Entre 2016 et 2021, les responsables des programmes Fostering Open eXpression among Youth (FOXY) et Strength, Masculinities, and Sexual Health (SMASH) ont organisé dans les Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.) des retraites de pairs animateurs (RPA) ancrées dans le territoire, visant à promouvoir la prévention du VIH et des infections transmissibles sexuellement (ITS) auprès des jeunes Nordiques et des jeunes Autochtones. Les RPA comprenaient de multiples activités artistiques (p. ex. photographie, narration numérique) et des approches ancrées dans le territoire (p. ex. enseignement concernant la terre, transmission des Aîné·e·s). Les participant·e·s aux RPA étaient des jeunes Nordiques et des jeunes Autochtones âgé·e·s de 13 à 17 ans, résidant dans les Territoires du Nord-Ouest, au Yukon ou au Nunavut. D’après l’étude, l’approche a permis d’améliorer les connaissances sur le VIH et les ITS et les niveaux de connaissances de leurs propres capacités en matière de pratiques sexuelles plus sécuritaires des jeunes Nordiques et des jeunes Autochtones, comme l’a montré le test de vérification des connaissances effectué en fin d’activité. Les groupes de discussion avec les jeunes participant·e·s ont permis de confirmer ces résultats, ceux-ci et celles-ci ayant indiqué qu’ils et elles étaient plus sensibilisé·e·s aux pratiques sexuelles plus sécuritaires et qu’ils et elles étaient mieux à même d’aborder les conversations sur ce sujet.
Description du programme
Les programmes FOXY et SMASH proposent de l’information en matière de santé sexuelle aux jeunes Nordiques et aux jeunes Autochtones des T.N.-O. FOXY a été conçu pour les jeunes femmes et les personnes de diverses identités de genre, tandis que SMASH est destiné aux jeunes hommes et aux personnes de diverses identités de genre. Les deux programmes ont recours à des ateliers en milieu scolaire et à des retraites ancrées dans le territoire pour développer les connaissances sur la prévention du VIH et des ITS.
Dans le cadre de ces programmes, les RPA ont été instaurées pour favoriser l’apprentissage et la participation. Les RPA comportaient des activités à caractère artistique, ancrées dans le territoire et visant à créer des environnements dans lesquels les jeunes pouvaient développer des compétences techniques (p. ex. pratiques sexuelles plus sécuritaires) et de communication transformatrice (p. ex. conversation sur le consentement sexuel). Ces retraites visaient à favoriser la création d’environnements propices à l’acquisition de connaissances et de compétences en matière de prévention du VIH et des ITS.
Les RPA se sont déroulées chaque année pendant neuf jours durant l’été des années 2016 à 2021. Les participant·e·s étaient âgé·e·s de 13 à 17 ans et ont été recruté·e·s par le biais des médias sociaux, des écoles et des organismes communautaires, ainsi que des réseaux de pairs déjà en place. Les RPA ont eu lieu dans un site accessible par voie aérienne à Blachford Lake Lodge (T.N.-O.) et à Yellowknife (T.N.-O.). Elles ont été animées par des membres de la communauté, des chercheur·euse·s, un·e prestataire de soins de santé, un·e prestataire de soins de santé mentale, des apprenti·e·s bénévoles qui avaient déjà participé à une retraite, et des pairs animateur·trice·s âgé·e·s de 14 à 21 ans, ancien·ne·s participant·e·s agissant à titre de membres du personnel.
Les RPA ont comporté de multiples méthodes d’apprentissage fondées sur les arts, notamment :
- le tambour à main;
- des activités d’arts visuels et liées au théâtre;
- la narration numérique;
- les récits et enseignements traditionnels autochtones;
- la photographie et la tenue d’un journal;
- la sensibilisation au VIH et aux ITS, articulée notamment autour des relations saines;
- l’élaboration de projets de leadership communautaire.
Parmi les approches ancrées dans le territoire, citons :
- les enseignements des gardiens du savoir autochtone et des Aîné·e·s;
- les cérémonies;
- l’enseignement concernant la terre;
- les activités récréatives (p. ex. la randonnée);
- les jeux traditionnels du Nord.
Qu’est-ce que l’éducation ancrée dans le territoire?
L’éducation ancrée dans le territoire est fondée sur les connaissances autochtones et l’interrelation. Elle part du principe que la présence dans le territoire est un moyen de créer un lien avec la communauté, la culture et soi-même, par le biais d’activités telles que les récits traditionnels, les cérémonies et les tambours. L’éducation ancrée dans le territoire repose sur le relationnel et la réciprocité et favorise une approche globale susceptible d’accroître la résilience. Les retraites ancrées dans le territoire visent à renforcer l’estime de soi, l’efficacité personnelle et la confiance en soi, ce qui peut contribuer au bien-être général, et notamment au bien-être sexuel.
Résultats
Entre 2016 et 2022, 353 jeunes ont participé à des RPA et ont répondu à un questionnaire, ou ils et elles ont participé à un groupe de discussion. Les 353 participant·e·s présentaient les caractéristiques suivantes :
- l’âge moyen des participant·e·s était de 14 ans;
- 70,5 % étaient Autochtones;
- 66,2 % étaient des adolescentes; 31 % étaient des adolescents et 2,8 % étaient de diverses identités de genre;
- 31,7 % se sont identifié·e·s comme étant d’une orientation sexuelle différente (lesbiennes, bisexuels, gais, queers);
- 79,5 % ont participé aux retraites FOXY et 30,6 % aux retraites SMASH.
En outre, 252 animateur·trice·s, y compris des jeunes apprenti·e·s et des pairs animateur·trice·s, ont participé à des groupes de discussion.
Questionnaires remplis avant et après l’activité par les jeunes participant·e·s
Des questionnaires de vérification des connaissances en matière de VIH et d’ITS et de leurs propres capacités en matière de pratiques sexuelles plus sécuritaires (CPCPSS) ont été présentés aux participant·e·s avant et après l’activité pour mesurer l’aisance des participant·e·s à envisager de telles pratiques. Sur les 353 participant·e·s aux ateliers de RPA, 277 (78,5 %) ont répondu au questionnaire de vérification des connaissances en matière d’ITS et de VIH avant et après l’activité, et 326 (92,4 %) ont répondu au questionnaire sur les CPCPSS avant et après l’activité. Les résultats du questionnaire de vérification des connaissances en matière d’ITS/de VIH allaient de 0 à 15, la note 1 étant attribuée à chaque bonne réponse. Les résultats du questionnaire sur les CPCPSS allaient de 5 à 25, les notes supérieures correspondant à un niveau de CPCPSS plus élevé. Les participant·e·s ont obtenu des notes nettement plus élevées en matière de connaissances sur les ITS et le VIH après avoir participé à un atelier de RPA (7,10 avant l’activité par rapport à 13,23 après l’activité), soit une augmentation moyenne de la note avant/après l’activité de 6,13. Les notes des participant·e·s concernant les CPCPSS étaient plus élevées après leur participation à l’atelier de RPA (15,64 avant par rapport à 17,78 après), soit une augmentation significative des résultats de 2,14.
Groupes de discussion avec les jeunes participant·e·s après les RPA
Dans le cadre des groupes de discussion, les participant·e·s ont expliqué que leurs connaissances techniques sur le VIH et les ITS s’étaient améliorées et qu’ils et elles avaient appris à avoir des relations sexuelles plus sécuritaires. Ils et elles ont également signalé avoir appris qu’il était important de connaître le statut sérologique de leur partenaire quant aux ITS et qu’ils et elles craignaient moins d’aborder les options en matière de pratiques sexuelles plus sécuritaires.
Témoignages de participant·e·s :
« Je pense que ce que j’ai appris, c’est que quand on se sent à l’aise, on peut dire non [aux rapports sexuels]. Maintenant, j’ai comme l’impression que je vais pouvoir lui dire “non”. » (jeune participant·e, FOXY, 2017)
« J’ai appris plein de nouveaux trucs sur le consentement. Genre, prendre une décision “éclairée”. En fait, on doit demander, on doit informer de ce qu’on va faire. J’ai toujours su que le consentement c’est un aspect important du sexe et tout. » (jeune participant·e, SMASH, 2021)
En ce qui concerne la communication transformative, trois constatations importantes sont ressorties des groupes de discussion :
- plus d’aisance et de confiance pour parler de sexualité, notamment d’approche positive de la sexualité et d’enthousiasme dans les discussions sur les rapports sexuels;
- une sensibilité et une disposition accrues pour ce qui est de discuter du consentement et des limites en matière de sexualité, les jeunes femmes se sentant notamment plus habilitées à refuser des relations sexuelles;
- une plus grande compréhension des moyens d’envisager des relations saines et d’utiliser des mécanismes d’adaptation pour faire face aux émotions.
Groupes de discussion avec les animateur·trice·s après les RPA
Les animateur·trice·s, les apprenti·e·s et les pairs animateur·trice·s ont participé à des groupes de discussion séparés et ont affirmé que les RPA étaient « adaptés aux jeunes » et qu’elles « facilitaient l’apprentissage » par des moyens amusants d’acquérir des connaissances dans un climat non moralisateur et positif en matière de sexualité, et en faisant appel à des modèles de comportement.
Qu’est-ce que cela signifie pour les prestataires de services?
Les RPA peuvent constituer un environnement propice à la sensibilisation à la prévention du VIH et des ITS en aidant les participant·e·s à acquérir des compétences techniques et des aptitudes à la communication transformative. Les approches axées sur les arts et ancrées dans le territoire peuvent favoriser le développement des compétences et des connaissances chez les jeunes Nordiques et les jeunes Autochtones.
La réussite de ce programme repose sur le recours aux modèles de comportement des pairs et des Aîné·e·s dans le cadre des RPA. Les auteur·e·s de l’étude estiment que la prise en compte des déterminants sociaux de la santé, en particulier l’insécurité alimentaire, peut contribuer à améliorer la capacité des participant·e·s à négocier des pratiques sexuelles plus sécuritaires, tout comme celle de la stigmatisation à laquelle peuvent être confronté·e·s les participant·e·s de diverses identités de genre. Une perspective intersectionnelle qui tient compte des contextes plus généraux et des obstacles superposés auxquels sont confrontés les jeunes pourrait contribuer à créer des environnements qui facilitent l’adoption par les jeunes d’approches de prévention du VIH et des ITS.
Ressources connexes
Programme Fostering Open eXpression among Youth (FOXY) – Sommaire de données probantes de CATIE
Mobilisation des jeunes séropositif·ve·s par leurs pairs intervenants (HYPE) – Étude de de cas de CATIE
FOXY and SMASH research summaries – Site Web (en anglais seulement)
Référence
Logie, CH, Lys CL, Taylor SB et al. Land‑based retreats as a method for building enabling environments for HIV prevention with Northern and Indigenous adolescents in the Northwest Territories, Canada: mixed‑methods findings. AIDS and Behavior. 2024;28:3112-3127.