- L’Î.-P.-É. a été la première province canadienne à lancer un modèle de soins de l’hépatite C à la grandeur de la province
- 93 patients ont commencé le traitement durant la première année, comparativement à seulement quatre mises sous traitement au cours des deux années précédentes
- 97,6 % des patients traités ont guéri
Grâce à l’introduction des antiviraux à action directe (AAD) pour le traitement de l’hépatite C, il est maintenant possible d’envisager l’éradication de cette infection. Pour que cela arrive, il faudra améliorer et harmoniser l’accès aux programmes de traitement et de soins.
En avril 2015, l’Île-du-Prince-Édouard est devenue la première province canadienne à lancer un modèle de soins de l’hépatite C à la grandeur de la province.
Les éléments clés du programme incluaient les suivants :
- service centralisé d’orientation, de triage et d’admission assuré par un coordonnateur des soins infirmiers en hépatite C
- spécialistes du traitement de l’hépatite C
- accès au traitement par AAD sans restriction par rapport à la fibrose
- éducation des patients et suivi personnalisé
Une étude de la première année du programme a révélé que 123 patients ont été évalués en vue de leur admission au programme et 93 patients ont commencé le traitement. Cela se compare à seulement quatre personnes mises sous traitement au cours des deux années précédentes.
Détails de l’étude
La phase I du Programme de traitement du VHC de l’Î.-P.-É. s’est déroulée du 1er avril 2015 au 1er avril 2016.
Les principaux points d’entrée dans le programme étaient les fournisseurs de soins primaires, les services de traitement des dépendances, les cliniques de méthadone, les programmes d’aiguilles et de seringues et les services des urgences. Les patients étaient dirigés vers le programme provincial après confirmation de l’infection à l’hépatite C et l’obtention d’un résultat positif au test de la charge virale.
L’admission et l’évaluation étaient assurées par un coordonnateur des soins infirmiers et suivies d’un rendez-vous auprès d’un spécialiste du traitement de l’hépatite C. La priorité était donnée aux patients souffrant de fibrose avancée, d’une maladie hépatique co-existante ou d’une co-infection virale; ensuite venaient les personnes porteuses du génotype 1 ou 4 mais ne présentant aucune atteinte hépatique grave (parce que les traitements disponibles étaient approuvés pour ces génotypes).
Les patients ayant le génotype 1 étaient traités par Holkira Pak (ombitasvir/paritaprévir/ritonavir + dasabuvir), avec ou sans ribavirine, pendant 12 ou 24 semaines. Les patients ayant le génotype 4 recevaient Technivie (ombitasvir/paritaprévir/ritonavir) plus ribavirine pendant 12 semaines. Tous les médicaments étaient fournis gratuitement. Les patients recevaient un soutien à la réduction des méfaits, et aucune personne n’était exclue du traitement pour l’unique raison qu’elle avait récemment consommé des drogues.
La coordonnatrice des soins infirmiers fournissait de l’éducation et un suivi personnalisés aux patients lors des consultations prévues sous la supervision des spécialistes du traitement. Les patients recevaient de l’information sur la transmission de l’hépatite C, la santé du foie et l’importance de l’observance thérapeutique. Les patients dont le traitement réussissait et qui obtenaient une réponse virologique soutenue à la 12e semaine après le traitement (RVS12) recevaient un counseling additionnel afin de réduire leur risque de réinfection.
Tous les patients ayant pris au moins une dose de médicament étaient inclus dans l’analyse de l’efficacité du traitement. Les patients ayant obtenu une RVS12 étaient considérés comme guéris, et les taux globaux de RVS12 étaient analysés en fonction du génotype et du statut à l’égard de la cirrhose.
Résultats
Deux cent quarante-deux patients ont été dirigés vers le programme durant la première année. La majorité d’entre eux (157) avaient le génotype 1, suivi du génotype 3 (45 patients), du génotype 2 (21 patients) et du génotype 4 (un patient). Dix-sept personnes se sont débarrassées spontanément du virus.
Sur les 242 patients dirigés vers le programme, 123 (51 %) ont passé une évaluation et une séance éducative auprès du coordonnateur des soins infirmiers. Parmi ces patients, 120 avaient l’infection au génotype 1 (98 %), 17 avaient la fibrose de stade 3 (14 %), 29 avaient la cirrhose (24 %) et 24 autres avaient déjà suivi un traitement à base d’interféron (20 %).
À la suite de l’évaluation initiale, 93 patients ont commencé le traitement, mais 30 personnes n’ont pas reçu de traitement à ce moment-là. Sur ces dernières, 16 personnes (53 %) étaient censées commencer le traitement après avoir consulté un spécialiste du traitement de l’hépatite C. Les raisons pour ne pas commencer le traitement incluaient les suivantes : utilisation active de drogues injectables et non-observance perçue ou déclarée de la médication; clairance virale spontanée; déménagement hors province; incarcération; comportements abusifs; grossesse; et exacerbation de la maladie de Crohn.
Sur les 93 patients ayant commencé le traitement, 42 avaient la fibrose de stade 3 ou 4 (cirrhose). La majorité des patients porteurs du génotype 1 (86 personnes ou 92,4 %) ont été traités par Holkira Pak avec ou sans ribavirine pendant 12 semaines. Six patients qui avaient le génotype 1 et la cirrhose et qui n’avaient pas répondu à un traitement antérieur ont reçu Holkira Pak et la ribavirine pendant 24 semaines. Le seul patient ayant le génotype 4 a été traité par Technivie plus ribavirine pendant 12 semaines.
Au moment de l’analyse des résultats, 84 patients avaient été suivis pendant 12 semaines après la fin du traitement. Les neuf autres patients prenaient encore le traitement ou attendaient leur résultat RVS12. Sur les 84 patients suivis, 82 (97,6 %) ont connu une RVS12. Sur les deux patients n’ayant pas connu de RVS12, une personne a échappé au suivi et l’autre est décédée d’un événement non relié.
Les responsables du programme ont inscrit les données dans un registre de traitement volontaire dans l’espoir de mieux comprendre la population touchée par l’hépatite C et l’expérience du traitement de celle-ci dans le monde réel. Un total de 70 patients ont été inscrits dans le registre entre avril 2015 et avril 2016.
Soixante pour cent des patients inscrits dans le registre n’ont signalé aucune dose oubliée. Chez les patients ayant fait état de doses oubliées, la plupart (74 %) avaient manqué moins de cinq doses. Tous les patients ayant un résultat RVS12 ont guéri malgré une observance thérapeutique sous-optimale.
Effets indésirables
La majorité des patients (82 %) ont signalé au moins un effet indésirable, dont les plus courants étaient les suivants :
- fatigue : 38 %
- nausées et vomissements : 22 %
- prurit (démangeaisons): 13 %
Une réduction de la dose de la ribavirine s’est avérée nécessaire pour 7 % des patients à cause d’une anémie ou de symptômes apparentés, mais tous les patients en question ont obtenu une RVS12.
Une seule personne a cessé de prendre son traitement à cause d’un effet indésirable qui n’était pas lié à son traitement. Le patient a mis fin au traitement à la 7e semaine mais cela ne l’a pas empêché de connaître une RVS12.
Stratégie réussie
L’Île-du-Prince-Édouard fut la première province canadienne à mettre en œuvre une stratégie d’accès ouvert en plusieurs phases visant l’éradication de l’hépatite C. Le traitement a été très bien toléré, et aucun échec thérapeutique ne s’est produit durant cette première phase. Un nombre considérable de personnes souffrant d’insuffisance hépatique avancée et d’autres comorbidités ont été traitées et ont connu des résultats favorables.
Au moment où cette étude se déroulait, le programme donnait l’accès au traitement des génotypes 1 et 4. Depuis la fin de l’étude, le traitement de l’hépatite C a connu d’autres progrès, et il existe maintenant des traitements pan-génotypiques. L’Î.-P.-É prévoit élargir son programme afin de mettre le traitement à la disposition des patients porteurs d’autres génotypes.
Ressource
Médicaments anti-hépatite C approuvés au Canada pour les adultes
– Zak Knowles
Référence
Smyth D, Francheville JW, Rankin R, et al. Early successes in an open access, provincially funded Hepatitis C Treatment Program in Prince Edward Island. Annals of Hepatology. 2017 Sep-Oct;16(5):749–758.