- Une étude d’envergure américaine a révélé une hausse des symptômes neurologiques de la syphilis entre 2019 et 2022
- D’ordinaire plus courante en stade tardif, la neurosyphilis est devenue plus fréquente lors du stade précoce aussi
- L’équipe recommande le dépistage neurologique pour les personnes atteintes de syphilis afin de prévenir les lésions
Les taux de nouveaux diagnostics de syphilis augmentent depuis 20 ans. Il sévit conséquemment une épidémie de cette maladie au Canada à l’heure actuelle. Les symptômes initiaux, soit l’apparition d’une lésion appelée chancre sur ou à l’intérieur des organes génitaux, de la bouche ou d’autres parties du corps, peuvent être indolores ou passer inaperçus. Les microbes qui causent la syphilis, soit les tréponèmes, se propagent rapidement à partir du site du premier contact. Les tréponèmes peuvent s’attaquer aux nerfs des oreilles et des yeux et causer à la longue des pertes auditives et visuelles, entre autres. Si elle n’est pas traitée, la syphilis peut causer des dommages à des organes vitaux comme le cerveau, les os, le cœur et le système circulatoire, le foie et les reins. Durant la grossesse, la syphilis peut nuire au bébé; cette forme de la maladie s’appelle la syphilis congénitale. Même si les symptômes de la syphilis ressemblent souvent à ceux de nombreuses autres maladies, le diagnostic se fait facilement au moyen d’un simple test sanguin. La plupart des personnes atteintes s’en remettent après un seul cycle de traitement antibiotique.
États-Unis
Selon des scientifiques travaillant aux Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis, les taux de syphilis augmentent à nouveau et atteignent des niveaux « jamais vus depuis les années 1960 ». Par conséquent, les CDC s’inquiètent de la possibilité que des complications neurologiques se produisent plus fréquemment de nos jours chez les personnes atteintes de syphilis.
Cerveau, yeux et oreilles
Selon les CDC, « sans traitement, la syphilis peut se propager au cerveau et au système nerveux (neurosyphilis), à l’œil (syphilis oculaire) ou à l’oreille (otosyphilis). Cela peut survenir lors de n’importe quel stade [de la syphilis] ».
Les CDC ont résumé ainsi les signes et symptômes de la syphilis touchant les différents organes et systèmes suivants :
Les signes et symptômes de la neurosyphilis peuvent inclure :
- maux de tête graves
- faiblesse musculaire et/ou problèmes de mouvements musculaires
- altérations de l’état mental (difficulté à se concentrer, confusion, changement de personnalité) et/ou démence (problèmes de mémoire ou difficulté à penser et/ou à prendre des décisions)
Les signes et symptômes de la syphilis oculaire peuvent inclure :
- douleur oculaire et/ou rougeur
- perturbations de la vision ou même cécité
Les signes et symptômes de l’otosyphilis peuvent inclure :
- perte auditive
- tintements, bourdonnements, grondements ou sifflements dans les oreilles (acouphène)
- étourdissements ou vertige (sensation que son corps ou ses environs sont en train de bouger ou de tourner)
Détails de l’étude
Une équipe de scientifiques a examiné des cas de syphilis déclarés aux CDC entre 2019 et 2022. Elle s’est concentrée sur 171 855 cas de syphilis diagnostiqués chez des personnes âgées de 15 ans ou plus dans 12 territoires de compétence aux États-Unis. Cela représente 27 % des cas de syphilis déclarés aux CDC.
Résultats
L’analyse effectuée par l’équipe de recherche a révélé que « des manifestations neurologiques étaient déclarées peu fréquemment mais leur nombre augmentait ». Cette augmentation s’est produite chez des personnes atteintes de syphilis tardive et même lors du stade précoce de la maladie.
Syphilis précoce
- 2019 : 141 cas de neurosyphilis sur 22 855 cas de syphilis précoce
- 2022 : 313 cas de neurosyphilis sur 32 603 cas de syphilis précoce
Syphilis tardive
- 2019 : 146 cas de neurosyphilis sur 11 120 cas de syphilis tardive
- 2022 : 391 cas de neurosyphilis sur 22 037 cas de syphilis tardive
Syphilis secondaire contre syphilis tardive
L’équipe de recherche a constaté que les signes et symptômes neurologiques « étaient quatre fois plus prévalents chez les personnes atteintes de syphilis secondaire et cinq fois plus prévalents chez les personnes atteintes d’une syphilis tardive de durée inconnue, comparativement à la syphilis primaire ».
Taux de neurosyphilis en fonction de caractéristiques différentes
Âge
Les personnes âgées de 65 ans ou plus qui avaient la syphilis précoce étaient sept fois plus susceptibles d’être atteintes de neurosyphilis que les personnes de 15 à 24 ans qui avaient également la syphilis précoce.
Les personnes âgées de 65 ans ou plus qui avaient la syphilis tardive étaient 20 fois plus susceptibles d’être atteintes de neurosyphilis que les personnes de 15 à 24 ans qui avaient également la syphilis tardive.
Groupes ethnoraciaux
Selon l’équipe de recherche, les personnes blanches ou multiraciales étaient plus susceptibles de présenter des signes et symptômes de neurosyphilis que les personnes noires (peu importe si elles avaient la syphilis précoce ou tardive).
Sexe et sexualité
L’équipe de recherche a constaté que les signes et symptômes neurologiques étaient plus courants chez les femmes (1,1 %) que chez les hommes (0,7 %) atteint·e·s de syphilis précoce. Une telle différence n’a toutefois pas été observée chez les personnes atteintes de syphilis tardive.
Les hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (hommes gbHARSAH) étaient moins susceptibles (1,5 %) de présenter des signes ou symptômes de neurosyphilis que les hommes ayant seulement des relations sexuelles avec des femmes (2 %).
VIH
Comparativement aux personnes séronégatives, l’équipe de recherche a constaté que les personnes séropositives étaient plus susceptibles de présenter des signes ou symptômes neurologiques de la syphilis, peu importe si celle-ci était de stade précoce ou tardif.
À retenir
Même si les cas de neurosyphilis ont augmenté au cours de l’étude, l’augmentation a été modeste par rapport à ce que l’équipe de recherche a appelé « une période d’augmentation [globale] substantielle de la syphilis ». L’équipe a toutefois souligné que le risque de tomber malade ou même de mourir peut s’accroître lorsque la syphilis s’attaque aux nerfs et au cerveau. Notons aussi que les coûts liés à la prise en charge de la neurosyphilis sont plus élevés que les coûts liés à la prise en charge des cas de syphilis non compliqués.
Les raisons expliquant les taux plus bas de neurosyphilis dans certaines populations pourraient tenir en partie aux pratiques de dépistage. Par exemple, selon l’équipe de recherche, comme le dépistage fréquent de la syphilis est encouragé pour les hommes gbHARSAH dans les lignes directrices sur les infections transmissibles sexuellement, il est probable que cette maladie est généralement diagnostiquée et traitée plus tôt chez cette population que chez d’autres.
Également selon l’équipe de recherche, il est possible que les personnes séropositives passent plus souvent des tests de dépistage de la syphilis et de la neurosyphilis (que les personnes séronégatives), différence qui aurait pu biaiser son analyse. L’équipe recommande que les analyses de données futures se rapportant aux personnes séropositives incluent de l’information sur « la gravité de la maladie, l’usage de traitements antirétroviraux et le temps écoulé depuis le diagnostic de VIH », car cela pourrait aider les scientifiques et les médecins à mieux comprendre le risque de neurosyphilis chez les personnes vivant avec le VIH.
Appel à la prudence
L’équipe de recherche tient à souligner que ses résultats « représentent probablement un fardeau minime de manifestations neurologiques [résultant de la neurosyphilis]… ». Elle a avancé plusieurs explications à ce propos, comme suit :
- La syphilis tardive, considérée comme non infectieuse, n’a peut-être pas la priorité lors des enquêtes effectuées par les départements de santé publique auprès des personnes non enceintes;
- Il est possible que les signes et symptômes ne soient pas signalés par les patient·e·s;
- Les pratiques de dépistage et d’évaluation neurologiques peuvent varier parmi les prestataires de soins;
- Les données de laboratoire sont insuffisantes faute de prélèvement ou d’analyse d’échantillons de liquide céphalorachidien (LCR).
Recommandations découlant de cette étude
Comme les scientifiques des CDC ont constaté des manifestations neurologiques de la syphilis lors des différents stades de celle-ci et dans « chaque catégorie d’âge, de sexe, de race/ethnie et de statut VIH », l’équipe a fait la déclaration suivante :
« Les prestataires de soins devraient évaluer tous les patient·e·s atteint·e·s de syphilis afin de relever des signes/symptômes neurologiques, avec prélèvement et analyse d’échantillons de LCR si des indices cliniques d’une atteinte neurologique sont présents. La détection et le traitement précoces sont cruciaux pour prévenir les [lésions] neurologiques à long terme que causera potentiellement la syphilis ».
—Sean R. Hosein
Ressources
L’introduction du dépistage rapide réduirait du tiers l’incidence de la syphilis en Arctique, révèle une étude – Nouvelles CATIE
Mise en garde contre la hausse des mortinaissances liées à la syphilis à Winnipeg – Nouvelles CATIE
Lutter contre l’augmentation des cas de syphilis congénitale : comment les prestataires de services peuvent soutenir la prévention, le dépistage et le traitement – Point de mire sur la prévention
Points de vue des premières lignes : syphilis congénitale – CATIE
La syphilis congénitale – CCNMI
Dépistage et traitement précoces de la syphilis nécessaires pour prévenir les mortinaissances – Nouvelles CATIE
Le dépistage rapide et combiné de la syphilis et du VIH se révèle fiable et utile dans une étude albertaine – Nouvelles CATIE
Une étude albertaine souligne l’importance du dépistage de la syphilis pour les personnes qui utilisent des stimulants – Nouvelles CATIE
Une étude explore le lien entre l’itinérance, la méthamphétamine et les nouvelles infections par le VIH au Manitoba – Nouvelles CATIE
Étude sur l’incidence de l’antibiotique doxycycline sur le bien-être sexuel des usager·ère·s – Nouvelles CATIE
RÉFÉRENCE :
Wondmeneh S, McDonald R, Quilter LAS et al. Reported neurologic manifestations among persons with syphilis by stage of infection – 12 states, 2019-2022. Clinical Infectious Diseases. 2025; sous presse.