Les premiers cas de sida ont été signalés au Canada en février 1982. Depuis, l’épidémie de VIH/sida a lourdement affecté la santé et l’économie de nombreux pays. Les cas de sida et les décès liés à cette maladie ont connu une augmentation rapide à l’échelle mondiale au cours des années 1980. Leur nombre a atteint un sommet au milieu des années 1990, avant d’amorcer un déclin en 2010. L’accès élargi au traitement antirétroviral (TAR) a amélioré le pronostic, permettant aux personnes de vivre avec le VIH au lieu de mourir du sida.
Malgré ces progrès, la stigmatisation et la discrimination à l’égard des personnes vivant avec le VIH et le sida constituent encore une pandémie mondiale. La stigmatisation du VIH prend racine dans la peur. Elle a commencé au début des années 1980, alors que l’absence de traitement efficace ne laissait que peu ou pas d’espoir aux personnes qui recevaient un diagnostic de VIH. Celles-ci étaient confrontées à une maladie débilitante, à l’isolement social et, dans la plupart des cas malheureusement, à la mort dans un court délai.
Aujourd’hui, il existe encore des idées fausses sur les modes de transmission du VIH et sur ce que signifie vivre avec le VIH. Au début de l’épidémie, le manque d’information et de connaissances sur l’infection a conduit à la mise en place de nombreuses politiques et procédures pour prévenir sa propagation. Le même phénomène s’est produit avec la COVID-19 — les gens ont été contraints de s’éloigner physiquement et de porter des masques. Contre la COVID, cependant, des vaccins ont été mis au point très rapidement. Pour ce qui est du VIH/sida, il a fallu attendre jusqu’au milieu des années 1990 pour que soit découvert le TAR. Dans certains pays, on a eu recours à la stérilisation pour contrer la transmission du VIH de la mère à l’enfant. Certain·e·s prestataires de soins ont fait pression sur des femmes vivant avec le VIH afin qu’elles accordent leur « consentement éclairé » à la stérilisation et à l’avortement.
La discrimination à l’égard des mères vivant avec le VIH était présente au Canada également. T.M., une mère vivant avec le VIH, nous a raconté son histoire. « En 2002, je vivais à Victoria, en C.-B., et j’étais enceinte, mais on m’a dit que je n’allais pas pouvoir allaiter », explique-t-elle. « Si je décidais d’avoir l’enfant, [les services de protection de l’enfance] allaient me l’enlever. Ils m’avaient déjà enlevé mes quatre fils, pour cause de violence familiale. J’ai reçu mon diagnostic de VIH après un bilan sanguin prénatal. Ma travailleuse sociale m’a demandé : "Pourquoi voudrais-tu mettre au monde un·e enfant qui sera malade toute sa vie, souffrira, vivra de la discrimination et finira par mourir?" On m’a aussi expliqué que si je décidais de garder le bébé, je devais être prête à porter des gants en tout temps pour le laver et le changer. Alors là, on me disait que non seulement je ne pouvais pas avoir ce bébé, mais aussi que je n’aurais pas la possibilité de le tenir, de le nourrir ou de m’en occuper. »
Le traumatisme vécu par les mères vivant avec le VIH a conduit à la création de cliniques comme le Positive Pregnancy Program (P3) de l’Hôpital St. Michael, à Toronto. Le P3 a été fondé en 2006 par la sage-femme Jay MacGillivray et le Dr Mark Yudin (gynécologue-obstétricien). Afin d’offrir des soins complets aux mères séropositives, la clinique fait appel à des travailleur·euse·s sociaux·ales, des pédiatres, des pharmacien·ne·s et des psychologues. La mission du P3 est de prodiguer les meilleurs soins possibles aux femmes enceintes vivant avec le VIH, ce qui a permis à de nombreuses mères séropositives d’accoucher de bébés séronégatifs. Un résultat positif au dépistage du VIH peut être difficile à vivre — mais heureusement, cela n’est plus un arrêt de mort.