- Lors d’une étude canadienne, 17 % des participant·e·s séropositif·ve·s âgé·e·s étaient fragiles, ce qui dépasse la moyenne du pays
- L’équipe n’a constaté aucun lien entre la fragilité et un compte de CD4+ très faible dans le passé
- Les personnes fragiles étaient moins susceptibles d’être en couple et plus susceptibles d’être seules
La fragilité est un problème qui s’aggrave avec le temps et qui réduit la capacité d’une personne à vaquer à ses activités quotidiennes. La fragilité peut compromettre la vitesse de marche, la capacité de penser clairement et la force musculaire, entre autres. Lors d’une étude menée auprès de personnes séronégatives, une équipe de recherche canadienne a constaté que 8 % de celles âgées de plus de 65 ans présentaient un certain degré de fragilité.
Une autre équipe canadienne a mené une étude auprès de personnes séropositives de plus de 65 ans afin de déterminer leur degré de fragilité. L’étude Change HIV a été menée en collaboration avec des scientifiques d’Italie se spécialisant dans l’étude du vieillissement chez les personnes séropositives.
Détails de l’étude
Aux fins d’un rapport récent, l’équipe de CHANGE HIV a analysé des données recueillies auprès de 439 personnes séropositives. Les participant·e·s, dont 92 % d’hommes et 8 % de femmes, ont été recruté·e·s dans sept cliniques de la Colombie-Britannique, de l’Ontario et du Québec. Leur moyenne d’âge était de 70 ans lors de leur admission à l’étude. Tou·te·s les participant·e·s suivaient un traitement contre le VIH (traitement antirétroviral ou TAR) et 99 % avaient une charge virale indétectable. Leur compte de CD4+ moyen était de 560 cellules/mm3.
Pour évaluer la fragilité, l’équipe de recherche a eu recours à une méthode bien validée appelée Phénotype de fragilité de Fried.
Les participant·e·s ont passé des tests sanguins de routine et rempli un questionnaire abordant une large gamme de sujets.
Résultats
L’équipe de recherche a regroupé les participant·e·s en fonction de leur degré de fragilité, comme suit :
- robustes (absence de fragilité) : 21 %
- préfragiles : 62 %
- fragiles : 17 %
Le signe de fragilité le plus courant était la faiblesse (43 % de la cohorte), suivi d’un faible niveau d’activité physique puis d’une vitesse de marche plus lente que la normale.
L’équipe n’a constaté aucun lien entre le risque de préfragilité et de fragilité et le fait d’avoir eu un très faible compte de CD4+ dans le passé, soit moins de 200 cellules/mm3.
La fragilité n’était pas associée à la présence concomitante d’autres maladies (comorbidités).
Solitude
Comme nous l’avons mentionné, les participant·e·s séropositif·ve·s ont rempli un questionnaire sur une large gamme de sujets. L’équipe a constaté que les personnes fragiles étaient considérablement plus susceptibles de ne pas être en couple et de souffrir davantage de solitude que les personnes non fragiles.
Les données figurant dans ce rapport ont été recueillies à un seul moment dans le temps. Les études de ce genre captent une image de ce qui se passe chez des gens à un seul moment spécifique. Comme cette étude se poursuit, d’autres données seront recueillies et des tendances à long terme se révéleront au fur et à mesure que les participant·e·s continueront de fréquenter les cliniques de l’étude. Comme cette étude était conçue de cette manière (étude transversale dans le langage technique), elle ne peut confirmer si la solitude a causé la fragilité ou vice versa. Les facteurs en jeu sont plus complexes que cela. L’équipe de recherche a avancé les explications possibles suivantes pour éclairer ses résultats :
Biais de survie
Il est possible que cette équipe de recherche n’ait pas été en mesure de recruter des personnes fragiles qui avaient moins de 200 cellules CD4+ parce que celles-ci étaient décédées et ne pouvaient participer à l’étude. Cela pourrait expliquer l’absence de lien entre un très faible compte de CD4+ et un risque accru de fragilité.
TAR moderne
Contrairement aux traitements d’il y a 25 ans, le TAR actuel est puissant et bien toléré. Pour certaines personnes, le TAR consiste en la prise d’un seul comprimé une seule fois par jour ou encore en des injections effectuées tous les deux mois. Grâce à la puissance et à la facilité d’utilisation du TAR moderne, les comptes de CD4+ moyens sont généralement plus élevés de nos jours qu’ils ne l’étaient il y a quelques décennies sous l’effet de traitements moins efficaces.
Deuils vécus avant l’arrivée des traitements efficaces
De nombreuses personnes qui ont survécu à l’époque où il n’existait aucun traitement efficace contre le VIH ont perdu des partenaires et des êtres chers. C’est notamment le cas des hommes séropositifs gais, bisexuels et d’autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (hommes gbHARSAH). Il est possible que des survivant·e·s qui ont participé éventuellement à cette étude passent leur vie seul·e·s. L’équipe de recherche a en effet affirmé que 65 % des participant·e·s étaient « célibataires, divorcé·e·s ou veuf·ve·s ».
Que faire?
Selon l’équipe de recherche, « il est crucial d’établir des soutiens qui combattront la solitude chez [les personnes âgées vivant avec le VIH]. Cela permettrait aux gens de vieillir en sécurité chez eux et créerait des occasions de rendre les services de logement supervisé et les établissements de soins de longue durée accessibles et inclusifs pour les personnes vivant avec le VIH ». Il est important que ce message soit entendu par les décideur·euse·s de politiques et les ministères de la Santé.
À retenir
La fragilité ne suit pas une seule trajectoire. Elle peut s’aggraver au fil du temps ou encore se résoudre partiellement ou complètement, selon l’état de santé global de la personne et les interventions entreprises. Espérons que les données à plus long terme de l’étude CHANGE HIV en révéleront plus sur l’évolution de la fragilité.
Il est possible que cette équipe ait sous-estimé involontairement le taux de fragilité, car certaines sous-populations n’étaient pas inscrites à l’étude, telles les suivantes :
- personnes ne recevant pas de soins pour le VIH
- personnes confinées à domicile
- personnes vivant dans un établissement de soins de longue durée
- personnes atteintes de déficiences physiques importantes
- personnes atteintes de déficiences cognitives importantes
Comme la plupart des personnes inscrites à cette étude étaient des hommes blancs, il est possible que ses résultats ne s’appliquent pas à d’autres populations. Espérons que d’autres participant·e·s y seront inscrit·e·s à l’avenir afin qu’il soit possible de combler cette lacune.
—Sean R. Hosein
Ressources
Étude canadienne sur les effets du vieillissement chez les personnes séropositives –Nouvelles CATIE
Des chercheurs albertains constatent des taux de fragilité élevés chez des personnes séropositives âgées et d’âge moyen – Nouvelles CATIE
Une équipe française étudie la fragilité chez des personnes âgées vivant avec le VIH – Nouvelles CATIE
La prise de trop de médicaments nuit-elle à la santé des personnes séropositives? – Nouvelles CATIE
Fragilité chez les Autochtones vivant avec le VIH – TraitementActualités 254
Réseau pancanadien pour des essais cliniques sur le VIH et autres ITSS (CTN+)
RÉFÉRENCE :
Zhabokritsky A, Klein M, Harris M et al. Prevalence and correlates of frailty among older adults living with HIV in the CHANGE HIV cohort. JAIDS. 2024 Nov 1;97(3):226-231.