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Ontario
Centre de santé communautaire Parkdale Queen Ouest
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En quoi consiste le programme?

Le Programme de sites satellites de réduction des méfaits du Centre de santé communautaire Parkdale Queen Ouest (CSCPQO) emploie des personnes ayant une expérience vécue de la consommation de drogues (des pairs), comme travailleurs de sites satellites (TSS). Les TSS distribuent du matériel de réduction des méfaits (p. ex., du matériel d’injection et d’inhalation) et des trousses de naloxone, et offrent une formation à la réponse aux surdoses, des services d’élimination sécuritaire des seringues et d’autres formes de soutien (p. ex., l’orientation vers d’autres services sociaux et de santé), dans leur lieu de résidence (les « sites satellites »).

Le programme a pour objectif de joindre des personnes qui consomment des drogues, mais qui n’ont pas ou ne peuvent pas avoir accès à des programmes conventionnels de réduction des méfaits. Le programme repose sur un modèle de « distribution secondaire » : les TSS se procurent le matériel auprès d’un programme de réduction des méfaits, puis le distribuent dans leurs réseaux et à leurs voisins dans les immeubles où ils habitent.

Le CSCPQO est un organisme communautaire de services de santé. Les services qu’il offre incluent les soins de santé primaires, les soins dentaires, la réduction des méfaits, la promotion de la santé, le counseling et des programmes de développement communautaire. Le Programme de sites satellites de réduction des méfaits est intégré au CSCPQO. Il a vu le jour il y a huit ans, sur une base informelle, et a par la suite fait l’objet d’une formalisation et d’un élargissement. Le programme réplique le programme de sites satellites du Centre de santé communautaire South Riverdale, développé par Raffi Balian, militant pour les intérêts des consommateurs de drogues et pionnier de la réduction des méfaits.

Raison d'être du programme

Le programme vise à réduire les obstacles que rencontrent les personnes qui tentent de se procurer du matériel de réduction des méfaits – y compris la distance géographique des services de distribution de matériel, les heures d’ouverture limitées de ceux-ci et le besoin de discrétion quant à l’accès à du matériel de réduction des méfaits. Le programme permet un accès à bas seuil à du matériel de consommation de drogues, à la réponse aux surdoses ainsi qu’à d’autres formes de soutien, puisqu’il élargit géographiquement et temporellement la couverture des programmes existants de réduction des méfaits. Il sert également de point d’accès à bas seuil vers les services sociaux et de santé, par le biais des réseaux informels de recommandations que créent les TSS.

Le Programme de sites satellites de réduction des méfaits a évolué au fil du temps afin de répondre aux enjeux liés à la crise des surdoses, en fournissant du soutien plus spécifique pour prévenir les surdoses et y répondre (p. ex., les TSS fournissent de la naloxone et une formation pour l’utiliser; de plus, ils relaient l’information et les alertes à propos de drogues contaminées et de mauvais lots).

Mise en œuvre du programme

Le Programme de sites satellites de réduction des méfaits est offert depuis deux sites du CSCPQO. Les TSS sont établis dans des immeubles résidentiels de la région de service du CSCPQO. Ils distribuent du matériel de réduction des méfaits et fournissent de l’éducation (p. ex., à propos des pratiques d’injection plus sécuritaires) et des informations (p. ex., des recommandations à des intervenants communautaires et des alertes concernant les cas de mauvaises drogues) à leurs voisins dans les immeubles prioritaires (c.-à-d. les sites satellites).

Les immeubles prioritaires pour l’offre de soutien en réduction des méfaits ont été identifiés par le biais d’une évaluation des besoins en collaboration avec des membres de la communauté. On a maintenant recours à diverses autres sources d’information afin de déterminer quels sont les immeubles prioritaires, entre autres :

  • des équipes de travailleurs de rue;
  • les données des services d’urgence de Toronto concernant les appels en situation de surdose, afin de repérer les « points chauds » où du soutien est requis;
  • la communication avec les clients et membres de la communauté qui ont recours à des services du CSCPQO; et
  • des consultations continues avec l’ensemble de la communauté de personnes qui consomment des drogues, par le biais d’un groupe consultatif communautaire (GCC).

Le GCC conseille le CSCPQO pour toutes les facettes du programme, ce qui fait en sorte que celui-ci a continuellement « une oreille au sol ». Le GCC se compose de membres de populations prioritaires dans la communauté ainsi que de représentants et de pairs intervenants d’organismes partenaires. Il compte entre 8 et 12 membres et se réunit sur une base trimestrielle.

Les employés du programme sont des TSS qui habitent dans les immeubles prioritaires identifiés. On recrute des TSS par le biais du bouche-à-oreille et de recommandations formulées par des membres de la communauté. Il arrive également qu’on choisisse des TSS parce qu’ils se rendent dans l’un ou l’autre des deux sites du CSCPQO afin de se procurer de grandes quantités de matériel pour leurs amis et/ou voisins. Le processus du recrutement inclut la publication d’une offre d’emploi ainsi qu’une entrevue. Le coordonnateur du programme et les TSS actifs s’occupent du recrutement (p. ex., l’annonce des postes à pourvoir et la tenue des entrevues). Les TSS sont des individus de confiance bien connus des communautés dont ils font partie et ils sont très familiers avec le milieu local de la drogue.

Au moment où nous rédigeons cet article, le programme du CSCPQO compte 10 TSS actifs, qui fournissent tous les mêmes services essentiels à partir de leur lieu de résidence :

  • distribution de matériel de réduction des méfaits;
  • distribution de trousses de naloxone;
  • formation à la réponse aux surdoses;
  • recommandations d’autres services (p. ex., orientation vers des soins primaires, vers une assistance juridique pour des besoins de logement et vers des pairs navigateurs en matière de santé pouvant accompagner un client lors d’un rendez-vous);
  • soutien et éducation en matière de pratiques plus sécuritaires d’injection, y compris pour la prévention du VIH et de l’hépatite C, les soins des veines et la prévention des infections cutanées;
  • partage d’information importante et pressante à connaître (p. ex., des informations sur des lots de drogues contaminées, des recommandations de services communautaires et, pour les travailleurs du sexe, des informations sur des listes de « mauvais clients »).  

De plus, certains TSS permettent à des clients dignes de confiance de consommer des drogues dans leur résidence, offrant ainsi une supervision de la consommation de drogues à des fins de sécurité en cas de surdose ou d’autre effet indésirable. Certains TSS deviennent des pairs leaders, c.-à-d. des TSS dont les heures de travail et les responsabilités sont élargies (p. ex., pour organiser des événements de promotion de la santé dans des immeubles résidentiels).

Une fois par semaine, les TSS vont se procurer le matériel de réduction des méfaits qu’ils distribuent. Leurs tâches incluent de consigner le nombre de personnes qu’ils rencontrent et les quantités de matériel qu’ils distribuent dans des feuillets hebdomadaires de statistiques anonymes. Ils établissent eux-mêmes leur horaire de travail; celui-ci peut être flexible et vise souvent des plages horaires externes aux heures d’ouverture du centre de santé communautaire proprement dit. On s’attend à ce qu’un TSS passe chaque semaine entre quatre et six heures à distribuer du matériel. Toutefois, les TSS ne travaillent pas sur appel et on fait des efforts pour qu’ils ne soient pas sollicités à excès, dans leur rôle.

Généralement, les personnes entendent parler du programme par le bouche-à-oreille. La plupart des TSS travaillent dans la discrétion afin de protéger leur propre vie privée, mais certains d’entre eux choisissent de faire connaître leurs services par divers moyens (p. ex., en affichant un dépliant sur leur porte) s’ils s’en sentent à l’aise.

L’obtention de l’appui de la direction ou de l’exploitant d’un immeuble résidentiel n’est nécessaire que lorsque le TSS a l’impression que cela serait utile et que la demande serait bien reçue. Des immeubles identifiés se montrent parfois réceptifs à accueillir un TSS en raison du rôle d’aidant que celui-ci peut jouer (p. ex., pour favoriser la mise au rebut sécuritaire des seringues ou pour renverser des surdoses). L’obtention de l’appui des fournisseurs de logement peut faire l’objet d’une démarche à long terme et continue. De plus, le coordonnateur du programme, des pairs leaders ou d’autres travailleurs de proximité effectuent un travail d’approche auprès de certains immeubles afin d’accroître leur appui ou de répondre à des idées erronées au sujet de la réduction des méfaits.

Comme les TSS jouent un rôle informel, en utilisant leurs propres réseaux, il n’y a pas de protocole d’entente formel entre le programme et les immeubles où les TSS travaillent. Il est toutefois fréquent que des initiatives de promotion de la santé (p. ex., un événement portes ouvertes, une foire de santé dans le hall d’entrée d’un immeuble) ou de soins infirmiers sur place soient organisées dans certains immeubles afin de développer des relations avec leurs responsables et de présenter des programmes de réduction des méfaits. Pour des événements de proximité plus formels, on développe un protocole d’entente.

Les TSS travaillent à titre d’entrepreneurs indépendants. Ils reçoivent des honoraires en reconnaissance de leur temps (entre 60 et 90 dollars par semaine, selon leurs responsabilités et le nombre d’heures de travail). Pour toute réunion additionnelle de l’équipe ou activité de formation ou d’orientation, on les rémunère au taux de 15 $/heure. Le paiement est lié aux ententes de financement actuelles du programme.

Formation et soutien des travailleurs de sites satellites

Le programme met à profit l’expertise et l’expérience des TSS en offrant des formations continues à l’équipe ainsi que d’autres occasions de formation. Les TSS doivent suivre diverses formations au cours de la période de familiarisation des premiers mois de service, puis périodiquement. Une série d’entre six et huit formations et ateliers obligatoires en équipe est donnée chaque année aux TSS. Les thèmes abordés incluent notamment :

  • la manipulation sécuritaire et la mise au rebut appropriée des seringues;
  • la formation pour répondre aux surdoses de stimulants et d’opioïdes, y compris l’utilisation de naloxone;
  • l’évaluation et la communication des limites; la déontologie du travail basé sur les pairs;
  • la résolution de conflit et le désamorçage de crise;
  • la prévention, le dépistage et le traitement du VIH et de l’hépatite C;
  • l’offre de recommandations efficaces et de voies d’accès aux soins;
  • les droits juridiques en lien avec les forces policières et la Loi sur les bons samaritains secourant les victimes de surdose; et
  • les droits des travailleurs du sexe.

Au besoin, on organise des séances de formation sur d’autres thèmes (p. ex., des exposés sur des cas non typiques de surdose, l’écoute active).

Le soutien à l’endroit des TSS, en particulier dans le contexte de la crise actuelle des surdoses et de la contamination des drogues, est un élément crucial et central du programme. Le coordonnateur du programme consulte les TSS individuellement, chaque semaine, en plus de leur offrir du soutien pour le fonctionnement de leurs sites satellites et pour affirmer leurs limites et négocier celles-ci avec les clients. Du soutien additionnel est fourni lorsque cela est nécessaire (p. ex., faire face à des conflits avec des propriétaires, ou à des questions juridiques). Le coordonnateur du programme organise régulièrement des réunions d’équipe afin de discuter de problèmes rencontrés par les TSS, d’y répondre et de créer un espace pour composer avec la douleur liée à la perte d’autres membres de la communauté.

Ressources requises

  • Un coordonnateur de programme à plein temps
  • Des TSS
  • Le soutien de la communauté (p. ex., propriétaires ou fournisseurs de logement) peut être bénéfique, mais n’est pas requis
  • Ressources pour les honoraires, les séances de formation, les réunions
  • Des téléphones cellulaires pour les TSS afin qu’ils puissent communiquer avec le coordonnateur du programme en cas de préoccupations touchant la santé ou la sécurité
  • Matériel de réduction des méfaits (p. ex., seringues, pipes)
  • Matériel de réponse aux surdoses (p. ex., naloxone)

Défis

  • Puisque le programme est en place dans divers immeubles, divers défis peuvent survenir en matière d’accès à de nouveaux immeubles ou d’activités du site satellite qui attirent une attention indésirable sur le TSS. En raison de la stigmatisation des personnes qui consomment des drogues, certains fournisseurs de logement considèrent que tout trafic piétonnier ou toute visite à l’appartement d’un TSS constitue une preuve de trafic de drogues. Le programme soutient les TSS dans la médiation en lien avec toute tension avec des gestionnaires ou propriétaires d’immeuble. De plus, il dispose de ressources en droit du logement que les TSS peuvent consulter au besoin.
  • Des enjeux sociaux ou structurels dans la vie des TSS peuvent affecter leur capacité de faire fonctionner leur site satellite. Il est fréquent que ces enjeux aient un lien avec la criminalisation de la consommation et de la possession de drogues, les menaces d’éviction basées sur la stigmatisation de la consommation de drogues, ou encore avec des troubles de santé. Reconnaissant les obstacles que les travailleurs et les clients peuvent rencontrer, le programme offre de la souplesse et des services de soutien (de la part du coordonnateur du programme et d’autres intervenants) ainsi que des recommandations à des services communautaires (p. ex., assistance juridique en matière de logement ou pour d’autres questions).
  • La crise actuelle des surdoses a eu un impact énorme sur le bien-être émotionnel et la santé physique de toutes les personnes qui consomment des drogues, y compris les TSS. Plusieurs TSS ont perdu des proches et rencontrent fréquemment des situations où ils ont à répondre à des surdoses. On a établi des mesures additionnelles de soutien pour la réduction des méfaits et en lien avec les surdoses, pour les clients et les TSS; et on a accru la fréquence des réunions d’équipe afin d’offrir un milieu aidant aux TSS.

Évaluation du programme

Au cours d’une année, de la période allant de juillet 2018 à juin 2019, les TSS sont entrés en contact avec 206 individus qui n’avaient jamais été en relation avec le CSCPQO ni d’autres services de réduction des méfaits. Les sept TSS ont distribué approximativement les quantités suivantes de matériel pendant cette période :

  • 78 000 seringues
  • 5 124 pipes pour la métamphétamine cristallisée et le crack
  • 380 trousses de naloxone

Selon les données collectées en juin 2016 au moyen des questionnaires remis par les TSS à des clients (16 répondants) :

  • 94 % des personnes qui ont eu recours aux services des sites satellites ont indiqué rencontrer moins d’obstacles à l’accès à des seringues stériles (ou à d’autres types de matériel de réduction des méfaits) dans un site satellite que dans un site conventionnel ou par le biais d’autres moyens d’accès à du matériel stérile;
  • 25 % des clients des sites satellites ont répondu avoir eu accès à des services de dépistage ou de traitement du VIH ou de l’hépatite C après avoir utilisé les services d’un site satellite;
  • 100 % des répondants ont cité la commodité comme principale raison pour laquelle ils ont choisi de se procurer du matériel de réduction des méfaits dans un site satellite; 56 % ont cité l’anonymat/la discrétion comme raison principale et 56 % ont répondu que c’était parce que le satellite leur permettait de se procurer du matériel auprès d’un pair (une personne qui consomme des drogues).
  • 75 % des clients des sites satellites ont déclaré avoir plus de connaissances sur la prévention des surdoses et la réponse à celles-ci depuis qu’ils fréquentaient un site satellite.

Voici par ailleurs des commentaires de TSS au sujet du programme :

« Ça fait du bien de savoir que les gens reçoivent du matériel sécuritaire pour l’injection et l’inhalation, de savoir qu’ils consomment de manière sûre et que je fais partie de la réalisation de ce changement. »

« Ma plus grande réussite? Sans contredit, c’est de sauver des vies. Rien n’est plus important que ça. J’aime également croire que j’ai aidé à changer certaines choses, par mon rôle de travailleur de site satellite. C’est un travail de pionnier, que nous aidons à définir – ce en quoi ça consiste, ce qu’il faut faire –, et je me sens privilégié de contribuer à bâtir quelque chose comme ça. »

« Le flux d’information est d’une importance incontestable – afin que je puisse la partager avec mes clients pour qu’ils disposent des connaissances les plus à jour pour savoir où dépenser leur argent en cette période où les enjeux sont si grands pour nous tous. Lots de mauvaises drogues, lots de drogues faibles, lots qu’il faut diluer deux fois plus, lots qui causent d’étranges réactions. »

Leçons tirées

  • Il est crucial de fournir du soutien continu aux TSS (p. ex., des formations sur l’affirmation de leurs limites avec les clients, comment interagir avec ceux-ci et comment répondre à des tentatives d’éviction et maintenir la location), pour maintenir le sentiment d’urgence des personnes et pour s’assurer de ne pas exploiter leurs réseaux de soutien informel. L’intérêt de la sécurité des TSS requiert qu’on les soutienne dans l’évaluation des limites et le désamorçage de conflits, et qu’on les assiste lorsqu’ils sont en deuil en raison du décès de personnes emportées par la crise des surdoses (p. ex., au moyen de rencontres individuelles chaque semaine).
  • Il est également crucial de reconnaître la nécessité de consultation continue avec l’ensemble de la communauté des personnes qui consomment des drogues, pour faire en sorte que les sites satellites soient situés dans les bons endroits et aient un impact optimal. Le groupe consultatif communautaire composé de personnes qui consomment des drogues et d’autres parties intéressées (p. ex., des membres des communautés touchées de façon disproportionnée par la criminalisation, le VIH, l’hépatite C et les surdoses) contribue à faire en sorte que le programme joint les communautés les plus affectées par la criminalisation de la consommation de drogues et par les enjeux de santé qui s’y rattachent.

Matériel du programme

Coordonnées

Liam Michaud

Coordonnateur du programme de sites satellites de réduction des méfaits, Centre de santé communautaire Parkdale Queen Ouest
1229, rue Queen Ouest
Toronto (Ontario)  M6K 1L2
Courriel : lmichaud@pqwchc.ca
Téléphone : (416) 537-2455 poste 1285