé est une interprétation conservatrice de la définition du dictionnaire et une interprétation du principe ou du concept d’égalité relationnelle. Pour la communauté, pair signifie égal sur toute la ligne. 

Dans ces quatre conceptions (secteur des soins de santé, dictionnaire, politiques publiques et communauté), égal et pair sont liés. 

Par conséquent, selon un·e membre, « les pairs devraient être égaux, avoir une voix [donc un siège) à toutes les tables » et pas seulement à leurs tables distinctes. Le secteur des soins de santé parle toutefois une langue différente qui se reflète dans sa relation inégale avec les FAVT et les pairs navigateurs. Et cette inégalité est au cœur du traumatisme historique perpétué par les soins de santé. Cherchant à réconcilier les différents langages et différentes relations, la communauté a proposé des conseils pour autochtoniser la conception d’égal/égalité dans les soins de santé. 

L’égalité repose sur une connexion authentique

Les mots égal/égalité peuvent être source d’unité ou de division. Du point de vue des politiques et de la communauté, ces mots sont unificateurs. Mais dans les soins de santé, selon les expériences de la communauté, le langage autour des mots égal/égalité peut diviser. Pour combler le fossé, la communauté a guidé une autochtonisation du critère pour définir les mots égal/égalité. 

Selon la communauté, le prérequis pour définir les mots égal/égalité est le fait d’avoir une base commune42. Dans les soins de santé, d’après la communauté, cette base commune repose sur la similarité (similarité des attributs, des capacités, des circonstances, des expériences) et respecte les divisions coloniales. Par exemple, les FAVT et les pairs navigateurs sont considérés comme égaux et égales en raison de leur expérience similaire du VIH ou de l’hépatite C. En revanche, les FAVT et les pairs navigateurs sont considérés comme inégaux et inégales (au niveau du statut et du droit aux soins de santé) par rapport aux prestataires de soins médicaux en raison de leurs classes sociales différentes. La communauté a cherché une base commune inclusive qui puisse réunir toutes les personnes œuvrant dans les soins de santé. « Il doit bien y avoir un dénominateur commun » qui transcende les différences, a déclaré un·e membre. « Comment faire pour rapprocher ces personnes? » indépendamment de leurs similitudes et de leurs différences, a demandé le/la membre.

L’autochtonité de l’être suscite une logique qui fait de la connexion authentique le fondement de l’égalité. En nous inspirant de Linda Linklater (p. 137)49, nous définissons la connexion authentique comme étant une incarnation de la filiation autochtone (notre lien intrinsèque faisant partie du tissu de l’existence). La communauté a expliqué que la connexion authentique est un lien (ou des liens) que les gens entretiennent et vivent peu importe leurs similitudes ou leurs différences (par exemple, leur état de santé, leur rôle dans les soins de santé, la classe sociale à laquelle ils appartiennent). 

Lorsqu’ancrées dans une connexion authentique, les notions d’égal/égalité peuvent signifier la complétude (une diversité unie) plutôt que la similarité (une homogénéité compartimentée). Selon un·e membre, une connexion est authentique lorsque « je peux m’identifier à quelqu’un qui peut réellement s’identifier à moi » à un niveau intrinsèque (émotionnel, spirituel, pratique, psychologique ou holistique). Ce peut être « une personne qui est passée par là, quelqu’un qui l’a fait » ou alors une personne qui est différente de moi, selon un·e autre membre. L’égalité relationnelle émerge de façon organique de la réciprocité de cette connexion 8,11. Par exemple, « ma médecin, elle me connaît par cœur, c’est la meilleure au monde. Je l’aime vraiment beaucoup. Malgré nos parcours différents, nous sommes égales, ma médecin et moi, parce que nous avons une base émotionnelle commune. » De même, « Je n’ai jamais utilisé de drogues dans ma vie, mais tout le monde pense que oui, parce que je suis tellement à l’aise avec les gens. » Cette « aisance » peut être le reflet de nos liens spirituels, qui « sont des choses partagées par ensemble de l’humanité ». Cette « aisance » peut aussi refléter une connexion mentale, quand une personne « comprend d’où l’on vient », a prêté un·e autre membre. Nous sommes donc égaux, car nous avons les mêmes bases spirituelles et mentales.

Parce que le cloisonnement est l’essence même de la colonialité, le critère de la communauté pour l’égalité se définit par « la manière dont nous sommes ensemble », sans égard à « qui nous sommes ». Ce virage conceptuel a pour but de jeter les bases théoriques d’une pratique sécuritaire des soins de santé. La partie 2.3 de cette série introduira un modèle pratique de soins reposant sur une connexion authentique et montrera comment l’autochtonisation des mots égal/égalité pourrait créer un milieu de soins de santé qui n’est pas traumatisant aux yeux des FAVT et des pairs navigateurs.

Encourager le langage de la réconciliation 

Le langage employé peut être source de ségrégation et de traumatisme, mais aussi d’harmonie et de guérison1,37,39,50. La réconciliation passe par ces dernières.

En réponse à ces connaissances sur l’importance du langage, la communauté a guidé une décolonisation et une autochtonisation du langage des soins de santé. La communauté a contesté la logique coloniale qui crée les concepts binaires pair/non-pair et égal/non-égal. La communauté a de plus invoqué les logiques autochtones de la filiation, de la complétude et de la relationnalité pour raviver l’essence des mots pair et égal/égalité. Ce faisant, elle a contribué à déraciner les méthodes coloniales des séparatistes et à semer l’« unité », selon un·e membre. Le but est de prendre des mesures pour prévenir le traumatisme historique perpétué par le secteur des soins de santé et de créer un milieu de soins qui soit sécuritaire pour les FAVT et les pairs navigateurs.

Pour faire le travail de réconciliation (que la partie 2.3 a pour but de guider), le secteur des soins de santé peut commencer par parler le langage de la réconciliation. Autrement, comment parviendra-t-il à la réconciliation tout en exprimant le contraire?

Définitions 

Soins de santé1 : Services visant à améliorer ou à entretenir la santé. La portée des soins de santé est déterminée par les politiques et dépend de la définition de la santé. Les fonctions des soins de santé s’inscrivent dans un continuum allant de la santé publique aux soins médicaux. 

Navigation par les pairs et pair navigateur1 : Navigation de la santé offerte par des pairs aidants. Ce service consiste à aider les bénéficiaires à surmonter les difficultés d’accès aux soins de santé. Les pairs navigateurs sont des prestataires de soins dont la caractéristique principale est d’avoir un vécu similaire à celui des bénéficiaires. 

Colonialité de l’être (partie 2.1) : Mentalité et relation qui font de la diversité un élément de clivage. La colonialité de l’être implique des croyances et des attitudes qui séparent les personnes en fonction de la « race », de la classe ou du genre. Cette mentalité se manifeste par une relation inégale, selon laquelle certaines personnes sont considérées comme indignes et ne méritant pas de bénéficier de droits6.

Traumatisme historique1 : Préjudices actuels et transgénérationnels subis collectivement par les peuples autochtones. Le mot « historique » reconnaît les origines coloniales de ce traumatisme, qui perdure encore. Au Canada, le traumatisme historique est le résultat de la colonisation et des politiques et pratiques subséquentes, notamment la dépossession des Autochtones de leurs terres, le système des pensionnats, la rafle des années soixante, les services de protection de l’enfance, le système correctionnel, le racisme, l’exclusion sociale et la violence envers les femmes autochtones. Au niveau personnel, le traumatisme historique cause un stress cumulatif, qui a des effets physiques, psychologiques, émotionnels et spirituels. Pour affronter ces préjudices, certaines personnes ont recours à des pratiques non souhaitables telles que l’utilisation de substances ou l’évitement de lieux traumatisants comme les établissements de soins de santé.

Traumatisme historique lié aux soins de santé : Perpétuation, par les soins de santé, des préjudices coloniaux transgénérationnels subis par les peuples autochtones au Canada et ailleurs dans le monde (c.-à-d. traumatisme historique)2,3. Le traumatisme historique lié aux soins de santé est le produit d’un racisme visant les Autochtones 2,3.

Droits universels en matière de soins de santé (partie 2.1) : Normes de base en matière de santé et de travail dont toute la population canadienne est en droit de bénéficier. Pour respecter ces droits, les soins de santé doivent agir sur deux fronts. Premièrement, ils doivent faire respecter l’égalité relationnelle. Deuxièmement, ils doivent agir en conséquence et garantir l’égalité de traitement, l’égalité de dignité, l’égalité des chances, l’égalité d’interaction et l’égalité des résultats 43,45–48. Les droits universels en matière de soins de santé sont des droits de la personne. Parmi les politiques qui les établissent, citons la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) des Nations Unies (article 1, article 23, article 25), la Loi canadienne sur la santé et le Code des droits de la personne de la C.-B. (paragraphe 8).

Bien-êtreConcept qui englobe les aspects physiques, sociaux, émotionnels, culturels et spirituels, tant à l’échelon de la personne que de la communauté.

Égalité relationnelle 45,48 : Principe selon lequel toutes les personnes ont la même valeur et donc les mêmes droits. L’égalité relationnelle est distincte, mais néanmoins liée, à l’égalité distributive, qui en est la mise en œuvre. Elle est atteinte lorsque chacun·e peut jouir de ses droits. 

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À propos des auteur·trice·s 

Sadeem Fayed 

Je m’appelle Sadeem Fayed. Je suis une femme et une nouvelle arrivante sur les terres traditionnelles des peuples autochtones du Canada. J’habite sur le territoire non cédé des Salish de la côte à Vancouver, en Colombie-Britannique. Je travaille avec Pewaseskwan (the Indigenous Wellness Research Group), un groupe de recherche sur le bien-être des Autochtones. Je suis également étudiante au doctorat à la Faculté des sciences de la santé de l’Université Simon Fraser. J’étudie et je travaille dans le domaine de la recherche sur la santé et le bien-être des Autochtones depuis 2017. Je me concentre sur le projet Peers4Wellness, dans lequel je joue le rôle d’invitée externe à la communauté. Mon travail avec Peers4Wellness a été guidé par le mentorat de la Dre Alexandra King et du professeur Malcolm King. J’ai aussi travaillé en collaboration avec Sharon Jinkerson-Brass, Candice Norris et Nicole Smith, mes partenaires de recherche autochtones – nous nous appelons « le Clan ». En tant que première autrice de l’article, je bénéficie de la confiance des King, du Clan et du reste de la communauté Peers4Wellness. Je prends cette responsabilité au sérieux et avec courage. Dans ce rôle, je suis non seulement redevable à la communauté, mais aussi à toutes mes relations en tant que musulmane dont le Créateur « a proposé aux cieux, à la terre et aux montagnes la responsabilité […], et ils ont refusé de la porter et en ont eu très peur ». (Coran, verset 33:73).

Je reconnais que cette série d’articles est partiale. Elle présente en effet les points de vue et les besoins des pairs navigateurs et des femmes autochtones, mais il y manque le point de vue des prestataires de soins de santé. La série invite aussi les soins de santé (en tant qu’institution) à faire le gros du travail pour changer le système. Je crois que ce parti pris est justifié pour trois raisons. Premièrement, il est inévitable parce que l’article est alimenté par les voix de la communauté Peers4Wellness, dans laquelle les femmes autochtones et les pairs navigateurs sont surreprésenté·e·s. Deuxièmement, il ne vise pas les prestataires de soins de santé. « Ce n’est pas entièrement de leur faute », pour reprendre la communauté, si les soins de santé perpétuent le traumatisme historique. Pour reprendre les propos de la communauté, nous reconnaissons (je reconnais) que « le système est quasiment conçu pour épuiser tout le monde : infirmier·ère·s, médecins, tout le monde » et que « le bien-être est nécessaire pour tous et toutes ». Finalement, le parti pris est nécessaire, car la responsabilité de mettre en place la réconciliation incombe aux institutions coloniales telles que les soins de santé.

J’ai entendu la Dre Alexandra King me dire qu’elle craignait de perdre l’attention des prestataires de soins de santé à cause de ce parti pris. J’ai entendu sa crainte et j’ai demandé conseil à la Dre Sharon Jinkerson-Brass, détentrice du savoir autochtone dans le cadre du projet Peers4Welness.Sharon a écrit que « nous comprenons tous et toutes la chaleur pénétrante et réconfortante d’un feu par une froide nuit d’hiver et la douceur d’un bain rafraîchissant par une chaude journée. Si nous pouvions nous souvenir du feu et de l’eau sacrés lorsque nous rêvons d’une nouvelle relationnalité dans le système de santé. » Par respect pour ma responsabilité envers la communauté, en réponse au commentaire d’Alexandra et profitant de la sagesse de Sharon, j’ai offert la reconnaissance ci-dessus (l’eau) dans l’espoir de refroidir le parti pris (le feu).

Communauté Peers4Wellness 

Cet article est guidé par les voix de la communauté Peers4Wellness en Colombie-Britannique, sur le territoire non cédé des Salish de la côte. Cinquante-trois personnes en font partie : des femmes autochtones (cisgenres et transgenres) qui vivent avec le VIH ou ont un savoir expérientiel de l’hépatite C; des pairs navigateurs autochtones et non autochtones, notamment des intervenant·e·s de première ligne, des organismes communautaires et des matriarches autochtones, dont la Dre Sharon Jinkerson-Brass, détentrice de savoir et associée de recherche communautaire; Candice Norris, travailleuse en soutien culturel et associée de recherche par les pairs; Nicole Smith, associée de recherche communautaire et la Dre Alexandra King, médecin interniste et chercheuse principale. La Dre Alexandra King est également l’autrice en chef de l’article. 

Dre Alexandra King

Je m’appelle Alexandra King. C’est du moins le nom que reconnaît le gouvernement et que j’utilise au quotidien. J’ai toutefois été dotée de deux noms spirituels qui me rattachent profondément à mes ancêtres et à toutes mes relations. Je suis membre de la Première Nation Nipissing, qui est située dans ce qui est maintenant connu comme l’Ontario. Mes ancêtres autochtones sont du côté de ma mère, tandis que mon père était d’ascendance européenne mixte. J’ai été accueillie par la Première Nation des Mississaugas de Credit, la communauté de mon mari, où j’ai le privilège de résider. Je travaille, la plupart du temps à distance, sur le territoire du Traité no 6 et la terre ancestrale des Métis, sur ce qu’on appelle désormais Saskatoon, à l’Université de la Saskatchewan.  J’ai l’honneur d’être titulaire de la chaire Cameco pour la santé et le bien-être des autochtones, qui est avant tout une chaire de recherche. En tant que médecin interniste, je fais aussi du travail clinique.J’ai toujours profondément admiré le savoir expérientiel et la sagesse qu’il peut apporter à un système de soins de santé respectueux des valeurs culturelles et adapté aux cultures. Selon moi, la recherche que fait la communauté Peers4Wellness (financée par les IRSC) est essentielle pour soutenir ce travail.
 


[1] Inégal signifie que la négation de l’égalité n’est pas intrinsèque, mais imposée et réversible. Les pairs et les autres personnes sont égaux même si le secteur des soins de santé les considèrent et les traitent autrement.

[2] Nous employons le mot « prêter » pour indiquer qu’une citation est présentée d’une manière qui reflète ce qui a été dit et ce que les personnes qui rapportent le récit ont entendu. Ici, les personnes qui rapportent le récit se joignent à la communauté et deviennent des personnes qui racontent le récit.