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CATIE
  • Des médecins de deux hôpitaux de Montréal ont examiné les dossiers de patients pour relever des cas de syphilis oculaire
  • La syphilis était présente dans les yeux de 3 % des patients chez qui cette infection avait été diagnostiquée
  • La présence de syphilis oculaire signale que l’infection touche le cerveau, ce qui nécessite des soins adaptés

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Depuis 20 ans, les cas de syphilis augmentent de façon marquée au Canada et dans d’autres pays à revenu élevé. Certains hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HARSAH) ont subi les coups durs de cette résurgence de la syphilis. Les microbes à l’origine de la syphilis, soit les tréponèmes, entrent dans le corps durant les relations sexuelles et peuvent se propager au cerveau, au système cardiovasculaire, au foie, aux reins et à d’autres organes vitaux en l’espace de quelques jours. Même si cette infection transmissible sexuellement (ITS) peut causer une maladie complexe à stades multiples, le dépistage régulier et la mise sous traitement rapide peuvent guérir cette infection.

En 2015, les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis ont alerté les professionnels de la santé à l’égard d’une augmentation apparente des cas de syphilis touchant les yeux (syphilis oculaire). Dans certains cas, les personnes atteintes de syphilis oculaire ont éprouvé de graves pertes visuelles ou sont même devenues aveugles. Depuis ce moment-là, d’autres rapports provenant des États-Unis, de la Colombie-Britannique et de l’Alberta, ainsi que des rapports anecdotiques de médecins travaillant dans d’autres parties du Canada (et d’autres pays), ont confirmé l’augmentation des cas de syphilis oculaire.

À Montréal

Une équipe d’ophtalmologistes travaillant dans deux hôpitaux de Montréal ont collaboré à l’examen des données de santé se rapportant aux cas de syphilis oculaire diagnostiqués dans leurs cliniques. Ils ont trouvé que la syphilis oculaire était relativement peu courante et ne touchait que 3 % des personnes atteintes de syphilis. Près de 80 % des patients touchés étaient des hommes, et au moins le tiers d’entre eux avaient le VIH. En général, les cas de syphilis oculaire ont bien répondu au traitement antibiotique.

Durant l’examen des dossiers, les médecins ont constaté que les soins des personnes souffrant de syphilis oculaire laissaient place à amélioration. Les médecins ont formulé des recommandations et souligné l’importance de suivre les lignes directrices sur le traitement de la syphilis.

Détails de l’étude

Les médecins ont passé en revue les dossiers médicaux provenant des deux hôpitaux suivants :

  • Hôpital Maisonneuve-Rosemont
  • Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM)

Les diagnostics de syphilis ont été confirmés auprès du Laboratoire de santé publique du Québec.

Un total de 4 680 personnes ont reçu un résultat positif au test de dépistage de la syphilis. Sur ce nombre, 115 ont eu une consultation dans le département d’ophtalmologie des deux hôpitaux où elles ont reçu un diagnostic de syphilis oculaire.

Les participants avaient le profil moyen suivant au moment de leur diagnostic de syphilis :

  • âge : 55 ans
  • 79 % d’hommes, 21 % de femmes
  • statut VIH : 25 % avaient été diagnostiqués antérieurement; 7 % ont fait l’objet d’un nouveau diagnostic; 34 % étaient séronégatifs au moment de leur dernier test; 34 % ne connaissaient pas leur statut
  • compte de cellules CD4+ chez les personnes séropositives : 360 cellules/mm3
  • stade de la syphilis : la syphilis en était aux stades suivants chez la majorité des participants : syphilis secondaire – 30 %; syphilis latente tardive – 26 %; syphilis tertiaire – 26 %
  • ponction lombaire : le cerveau est entouré d’un liquide clair appelé liquide céphalorachidien (LCR); on effectue une ponction lombaire pour prélever un petit échantillon de LCR et l’analyser; dans la présente étude, on a effectué cette intervention dans 55 % des cas
  • dans au moins 52 % des cas, il s’agissait d’HARSAH (notons que les données démographiques étaient incomplètes)

Résultats

Sur les 115 participants atteints de syphilis oculaire, près de la moitié éprouvaient des problèmes dans les deux yeux au moment de leur consultation. Les diagnostics courants étaient la kératite interstitielle et l’uvéite. Les symptômes couramment associés à ces affections incluent un ou plusieurs des suivants :

  • douleur oculaire
  • rougeur des yeux
  • baisse de l’acuité visuelle
  • sensibilité accrue à la lumière
  • larmoiement excessif

Dans près de 20 % des cas, le nerf qui transmet les images de l’œil au cerveau (c.-à-d. le nerf optique) était endommagé et enflammé.

Ponction lombaire

Les médecins ont effectué des ponctions lombaires chez 63 personnes atteintes de syphilis oculaire. Dans 71 % de ces cas, l’analyse des échantillons de LCR a révélé des anomalies associées à la syphilis, ainsi que des taux supérieurs à la normale de deux marqueurs : les globules blancs et la protéine.

Traitement

La plupart des participants (70 %) ont reçu un traitement par pénicilline intraveineuse ou encore une combinaison de pénicilline intraveineuse suivie de pénicilline intramusculaire. D’autres participants ont reçu des traitements différents, tels des antibiotiques oraux (comme l’azithromycine ou la doxycycline) ou des antibiotiques intraveineux (comme la ceftriaxone). En moyenne, les problèmes visuels se sont résolus après le traitement chez la plupart des personnes.

Les médecins ont toutefois souligné que 18 % des cas n’ont pas été traités. Environ la moitié des personnes non traitées ont coupé tout contact avec les cliniques d’ophtalmologie. Par ailleurs, quatre personnes ont refusé l’offre d’un traitement, et sept autres avaient récemment subi un traitement par pénicilline intramusculaire.

Accent sur le VIH

Dans 37 cas, le statut VIH des participants était connu avant le diagnostic de syphilis; il s’agissait dans tous les cas d’hommes. Ces hommes étaient principalement des HARSAH et étaient en moyenne plus jeunes (43 ans contre 53) que les personnes séronégatives atteintes de syphilis oculaire.

Selon les médecins, « Dans l’ensemble, les patients infectés par le VIH avaient un taux plus élevé de résultats anormaux aux analyses du LCR », soit habituellement des taux élevés de globules blancs et de protéine.

À retenir

Le nombre de cas de syphilis augmente depuis 20 ans au Canada et dans les autres pays à revenu élevé. Comme le nombre total de cas de syphilis est à la hausse, il est probable que le nombre de cas de syphilis oculaire augmente aussi. Heureusement, la recherche préliminaire laisse croire qu’aucune souche de la syphilis qui infecterait de préférence les yeux n’a vu le jour.

Selon les médecins de Montréal, il est possible que le nombre réel de cas de syphilis oculaire soit plus élevé que le nombre figurant dans leur rapport. Notons que certains cas auraient pu être pris en charge par des ophtalmologistes travaillant dans d’autres centres de la région.

Les médecins affirment ceci : « Malgré l’association apparente entre [le VIH et la syphilis], il est inquiétant de constater que plus du tiers de nos patients n’ont pas été testés pour le VIH… un test positif pour la syphilis devrait inciter les cliniciens à effectuer un test de dépistage du VIH ».

Les médecins soulignent que les principales lignes directrices sur les ITS des CDC, de l’Agence de la santé publique du Canada et de l’Union européenne conseillent aux cliniciens de demander une ponction lombaire pour les patients atteints de syphilis oculaire.

Les médecins recommandent l’administration intraveineuse de la pénicilline G aqueuse pour les personnes atteintes de syphilis oculaire. Cette recommandation est fondée sur le fait que, de l’avis de ces médecins (et de chefs de file du domaine des maladies infectieuses), la présence de syphilis oculaire est un signal que les tréponèmes sont entrés dans le cerveau.

Les médecins de Montréal encouragent les cliniciens à faire un suivi auprès des patients six mois et 12 mois après la fin du traitement antibiotique contre la syphilis oculaire. Or, durant l’analyse des dossiers, Ils ont trouvé que seulement 37 % des patients atteints de syphilis oculaire ont été évalués six mois après la fin du traitement. Le pourcentage était plus faible encore après 12 mois, soit 25 %.

Enfin, les médecins font valoir que la syphilis peut causer une large gamme de problèmes de santé et, pour cette raison, « le dépistage de la syphilis devrait faire partie des tests effectués dans tous les cas d’inflammation oculaire ».

Ressources

Lignes directrices canadiennes sur les infections transmissibles sexuellement - Prise en charge et traitement d’infections spécifiques - Syphilis

La prise en charge et le traitement de la syphilis chez les adultes infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) – Guide pour les professionnels de la santé du Québec – Version résumée –  Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec

Syphilis – Agence de la santé publique du Canada

La syphilisFeuillet d’information de CATIE

On constate une hausse des cas de syphilis oculaire en Colombie-Britannique – Nouvelles CATIE

Calgary : Les cas de syphilis en hausse chez les personnes séropositivesNouvelles CATIE

Des médecins américains étudient en profondeur des cas de syphilis oculaireNouvelles CATIE

Une augmentation des cas de syphilis oculaire est signalée aux États-UnisNouvelles CATIE

Syphilis – Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique

Syphilis - BMJ

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

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