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CATIE

De nombreux médicaments anti-VIH, particulièrement les inhibiteurs de la protéase et les analogues non nucléosidiques (INTI), sont métabolisés par des enzymes du foie. Certains de ces médicaments accélèrent l’activité de ces enzymes, de sorte que d’autres médicaments sont métabolisés plus rapidement que normalement. Il y a aussi des médicaments qui réduisent l’activité des enzymes du foie, ce qui peut ralentir le métabolisme d’autres produits pharmaceutiques. Le fait qu'il y ait accélération ou ralentissement de la vitesse de métabolisme des médicaments dans le foie peut avoir un impact sur les concentrations d’autres médicaments dans le sang. Lorsqu’une personne prend deux médicaments ou plus en même temps, chacune des molécules en question risque de perturber l’activité des enzymes du foie et, par conséquent, de modifier la concentration des autres médicaments dans le sang. On parle alors d’interactions médicamenteuses. Plus on ajoute de médicaments à une combinaison de traitements, plus il est difficile de prévoir les conséquences des interactions entre les différents produits.

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Le voriconazole (Vfend) est un puissant antifongique que reçoivent des personnes immunodéprimées qui ont contracté des infections potentiellement mortelles causées par le champignon Aspergillus fumigatus.

Des chercheurs à l’Hôpital d’Ottawa en Ontario ont récemment fait état d’interactions médicamenteuses complexes survenues chez une personne séropositive atteinte d’aspergillose. Le patient prenait du voriconazole en association avec les médicaments anti-VIH darunavir (Prezista), ritonavir (Norvir), étravirine (Intelence) et Truvada (ténofovir + FTC).

À propos de l’aspergillose

Le champignon Aspergillus fumigatus infecte les poumons des personnes qui en inhalent les spores fongiques. Comme les spores d’Aspergillus sont très répandues dans l’environnement, il est probable que l’inhalation a lieu tous les jours. Chez les personnes dont le système immunitaire fonctionne normalement, l’infection par ces spores est vite maîtrisée. Cependant, chez les personnes dont le système immunitaire a été affaibli par le VIH, des médicaments administrés aux receveurs d’organes, le cancer ou d’autres troubles médicaux, le champignon Aspergillus peut se multiplier et causer une maladie appelée aspergillose. Au début, cette infection ne cause pas nécessairement de symptômes mais peut déclencher une réaction allergique caractérisée par une respiration sifflante, une toux et des problèmes de respiration, particulièrement chez les personnes souffrant d’asthme.

À mesure que le champignon croît dans les poumons, les symptômes suivants peuvent se déclarer :

  • douleur à la poitrine
  • respiration sifflante
  • essoufflement
  • perte de poids non intentionnelle
  • fièvre

Dans les cas graves d’aspergillose, le champignon se propage à l’extérieur des poumons, touchant de nombreux organes essentiels comme le cerveau, le cœur et les reins. On a souvent recours au médicament antifongique voriconazole pour traiter l’aspergillose, mais, dans certains cas, la maladie y répond mal, et il peut alors être nécessaire de recourir à un autre agent antifongique, telle la caspofungine (Cancidas).

Détails du cas

Des chercheurs à Ottawa ont fourni des détails concernant un homme de 54 ans qui était séropositif depuis 23 ans. Trois mois avant d’être hospitalisé pour une pneumonie, il prenait les médicaments suivants :

  • darunavir 900 mg une fois par jour
  • ritonavir 100 mg une fois par jour
  • étravirine 200 mg deux fois par jour
  • Truvada (ténofovir 300 mg + FTC 200 mg) une fois par jour

Le patient s’est présenté à l’Hôpital d’Ottawa parce que sa pneumonie empirait depuis une semaine. Lors de son admission, son compte de CD4+ était de 230 cellules et sa charge virale s’élevait à 3 000 copies/mL environ.

Les médecins ont admis le patient au service des soins intensifs et l’ont branché à des appareils pour faciliter sa respiration. Comme les analyses ont révélé la présence d’Aspergillus dans les échantillons de liquide extraits de ses poumons, les médecins lui ont prescrit le schéma de traitement suivant :

  • voriconazole 400 mg par voie intraveineuse, deux fois par jour, du 1er jour au jour 7
  • caspofungine 50 mg par voie intraveineuse, une fois par jour, du jour 8 au jour 25
  • voriconazole 400 mg par voie orale, deux fois par jour, du jour 12 au jour 45

Les médecins ont poursuivi l'administration des médicaments anti-VIH que recevait ce patient, à l’exception de Truvada, abandonné parce que ses reins avaient cessé de fonctionner, vraisemblablement à cause des complications de l’aspergillose. De plus, ce patient a dû subir une autre intervention, la dialyse que le personnel infirmier a effectuée pour l'épuration de son sang.

Après une période d’hospitalisation de 46 jours, le patient s’est remis de l’aspergillose et est sorti de l’hôpital avec une ordonnance de darunavir-ritonavir en association avec de l’étravirine et du Kivexa (abacavir + 3TC), celui-ci en remplacement du Truvada. À ce moment-là, il avait un compte de CD4+ de 249 cellules et une charge virale inférieure à 50 copies/mL.

Taux de médicaments

Des échantillons de sang ont été prélevés avant et après l’exposition au voriconazole. Comme on sait que ce médicament interagit avec des médicaments anti-VIH comme l’efavirenz (Sustiva et dans l'association Atripla) et le ritonavir, l’équipe d’Ottawa s’est concentrée sur le dépistage d’interactions possibles avec le voriconazole, mais pas avec la caspofungine. L’analyse des échantillons a révélé ce qui suit :

  • Le taux de voriconazole se situait près de la limite supérieure de la normale.
  • Le taux d’étravirine se situait à 134 % de la normale lorsque le patient prenait du voriconazole.
  • Peu de temps avant la dose subséquente prévue, les taux de darunavir et de ritonavir étaient nettement  plus bas qu’escomptés. Lorsque le patient a arrêté de prendre le voriconazole, ses taux de darunavir et de ritonavir sont revenus à la normale.

À l’avenir

À la lumière de ces résultats, l’équipe d’Ottawa recommande que le voriconazole soit utilisé avec « prudence » chez les personnes recevant déjà le darunavir, le ritonavir et l’étravirine. Si le voriconazole est indispensable, l’équipe recommande aux médecins d’envisager de prescrire deux prises quotidiennes de darunavir et de ritonavir (comme c’est le cas de l’étravirine). De plus, ils affirment qu’une étude formelle doit être entreprise auprès d’un groupe nombreux afin de mieux comprendre les interactions complexes entre ces quatre médicaments.

Remerciement

Nous tenons à remercier le pharmacologue Charles la Porte, PhD, pour son expertise et sa précieuse collaboration à la rédaction de cet article.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Howard SJ, Cerar D, Anderson MJ, et al. Frequency and evolution of Azole resistance in Aspergillus fumigatus associated with treatment failure. Emerging Infectious Diseases. 2009 Jul;15(7):1068-76.
  2. Snelders E, van der Lee HA, Kuijpers J, et al. Emergence of azole resistance in Aspergillus fumigatus and spread of a single resistance mechanism. PLoS Medicine. 2008 Nov 11;5(11):e219.
  3. Verweij PE, Snelders E, Kema GH, et al. Azole resistance in Aspergillus fumigatus: a side-effect of environmental fungicide use? Lancet Infectious Diseases. 2009 Dec;9(12):789-95.
  4. Howard SJ, Pasqualotto AC, Denning DW. Azole resistance in allergic bronchopulmonary aspergillosis and Aspergillus bronchitis. Clinical Microbiology and Infection. 2010 Jun;16(6):683-8.
  5. Toy J, Giguère P, Kravcik S, la Porte CJ. Drug interactions between voriconazole, darunavir/ritonavir and etravirine in an HIV-infected patient with Aspergillus pneumonia. AIDS. 2011 Feb 20;25(4):541-2.