De nos jours dans les pays à revenu élevé, une proportion importante des personnes vivant avec le VIH ne savent pas qu’elles sont infectées. Voici les estimations de cette proportion dans quelques pays à revenu élevé :
- Canada : 21 %
- France : 19 %
- Royaume-Uni : 17 %
- États-Unis : 13 %
Le fait que tant de personnes ignorent leur statut VIH complique les efforts visant à réduire la propagation du virus et à inciter plus de personnes atteintes à se faire soigner et traiter.
Nombre d’études ont révélé qu’il est possible de préserver son système immunitaire et sa santé générale en commençant le plus tôt possible après l’infection un traitement par une combinaison de médicaments anti-VIH puissants (couramment appelée TAR). Autrement dit, les personnes qui commencent la TAR tôt dans le cours de l’infection au VIH sont considérablement moins à risque de tomber gravement malades ou de mourir. De plus, si elles continuent à prendre la TAR tous les jours, en suivant toutes les consignes à la lettre, la quantité de VIH dans leur sang diminue jusqu’à un niveau très faible et s’y maintient. Cela réduit énormément leur risque de transmettre le VIH.
Mobiliser les populations par le biais des médias sociaux
Les médias sociaux sont des espaces électroniques et virtuels importants qui permettent à certaines personnes de rencontrer des amis, de construire des communautés et de trouver des partenaires sexuels. Il est donc important d’utiliser les médias sociaux pour offrir de l’information et de l’éducation sur la prévention du VIH.
Des chercheurs en Caroline du Nord ont lancé un programme appelé « CyBER/testing » qu’ils décrivent comme « une intervention destinée à promouvoir le dépistage du VIH parmi les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes et les personnes transgenres qui utilisent les médias sociaux pour le réseautage social et sexuel ». Les chercheurs ont trouvé que le lancement du CyBER/testing a donné lieu à une hausse marquée du taux de dépistage du VIH.
Détails de l’étude
Les chercheurs ont mené l’étude dans deux communautés d’une population comparable situées à plusieurs centaines de kilomètres l’une de l’autre. Ils ont lancé l’intervention dans une communauté (qui est décrite plus loin), mais pas dans l’autre. L’intervention avait lieu du lundi au vendredi de 9 h à 17 h, en 2013 et 2014. Pour justifier ce choix d’horaire, les chercheurs ont cité d’autres études qui avaient trouvé que la majorité des personnes qui utilisaient les médias sociaux le soir et la fin de semaine s’en servaient également en semaine pendant la journée.
Les chercheurs ont choisi les plateformes de médias sociaux suivantes pour leur intervention :
- Adam4Adam
- BlackGayChat
- Craigslist
- Gay.com
Selon l’équipe de l’étude, dans chacune des plateformes, un éducateur en santé a créé un profil public et fait les actions suivantes :
- parler du VIH dans son profil
- parler de l’importance du dépistage du VIH
- faire savoir aux utilisateurs qu’il était disponible pour répondre à leurs questions sur le dépistage du VIH, y compris le processus de dépistage, et leur donner l’adresse des sites de dépistage locaux
- parler des « occasions de dépistage additionnelles », y compris les sites non cliniques et les événements tenus dans les bars et les clubs
Ces profils et messages étaient accessibles à quiconque voulait les voir. Pour communiquer avec les clients, l’éducateur en santé utilisait la messagerie instantanée.
Les chercheurs invitaient les volontaires qui visionnaient le profil de l’éducateur en santé à participer à l’étude et leur offraient une petite somme d’argent (10 $US) pour remplir les sondages. Ces sondages, qui avaient été validés lors d’une étude précédente, recueillaient de l’information sur les participants afin que les chercheurs puissent évaluer leurs comportements en matière de sexe, de drogues et de dépistage du VIH.
Au total, 1 292 personnes ont choisi de participer à l’étude. Les participants avaient en moyenne 40 ans et, même s’ils étaient nombreux (à peu près 50 %) à s’identifier comme gais, 36 % d’entre se disaient bisexuels et 13 % s’identifiaient comme hétérosexuels. Environ 2 % des participants s’identifiaient comme transgenres.
On a réparti les participants au hasard pour recevoir l’intervention ou non.
Résultats
Tout de suite après le recrutement des participants, les chercheurs les ont interrogés au sujet de leurs comportements antérieurs en matière de dépistage du VIH afin de déterminer s’ils avaient déjà été testés. Les chercheurs n’ont constaté aucune différence initiale, ou de base, entre les personnes qui recevaient l’intervention et celles qui ne la recevaient pas en ce qui concerne les taux de dépistage du VIH antérieurs.
Toutefois, après l’intervention, les taux de dépistage ont changé de façon importante dans un groupe, soit celui des participants ayant reçu l’intervention. Les taux de dépistage du VIH étaient les suivants :
Intervention CyBER/testing
- proportion initiale ayant déjà passé un test de dépistage du VIH : 35 %
- proportion ayant passé un test de dépistage du VIH à la fin de l’étude : 64 %
Aucune intervention
- proportion initiale ayant déjà passé un test de dépistage du VIH : 39 %
- proportion ayant passé un test de dépistage du VIH à la fin de l’étude : 42 %
Lorsque les chercheurs ont ajusté leurs données en tenant compte de l’orientation sexuelle, de l’identité ethnoraciale et des plateformes de médias sociaux particulières, ils ont trouvé que les personnes ayant reçu l’intervention étaient presque trois fois plus susceptibles de passer un test de dépistage du VIH que les personnes n’ayant pas reçu l’intervention.
Point à noter
Les chercheurs ont affirmé que leur intervention avait « plusieurs caractéristiques positives », que voici :
- « L’intervention était mise en œuvre auprès d’utilisateurs de [communautés virtuelles] à un moment où beaucoup d’entre eux pensaient peut-être au sexe. »
- L’éducateur en santé « avait une présence dans les médias sociaux et était disponible au besoin ». Il répondait quand les utilisateurs avaient besoin de lui « en fonction de leurs priorités ».
- L’intervention du programme rejoignait des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes « qui seraient peut-être plus difficiles à rejoindre dans les espaces physiques ». Cela est particulièrement important « vu que près de la moitié [des participants] s’identifiaient comme bisexuels ou hétérosexuels ». Selon les chercheurs, il n’est pas nécessairement possible de rejoindre et d’éduquer de tels hommes dans les « endroits centrés sur les hommes gais ».
- Les chercheurs ont également souligné que leur intervention était relativement « facile à mettre en œuvre et ne nécessitait qu’un éducateur en santé formé ayant accès à Internet ». Ainsi, ce type d’intervention pourrait intéresser d’autres départements et agences de la santé publique qui souhaitent rehausser l’intérêt pour l’éducation et le dépistage du VIH et améliorer l’accès.
Il vaut la peine de noter que plus de 75 % des participants ont refusé la compensation offerte en échange de leur participation à l’étude.
Maintenant et vers l’avenir
L’équipe de recherche a affirmé que ses résultats pourraient être « transférables aux applications mobiles de rencontre sexuelle actuelles utilisant le GPS, telles que Radar, Grindr, Jack’d et Scruff ».
Et d’ajouter les chercheurs : « On prévoit que la prochaine génération d’applis de messagerie globale [telles que WhatsApp et WeChat] aura des capacités publicitaires qui pourraient être exploitées au service de la promotion de la santé ».
En conclusion, l’équipe de recherche a affirmé que son étude « souligne la valeur d’utiliser les médias sociaux existants pour relever les défis particuliers auxquels [certaines] communautés font face pour augmenter le dépistage du VIH et promouvoir la santé sexuelle ».
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCES
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