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CATIE

Lors des premiers jours de l’épidémie du sida, les médecins s’efforçaient surtout de comprendre les résultats de laboratoire de leurs patients, ainsi que les signes et les symptômes que manifestaient ceux-ci, afin de pouvoir prévenir et traiter les complications potentiellement mortelles caractéristiques du sida.

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L’arrivée, en 1996, de la multithérapie antirétrovirale a transformé l’épidémie; d’un arrêt de mort quasi-certain, le sida est devenu une affection médicale chronique que l’on pouvait contrôler grâce à la prise quotidienne de médicaments. L’efficacité de la multithérapie est telle que nombre de chercheurs estiment maintenant que les personnes séropositives qui commencent le traitement aujourd’hui connaîtront une espérance de vie presque normale, surtout dans les pays à revenu élevé dotés d’un système de bien-être social universel.

Maintenant que nous entrons dans la quatrième décennie de la pandémie, la plupart des consultations entre médecins et patients tournent encore autour des tests de laboratoire et de l’évaluation des signes et des symptômes. Il n’empêche que l’intersection des thèmes suivants joue un rôle de plus en plus important lors des consultations dans les pays à revenu élevé :

  • complications à long terme de l’infection au VIH, dont plusieurs pourraient être liées à l’inflammation chronique
  • problèmes liés au vieillissement
  • co-infections et complications co-existantes
  • fardeau physique, biologique et psychologique d’être atteint d’une affection médicale chronique
  • effets secondaires des médicaments

Les symptômes : des indices précieux

Les symptômes jouent un rôle crucial lorsqu’on essaie de comprendre l’évolution d’une maladie et l’expérience de la personne atteinte. Les symptômes, particulièrement les symptômes embêtants, peuvent empêcher un patient de suivre fidèlement son traitement et compromettre sa qualité de vie. Ils pourraient aussi signaler une toxicité médicamenteuse ou un autre problème.

Puisque le traitement anti-VIH doit durer de très nombreuses années, il faut porter une attention particulière aux symptômes afin de pouvoir déceler des effets secondaires éventuels. Si leurs symptômes les embêtent beaucoup, de nombreux patients risquent de devenir frustrés et de suivre moins fidèlement leur traitement afin de trouver un soulagement.

L’étude Beahiv

Des chercheurs de partout au Canada ont mené une étude appelée Beahiv, abréviation de Behaviour and Attitudes Study. L’objectif principal de cette étude consistait à déterminer dans quelle mesure l’information fournie par les patients concordait avec celle fournie par les médecins en ce qui avait trait aux symptômes signalés par les patients lors de leur dernière consultation. Pour ce sondage réalisé par la firme Ipos-Reid, on avait recours à un formulaire de collecte de données dont la fiabilité avait déjà fait ses preuves.

Les patients et les médecins ont rempli le sondage à la suite d’une consultation tenue dans un des 17 sites de l’étude au Canada.

On a interrogé les patients au sujet de 22 symptômes courants qu’ils auraient pu éprouver au cours du mois précédent. On leur a également demandé de classer les symptômes en fonction de leur intensité. Les médecins ont répondu à des questions concernant les symptômes signalés par leurs patients, et on leur a aussi demandé de classer leur intensité.

À propos des médecins

L’équipe de recherche a recruté 42 médecins : 23 spécialistes des maladies infectieuses, 17 médecins de famille et deux spécialistes d’autres domaines.

En moyenne, les médecins soignaient des patients atteints du VIH depuis une quinzaine d’années, et la plupart d’entre eux suivaient plus de 100 patients séropositifs.

À propos des patients

Le profil moyen des 1 000 patients inscrits à l’étude Beahiv était le suivant :

  • 12 % de femmes, 88 % d’hommes
  • âge – 46 ans
  • compte de CD4+ – 504 cellules
  • 85 % suivaient une multithérapie
  • 69 % avaient une charge virale inférieure à 50 copies/mL
  • environ 60 % suivaient une multithérapie depuis plus de cinq ans
  • 51 % prenaient la même combinaison de médicaments depuis au moins trois ans

La composition ethnoraciale des participants était la suivante :

  • Blancs – 73 %
  • Noirs – 8 %
  • Autochtones – 7 %
  • Asiatiques – 5 %
  • Hispaniques – 4 %

Les participants sont nés dans les endroits suivants :

  • Amérique du Nord – 78 %
  • Europe – 5 %
  • Afrique – 5 %
  • Asie – 4 %
  • Caraïbes – 4 %
  • Amérique latine – 4 %

Résultats clés

  • Les patients disaient avoir éprouvé entre 30 % et 76 % des symptômes mentionnés dans le sondage.
  • Entre 8 % et 35 % des patients affirmaient que leurs symptômes étaient « embêtants ».
  • Les médecins reconnaissaient des symptômes embêtants dans entre 0,2 % et 11 % des cas.

Les discordances les plus importantes entre les réponses des médecins et des patients se rapportaient aux symptômes suivants : la mémoire, les problèmes sexuels, les ballonnements intestinaux, la douleur et la flatulence.

La discordance la plus faible avait trait aux problèmes gynécologiques.

Pourquoi ces différences?

Les résultats de l’étude Beahiv sont solides, car ils ont été obtenus auprès de 1 000 paires de médecins et de patients. Malheureusement, l’équipe n’a pas exploré les facteurs éventuels qui pourraient expliquer les différences observées.

Les résultats de l’étude Beahiv et d’autres études semblables mettent en évidence un enjeu important :

  • Il faut améliorer la communication entre les médecins et les patients.

En Amérique

Un rapport américain récent sur la communication médecin-patient a tiré des conclusions semblables à celles de l’étude Beahiv, ce qui porte à croire que les problèmes de communication ne respectent pas les frontières. Les chercheurs américains impliqués dans l’étude en question ont laissé croire qu’un questionnaire ou un outil normalisé pourrait aider les médecins à interroger leurs patients au sujet de leurs symptômes. Les résultas d’une étude pilote menée aux États-Unis semblent en effet indiquer que les médecins deviennent « très conscients » des symptômes de leurs patients lorsqu’un tel outil est utilisé.

À l’avenir

L’étude Beahiv pourrait ouvrir la voie à d’autres études conçues pour explorer la communication entre médecins et patients séropositifs. À long terme, ce genre de recherche pourrait aider à améliorer les soins pour les patients et à réduire les coûts pour le système de santé en favorisant un meilleur usage de celui-ci. De plus, puisque la compréhension des symptômes des patients est essentielle aux soins, l’étude Beahiv pourrait donner lieu à des études semblables visant à mieux comprendre la communication médecin-patient pour d’autres affections médicales, y compris le cancer, les maladies cardiovasculaires, le diabète, les complications hépatiques et l’ostéoporose.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Rachlis A, Gill J, Harris M, et al. Behaviour and attitudes in HIV (Beahiv): a national survey study to examine the level of agreement between physicians and patients in symptom reporting. In: Program and abstracts of the 19th Annual Canadian Conference on HIV/AIDS Research, 13-16 May 2010, Saskatoon, Saskatchewan, Canada. Abstract Oo86.
  2. Edelman EJ, Gordon K, Justice AC. Patient and provider-reported symptoms in the post-cART era. AIDS and Behavior. 2010; in press.