Une équipe pluridisciplinaire du Vancouver Infectious Diseases Centre (VIDC) a ouvert des cliniques communautaires éphémères (CCE) hebdomadaires à divers endroits dans des quartiers urbains défavorisés pour inciter les personnes qui utilisent des drogues à suivre un traitement de l’hépatite C. Avec l’appui de sociétés de logement et d’une pharmacie locale à titre de partenaires communautaires, le VIDC a proposé des tests de dépistage aux points de service dans les CCE, suivis de l’instauration rapide d’un traitement et de l’arrimage à des services intégrés dans le cas des personnes dont le résultat était positif. Sur les 1 968 personnes évaluées dans le cadre des CCE, 620 (31,5 %) étaient porteuses d’anticorps dirigés contre l’hépatite C et 474 (76,5 %) d’entre elles ont obtenu un résultat positif au test de détection de l’ARN du VHC. Sur les 387 personnes qui ont été prises en charge, 326 (84,2 %) ont commencé un traitement; parmi celles qui ont commencé un traitement, 304 (93,2 %) l’ont terminé, et 286 (94,1 %) parmi ces dernières ont guéri (d’après la mesure de la réponse virologique soutenue à 12 semaines [RVS12]).
Description du programme
Dans les quartiers urbains défavorisés de Vancouver, la prévalence de l’hépatite C et le risque de transmission sont élevés chez les personnes qui utilisent des drogues, ce qui se traduit par une importante charge de morbidité au sein de cette communauté. De nombreuses personnes sont privées de soins en raison d’obstacles, tels que la stigmatisation, ou de facteurs sociaux et structurels qui rendent difficile la continuité des soins (p. ex. insécurité financière, précarité du logement). Face au besoin de soins pluridisciplinaires accessibles à tou·te·s dans ces secteurs, le Vancouver Infectious Diseases Centre (VIDC) a mis en place des cliniques communautaires éphémères (CCE), ouvertes chaque semaine à divers endroits dans les quartiers défavorisés de la ville. À la faveur de partenariats entre le VIDC et diverses sociétés de logement, comme la Lu'ma Native Housing Society, l’Atira Women’s Resource Society et la Lookout Housing and Health Society, les CCE se tiennent dans des refuges, des centres de services communautaires, des installations d’hébergement modulaire et des habitations de chambres dans les quartiers urbains défavorisés de Vancouver. Dans le cadre d’une entente de prestation de services officielle avec la Lookout Housing and Health Society, le VIDC a chargé un·e infirmier·ère gestionnaire de cas de coordonner les interventions de proximité et de suivi dans les CCE, afin d’améliorer la participation et la continuité des soins parmi les résident·e·s de ces propriétés.
Dans le cadre de chaque CCE, jusqu’à 30 personnes se voient proposer un test de dépistage des anticorps de l’hépatite C aux points de service pendant une période de trois heures. Tou·te·s les patient·e·s reçoivent une carte-cadeau de 10 $ pour avoir effectué le test, quel qu’en soit le résultat. Les personnes qui obtiennent un résultat positif se voient proposer une consultation immédiate avec un·e médecin. Si le ou la patient·e y consent, son dossier médical est consulté à partir des bases de données des laboratoires provinciaux, avant la consultation médicale, afin de confirmer si cette personne a déjà reçu un diagnostic ou un traitement de l’hépatite C. Au cours de la consultation, un plan de soins complet est établi et les patient·e·s peuvent prendre rendez-vous avec un·e médecin dans un délai d’une semaine au VIDC ou dans sa clinique satellite, le Vancouver Urban Health Centre (VUHC).
Les consultations de suivi consistent en des évaluations cliniques préalables au traitement (p. ex. analyses de laboratoire courantes, élastographie impulsionnelle FibroScan) et en une mise en relation avec divers services destinés à répondre à d’autres besoins de santé mentale, sociaux ou liés à la prise en charge des dépendances (p. ex. aide aux démarches de logement, soutien nutritionnel, traitement par agonistes opioïdes [TAO]). Il s’agit notamment de mettre les patient·e·s en liaison avec des ressources adaptées aux populations autochtones et d’intégrer les pratiques culturelles dans les plans de soins, le cas échéant. Si les patient·e·s décident d’entamer un traitement, ils et elles reçoivent des médicaments gratuits dans le cadre de programmes financés par le gouvernement et d’initiatives de soutien aux patient·e·s. Le VIDC a établi un partenariat avec la pharmacie Speciality Rx (SRx), qui est stratégiquement située juste en dessous du VUHC dans le quartier Downtown Eastside. Ce regroupement permet de réduire les obstacles et de rendre le traitement plus accessible aux patient·e·s. Les horaires d’exécution des ordonnances, les rappels de cueillette et le service de livraison quotidienne des médicaments de la pharmacie sont accommodants de manière à favoriser l’observance des plans thérapeutiques. Les patient·e·s peuvent bénéficier de suivis supplémentaires pendant le traitement en cas d’effets secondaires et de difficultés d’observance, ou d’autres problèmes de santé. Une fois le traitement terminé, les patient·e·s font l’objet d’un suivi visant à en évaluer les résultats et se voient proposer un accès continu à l’équipe de soins pluridisciplinaire.
Résultats
Entre janvier 2021 et août 2023, 112 CCE ont été tenues, et 1 968 personnes ont été évaluées. Les personnes prises en compte dans les analyses étaient âgées de 19 ans ou plus, présentaient une infection active et non traitée par l’hépatite C, tous génotypes confondus, et utilisaient activement ou avaient utilisé des drogues dans les trois derniers mois. Les personnes présentant une cirrhose, une hépatopathie décompensée, ou une co-infection par le virus de l’hépatite B, ou empêchées de donner leur consentement éclairé ou de recevoir des soins pour d’autres raisons, ont été exclues de l’analyse.
En tout, 1 388 personnes ont répondu à un questionnaire démographique. L’âge médian des répondant·e·s était de 45 ans; 34,9 % des patient·e·s étaient des femmes, 32,3 % des Autochtones et 50 % des personnes blanches. Beaucoup de participant·e·s avaient connu des conditions de logement précaires (62,6 %) et l’incarcération (58,9 %), et 47,1 % avaient récemment été victimes d’une surdose. Interrogé·e·s sur leur utilisation de drogues, 79,7 % des personnes ont déclaré faire usage d’opiacés, 63,9 % d’amphétamines, 48,5 % de cocaïne, 22,8 % de benzodiazépines, et la plupart ont indiqué qu’elles utilisaient plusieurs substances à la fois.
Sur les 1 968 personnes prises en compte dans l’analyse, 620 (31,5 %) étaient porteuses d’anticorps dirigés contre l’hépatite C. Parmi les personnes porteuses d’anticorps dirigés contre l’hépatite C, 474 (76,5 %) ont obtenu un résultat positif au test de détection de l’ARN du VHC. Parmi ces dernières, 387 (81,6 %) ont été prises en charge.
Parmi ces 387 personnes :
- 326 (84,2 %) ont entamé un traitement, parmi lesquelles 60 étaient en phase de prétraitement; une personne est décédée d’une surdose pendant la phase de prétraitement.
Sur les 326 personnes qui ont entamé le traitement :
- 304 (93,2 %) l’ont terminé, 18 d’entre elles suivaient encore le traitement, trois l’ont arrêté prématurément en raison d’effets secondaires et une est décédée d’une surdose pendant le traitement.
Sur les 304 personnes qui ont terminé le traitement, 286 (94,1 %) ont guéri (RVS12). Ce groupe comprenait 16 personnes en attente d’un test de RVS, 2 qui ont connu une rechute virologique et une qui a été réinfectée après avoir guéri. Après exclusion des personnes en attente d’un test de RVS et prise en compte des seules personnes dont les résultats de RVS étaient connus, il s’est avéré que 286 personnes sur 288 (99,3 %) ont guéri. Le délai médian entre l’accueil à la CCE et le début du traitement de l’hépatite C était de six semaines; aucun·e patient·e n’a été perdu·e de vue.
Qu’est-ce que cela signifie pour les prestataires de services?
Les résultats de ce programme permettent d’étayer l’efficacité des approches communautaires visant à inciter les personnes qui utilisent des drogues à intégrer la cascade de soins de l’hépatite C. Cette approche pluridisciplinaire aisément accessible a permis d’améliorer l’accès aux soins en venant à bout autant que possible des obstacles classiques auxquels se heurtent les personnes qui utilisent des drogues (p. ex. stigmatisation, priorités concurrentes, telles que le logement précaire ou l’insécurité financière). Des partenariats collaboratifs entre le VIDC et plusieurs sociétés de logement des quartiers urbains défavorisés de Vancouver ont permis de reconnaître de manière systématique les personnes qui avaient besoin d’un traitement. Étant donné que plus de 30 % des personnes étaient porteuses d’anticorps dirigés contre l’hépatite C, cette approche était bien ciblée et a permis de toucher une population mal desservie, généralement coupée du système de soins. Il importe de noter que ce modèle de programme a permis d’obtenir un taux de rétention élevé tout au long de la cascade de soins. Alors que les partenariats avec les sociétés de logement ont facilité les interventions de proximité et l’accès, le partenariat stratégique avec la pharmacie SRx a permis de favoriser l’observance du traitement. Compte tenu des taux de guérison élevés obtenus par l’intermédiaire des CCE, ce modèle de programme est une approche prometteuse pour ce qui est d’augmenter les taux de dépistage et de traitement.
Bien que l’objectif premier des CCE ait été d’amener les personnes qui utilisent des drogues à recevoir des soins liés à l’hépatite C, le succès du programme reposait également sur les services intégrés qu’il mettait à leur disposition. Les patient·e·s ont bénéficié d’un soutien en matière de santé médicale, de santé mentale, de besoins sociaux et de besoins liés à l’utilisation de substances. Plus particulièrement, l’accès à des services de soutien liés à l’utilisation de substances (p. ex. TAO) peut avoir favorisé la rétention et l’observance, ainsi que la réduction des risques de surdose d’opioïdes.
Ressources connexes
Des personnes qui s’injectent des drogues signalent des obstacles particuliers au traitement de l’hépatite C – Nouvelles CATIE
Quelles interventions peut-on utiliser pour améliorer le dépistage de l’hépatite C et l’arrimage au traitement? – Point de mire sur la prévention
Cliniques communautaires éphémères – Étude de cas de Connectons nos programmes
Référence
Yi S, Wiesmann C, Truong D et al. Community Pop‐Up Clinic: Cascade of care and HCV treatment of Vancouver’s inner‐city PWID populations. Journal of Viral Hepatitis. 19 octobre 2024.