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CATIE

Grâce aux nombreux bienfaits des combinaisons de médicaments anti-VIH puissants (couramment appelées thérapie antirétrovirale ou TAR), un plus grand nombre de personnes séropositives au Canada, comme dans d’autres pays similaires, vivent plus longtemps. La TAR est tellement bénéfique que les chercheurs s'attendent de plus en plus à ce que certaines personnes séropositives aient une espérance de vie d'une longévité quasi normale.

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À mesure que les personnes vivant avec le VIH en arrivent à l'étape de leurs dernières années de vie, non seulement l'apport de changements dans les soins qui leurs sont prodigués s'avère-t-il nécessaire, mais il convient aussi que les fournisseurs de soins prêtent une plus grande attention aux enjeux qui entourent le vieillissement. Dans le cas d'un jeune adulte séropositif moyen entreprenant actuellement une TAR, il aurait en toute probabilité recours à un simple régime de traitement causant un minimum d'effets secondaires de sorte qu'une faible charge virale sanguine puisse être atteinte et maintenue. De pair avec le vieillissement, il pourra y avoir intensification, voire modification, des objectifs pour inclure des éléments favorisant le maintien d'une bonne qualité de vie ainsi que de la santé physique, mentale et émotionnelle. Pour favoriser le vieillissement sain, des éléments de soins gérontologiques devront être incorporés dans le contexte de consultations médicales régulières.

Les syndromes gériatriques

Les médecins regroupent sous le terme syndromes gériatriques les affections fréquemment observées chez les personnes âgées qui peuvent avoir plusieurs causes sous-jacentes. Voici quelques exemples de symptômes regroupés sous la désignation de syndromes gériatriques :

  • les chutes
  • les étourdissements
  • les évanouissements
  • la fragilité
  • l'incontinence urinaire
  • le délire – une perturbation de la conscience comportant plusieurs caractéristiques, dont les suivantes : problèmes d'attention et de sensibilisation; troubles de la mémoire; problèmes de perception, comme voir ou entendre des choses qui ne sont pas réelles (hallucinations); état d'incertitude quant à son emplacement physique; troubles de la parole et de l'élocution. Dans les cas de délire, l'état mental de la personne peut soudainement changer en l'espace de quelques heures ou jours. Le délire peut donner lieu à un état de confusion et de désorientation. Certaines personnes peuvent aussi devenir violentes et perturbatrices. Le délire n'est pas identique à la démence.

De façon générale, la ou les causes sous-jacentes des problèmes regroupés sous la rubrique des syndromes gériatriques peuvent toucher plusieurs systèmes organiques, et chaque élément de syndrome gériatrique accroît la vulnérabilité des personnes âgées à d'autres problèmes.

Vieillissement et VIH

Étant donné que les personnes séropositives âgées vont avoir besoin de soins adaptés à leur âge, une équipe de chercheurs qui étudient les maladies infectieuses et le vieillissement à l'Université du Connecticut a proposé que les médecins s'occupant de personnes séropositives vieillissantes intègrent une « évaluation gériatrique » dans le contexte des soins réguliers. Ce genre d'appréciation permettrait d'évaluer les patients pour ce que les chercheurs appellent « les affections particulières qui peuvent prédisposer [les patients à devenir moins fonctionnels] », comme les suivantes :

  • les troubles visuels – les problèmes de ce genre peuvent avoir une incidence notamment sur les chutes et l'observance thérapeutique
  • les infections de l'oreille interne et les troubles auditifs – les problèmes de cette nature peuvent nuire à l'équilibre, ce qui favorise les chutes, et entraver la capacité à comprendre les instructions et recommandations formulées par les fournisseurs de soins
  • les troubles de l'équilibre et de la marche – qui peuvent accroître les probabilités de chute

À San Francisco

Une équipe de chercheurs à San Francisco a commencé à tenter de comprendre l'effet du vieillissement sur les personnes séropositives. Spécifiquement, l'équipe a cherché à évaluer la présence des syndromes gériatriques auprès de personnes suivant une thérapie antirétrovirale, âgées de plus de 50 ans et dont la charge virale était demeurée faible pendant plusieurs années.

L'étude réalisée auprès de 155 personnes a révélé la présence de syndromes gériatriques. Les participants qui comptaient un plus grand nombre de problèmes de santé coexistants étaient exposés à un risque accru de syndromes gériatriques.

Détails de l'étude

Les chercheurs ont recruté les participants à partir de deux grandes cliniques de maladies infectieuses à San Francisco. Les participants ont rempli des questionnaires, subi un examen physique et donné des échantillons de sang. Toutes ces données ont été analysées de pair avec celles obtenues des dossiers médicaux.

Les chercheurs se sont concentrés sur les aspects suivants :

  • les chutes
  • l'incontinence urinaire
  • la mobilité restreinte
  • l'altération de la capacité à effectuer certaines activités quotidiennes (telles que le ménage, la gestion des médicaments, se laver, s'habiller, faires les courses)
  • les troubles de l'audition et de la vision
  • la dépression
  • la difficulté à penser clairement et les troubles de mémoire
  • la fragilité (voir ci-dessous)

L'équipe de recherche a défini l'état de fragilité et de pré-fragilité par l'évaluation de la présence des symptômes suivants :

  • la perte de poids non intentionnelle
  • les auto-évaluations d'épuisement
  • le faible niveau d'activité physique
  • la faible vitesse de marche
  • la faiblesse physique (évaluée par la force de préhension)

Les chercheurs ont jugé comme fragiles les personnes qui présentaient trois ou plus des symptômes ci-dessus et comme pré-fragiles, celles qui en avaient un ou deux.

Les données recueillies auprès des 155 participants ont été traitées aux fins des analyses réalisées. Le profil moyen des participants était comme suit :

  • âge – 57 ans
  • 94 % d'hommes, 6 % de femmes
  • durée de l'infection par le VIH – 21 ans
  • compte de CD4+ – 537 cellules/mm3

Résultats

En moyenne, les participants avaient quatre affections médicales coexistantes (comorbidités), dont les plus fréquentes étaient les suivantes :

  • taux anormaux de cholestérol et de triglycérides dans le sang
  • tension artérielle supérieure à la normale
  • nerfs lésés et douloureux au niveau des mains, des bras, des jambes ou des pieds (neuropathie périphérique)

Les participants prenaient une moyenne de neuf médicaments (qui n'étaient pas contre le VIH) dans le cadre de leur régime quotidien de traitement.

Des enjeux complexes

Les chercheurs ont constaté que 54 % des participants affichaient au moins deux syndromes gériatriques, comme les suivants :

  • pré-fragilité – 56 %
  • difficulté à effectuer une ou plusieurs activités de la vie quotidienne – 47 %
  • manque de mémoire et difficulté à penser clairement – 47 %

Les autres problèmes observés étaient notamment les suivants :

  • chutes – 26 % ont révélé qu'ils avaient fait une chute au cours de la dernière année; en moyenne, on a dénombré deux chutes par personne par an. Dans environ 13 % des cas, des soins médicaux avaient été sollicités.
  • incontinence urinaire – 25 %
  • troubles de l'ouïe – 41 %
  • troubles de la vision – 50 %
  • trouble dépressif – 22 % des participants présentaient une dépression légère et 18 %, une dépression d'intensité modérée à sévère

Liens possibles

Il y a lieu de garder à l'esprit qu'il s'agissait d'une étude au plan de nature observationnelle et transversale. Ce sont, en grande partie, des données qui ont été recueillies à un moment déterminé, et ce, auprès de participants qui n'avaient pas été recrutés au hasard. Ces études sont efficaces pour dégager des associations entre un facteur de risque possible et un résultat (un des syndromes gériatriques mentionnés plus haut), mais elles ne permettent pas de prouver qu'un facteur de risque présumé donne lieu à un résultat particulier. Les conclusions que l'on en tire doivent être soupesées avec prudence.

Dans l'étude, les chercheurs ont constaté que les personnes qui avaient un faible compte pré-antirétroviral de CD4+ étaient davantage à risque de développement futur de syndromes gériatriques. Ils ont également constaté que les personnes de couleur couraient un risque accru de ces syndromes.

Il est probable que les participants qui ont fait état d'une neuropathie périphérique aient été exposés à un groupe plus ancien de médicaments anti-VIH, que l'on surnommait couramment médicaments « d », lesquels étaient susceptibles d'être toxiques pour les cellules nerveuses :

  • la ddI (didanosine, Videx)
  • la d4T (stavudine, Zerit)
  • la ddC (zalcitabine, Hivid)

Les études transversales, telle la présente étude, représentent un bon point de départ, car elles peuvent servir à établir l'existence d'un problème médical qui nécessiterait une enquête plus approfondie dans le cadre d'une étude plus coûteuse de grande envergure, dont le modèle statistique serait solide. Une telle étude permettrait d'examiner les possibles facteurs de risque supplémentaires de syndromes gériatriques. À la lumière des conclusions de la présente étude, les chercheurs sont d'avis que l'instauration plus précoce de la TAR puisse s'avérer un moyen de retarder ou d'éviter l'apparition de syndromes gériatriques. Cependant, étant donné les conseils formulés dans les lignes directrices de traitement qui s'orientent généralement vers le début précoce de la TAR au cours de l'infection à VIH et compte tenu de ce qui prévaut en pratique clinique dans les pays à revenu élevé, une telle recommandation de la part de ces chercheurs pourrait ne pas revêtir autant d'importance à l'heure actuelle.

Les chercheurs de San Francisco méritent cependant d'être félicités pour le travail préliminaire accompli, qui permet de documenter diverses manifestations des syndromes gériatriques qui se produisent même chez des personnes VIH-positives d'âge moyen. La poursuite d'une étude future devrait s'adjoindre la participation de sujets séropositifs comme séronégatifs, y compris d'un plus grand nombre de femmes, provenant de milieux socio-économiques similaires de sorte que des comparaisons pertinentes et significatives peuvent être faites. Une telle étude devra aussi se pencher sur une combinaison d'autres facteurs de risque possibles de syndromes gériatriques, dont les suivants (comme l'ont déjà mentionné les chercheurs) :

  • les facteurs psychosociaux (isolement social, utilisation de substances intoxicantes)
  • la présence de plusieurs comorbidités
  • le fardeau de la prise de plusieurs médicaments en raison de multiaffections présentes
  • l'inflammation chronique

Ressources

Management of Human Immunodeficiency Virus Infection in Advanced Age

L’infection au VIH à long terme et la qualité de vie liée à la santéNouvelles CATIE

Des médecins néerlandais explorent le rapport entre le vieillissement et le VIHNouvelles CATIE

Report to the NIH about Aging and HIV

Programme de recherche des IRSC sur la comorbidité liée au VIH

Programme de recherche des IRSC sur la comorbidité liée au VIH : secteurs de recherche pertinents

Le VIH et le veillissement – Conseils pour vivre en santé à l’intention des personnes de 50 ans et plus vivant avec le VIH

Le VIH et le veillissement – Série de webinaires de CATIE : Éléments constitutifs

Feuillets sur le VIH et le veillissement au Canada –Société canadienne du sida

Evidence-informed recommendations for rehabilitation with older adults living with HIV: a knowledge synthesis

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Greene M, Covinsky KE, Valcour V, et al. Geriatric syndromes in older HIV-infected adults. Journal of Acquired Immune Deficiency Syndromes. 2015; in press.
  2. Chirch LM, Hasham M, Kuchel GA. HIV and aging: a clinical journey from Koch's postulate to the chronic disease model and the contribution of geriatric syndromes. Current Opinion in HIV/AIDS. 2014 Jul;9(4):405-11.
  3. Brothers TD, Kirkland S, Guaraldi G, et al. Frailty in people aging with human immunodeficiency virus (HIV) infection. Journal of Infectious Diseases. 2014 Oct 15;210(8):1170-9.
  4. Justice A, Falutz J. Aging and HIV: an evolving understanding. Current Opinion in HIV/AIDS. 2014 Jul;9(4):291-3.
  5. Greene M, Steinman MA, McNicholl IR, et al. Management of human immunodeficiency virus infection in advanced age. JAMA. 2013 Apr 3;309(13):1397-405.